Toutes les morts de Laila Starr – Ram V & Filipe Andrade

Résumé : Mumbai, de nos jours. Mme Shah, en plein travail et coincée dans un embouteillage, hurle sur son mari au téléphone. Laila Starr, une jeune femme déjà fatiguée de tout, est allongée sur le rebord d’une fenêtre ouverte, plusieurs étages au-dessus du trafic. Et plus haut encore, bien au-delà des nuages, la déesse de la Mort est convoquée dans le bureau de son patron. Ces trois destins se rejoignent au moment où, simultanément Laila saute dans le vide, Mme Shah donne naissance à son fils Darius, et la Mort est renvoyée sans ménagement. Dans un futur, Darius est en effet celui qui découvrira le secret de l’immortalité et reléguera la Mort au rang de désagréable souvenir. Mais la Mort, incarnée dans le corps sans vie de Laila, compte bien retrouver sa place, même si elle doit pour cela éliminer le jeune Darius. Du moins, c’était le plan avant qu’un camion ne la fauche et qu’elle ne se retrouve à nouveau ressuscitée quelques années plus tard…

Edition : Urban

Mon Avis : Déjà je commence cette chronique par vous souhaiter une très bonne année 2025, en vous souhaitant le plein de lectures intéressantes.

Pfiou, je me rends compte que je n’ai rien publié ici depuis 2020, cela fait un bail. J’espérais un retour en 2023 et finalement on est en 2025. Le temps passe vite. De plus, en écrivant cette chronique, je découvre aussi que je n’ai rien publié en « livres à bulles » depuis 2016. Une éternité. Il faut dire que, autant j’ai toujours plus ou moins réussi à écrire des chroniques de livres vu que j’en lisais énormément, autant niveau BD, Comics, Mangas, … j’avais l’impression de ne pas être tout à fait dans mon élément, de manquer peut-être de pertinence dans ce que je raconte. Attention pour autant je ne me suis jamais non plus considéré critique de livre, mais j’avais l’impression d’avoir un minimum de bagage pour partager ma voix. Peut-être que c’est dû à l’insouciance de la jeunesse qui sait. Pour autant, j’ai donc décidé de tenter d’écrire à nouveau des chroniques de ce type, déjà parce que je lis plus facilement des « livres à bulles » qu’autre chose en ce moment, mais aussi dans le but de tenter de voir si je peux partager au mieux mon ressenti personnel sur ces lectures. Je dis bien tenter, car cette chronique traine depuis plus de 8 mois, je l’ai réécrite 5 fois, je suis toujours plus ou moins insatisfait, mais il faut bien se lancer ^^.

Et c’est donc avec Toutes les morts de Laila Starr que je me lance, Comics dont j’avais entendu énormément de bien. Même la vendeuse de la boutique où je l’ai pris m’avait conseillé de prendre mon temps en le lisant tant le récit l’avait touché. J’avais donc hâte de le découvrir. D’ailleurs pour informations j’ai plusieurs chroniques sur les comics « indépendants » de Ram V qui sont plus ou moins écrites, les prochaines semaines vont donc tendre vers un spécial Ram V. Et ce que j’appelle « indépendants » c’est que ce ne sera pas obligatoirement lié à un univers DC ou Marvel ; en effet à quelques exceptions près je lis très peu de comics de ces univers.

Cet album nous propose suivre la Déesse de la Mort, convoquée par son patron qui la licencie sans ménagement, car dans un futur proche, Darius, un enfant qui vient de naitre, va découvrir l’immortalité. La Mort, sous le choc et en urgence, se retrouve alors à échafauder un plan pour ne pas disparaitre et se réincarne dans le corps de Laïla Starr, qui venait de se suicider. Son but : tenter d’éliminer Darius et retrouver son poste. Je ne sais pas trop comment aborder ma critique, il y a énormément de choses à dire, de très bonnes choses, mais aussi des points qui m’ont frustré. Au final, je comprends parfaitement que ce livre puisse plaire, il brasse énormément de sujets et d’idées, ne laisse pas indifférent et fait réfléchir, pour autant je suis très loin d’avoir pris la « claque » que beaucoup ont ressenti à la lecture. C’est clairement un comics plein de réflexions et de bonnes vibrations, on tourne la dernière page en se disant que oui, j’ai apprécié ma lecture, pour autant il m’a paru manquer de densité, d’intensité, et même quelques fois de sentiments. Je n’ai pas eu cette impression d’album marquant, qui entrerait dans mon panthéon des livres, comme j’ai pas mal vu, lu ou entendu. Je ne souhaitais pas un livre profondément philosophique, loin de là, et ce n’est pas mon genre, mais à force de trop vouloir en faire j’ai eu l’impression qu’il restait en surface.

Mais arrêtons de tourner en rond, et commençons l’analyse du récit. Le premier point très intéressant qui m’a accroché, c’est finalement cette critique sous-jacente sur le monde du travail. Cette vision de la déesse de la Mort, cadre d’une grande boite, qui ne vit que pour son travail, comme pas mal de gens et qui va se faire éjecter et devoir revoir complètement sa vie. Elle va alors découvrir au fil de ses pérégrinations que la « vie » c’est plus qu’un simple boulot et qui, à travers les rencontres qu’elle fait, va aussi changer, avoir une vision du monde différent et évoluer. On peut facilement y voir un rappel que le travail n’est pas obligatoirement la Vie, mais d’une certaine façon (un peu exagérée) la mort quand on s’y engage de trop. Que s’investir dans son travail en oubliant la vie à côté, c’est quand même passer à côté d’énormément de choses, de cultures, de rencontres, de découvertes, etc… Bien entendu, la mort dans le récit a des « avantages », elle a un « réseau » qui va lui permettre de mener cette réflexion et vivre ces instants. De toute façon je ne pense pas que le message soit obligatoirement : « lâchez tout et vivez votre vie rêvée », mais plus une nécessité de rappeler qu’il y a énormément de choses à faire en-dehors du travail. Des lieux à découvrir, des cultures à explorer, des gens à voir ou à rencontrer, etc … Juste, parfois, faire un pas de côté et profiter quand on le peut est une bénéfique.

L’autre point très intéressant est, sans surprise, la dualité entre la vie et la mort, l’impossibilité de séparer l’une de l’autre. L’auteur développe un parallèle plutôt efficace sur le sujet, même si frustrant sur la fin. En effet à chaque tentative pour changer son Histoire, Laïla va faire des rencontres, découvrir la Vie, l’humanité, sa profondeur, sa diversité d’une certaine façon sa philosophie puis mourir et devoir se réincarner et recommencer en découvrant de nouvelles choses, là où Darius va lui vieillir, et même s’il va profiter de la vie, il va nécessairement découvrir la Mort, ses conséquences, sa souffrance, ses pertes. Là où Laïla dans sa souffrance et sa fureur va découvrir la beauté et l’apaisement, Darius va d’une certaine façon découvrir la souffrance et les deuils, pour autant ils vont se trouver des choses en commun. Certes cette idée n’est pas nouvelle, que l’un existe forcément avec l’autre, pour autant le récit y apporte sa vision et cela fonctionne plutôt bien, même si, comme je le disais, un point m’a frustré c’est que je trouve qu’on s’attarde plus sur Laïla par rapport à Darius. C’est l’héroïne vous allez me dire, c’est vrai, mais le parallèle en devient d’une certaine façon déséquilibré ce qui, avis personnel, limite la densité et l’attachement à Darius, par conséquent la rencontre final entre les deux. A mon avis cela empêche la conclusion de vraiment avoir l’impact souhaité, mais j’y reviendrai. Au final le récit nous montre de façon mélancolique et chatoyante que la mort est une finalité et que chacun doit tenter de profiter de sa vie.

Parmi les autres points que j’ai trouvé pertinentes et efficaces dans cet album je mettrais aussi en avant le travail graphique, que ce soit à travers une palette très colorée, plutôt flashy, son découpage ou encore sa façon d’arriver à créer une ambiance que j’ai trouvée mélancolique et poétique. Filipe Andrade a parfaitement réussi à me faire entrer dans son univers visuel, là où initialement j’avais un peu peur de ce côté un peu psychédélique, mais qui pourtant a, d’une certaine façon, réussi à me faire vibrer avec un trait dynamique et réellement entrainant. La couleur au final, avis personnel, amène un côté chaleureux au récit, un peu « bonbon » qui m’a emporté. La représentation de la culture et de la société en Inde sont aussi très intéressantes, ce mélange de tradition et de modernité, avec un léger spleen qui se dégage souvent dans les détails de ce cadre, offrant un aspect intrigant, accrocheur qui donne envie d’en apprendre plus. On sent clairement qu’il y a une richesse en fond à creuser. Cela donne aussi une sorte de patine plus concrète, plus réaliste au voyage de nos deux héros.

Pour autant, comme je l’ai dit, je n’ai pas non plus était complètement happé par ce livre, je n’ai pas eu ce petit « ouah » que j’aurai pu avoir la dernière page tournée. Je ne suis pas du genre à considérer qu’il existe des œuvres parfaites, même quand j’adore quelque-chose j’y trouve toujours quelques petits défauts, je trouve cela normal, pour autant avec ce comics des points m’ont frustré. Le premier gros soucis vient du fait que, certes, le récit fourmille d’idées, de réflexions (je n’en ai mis en avant que certaines, mais il y en a beaucoup d’autres) mais souvent l’auteur n’en fait rien, ou peu de choses. Je prends pour exemple l’idée de divinité, qui n’apporte au final rien au récit à l’exception de la notion de réincarnation et surtout ne servira quasiment pas du récit. Certes on a la dualité vie/mort et la philosophie qui en découle, mais avait-on besoin de montrer l’existence d’un panthéon divin complet ? A une seule exception, les dieux sont là au début et n’ont plus aucune utilité par la suite. Merci de votre participation, au revoir.

Autre exemple qui m’a frustré, cette image dans l’arc narratif sur la jeunesse de Darius, où l’on voit L’Homme du Sud cassé, qui déborde de la case, qui contraste tellement avec son statut que l’on découvre quelques cases plus loin qu’on se dit qu’il est capital, et qui n’a finalement aucune autre utilité que d’amener la mort dans la vie de Darius. Je trouvais qu’il y avait tellement plus de sous-entendu à développer et à montrer, en tout cas selon moi. Ainsi plusieurs fois durant ma lecture je me suis dis « Mais pourquoi les auteurs laissent de tels moments sans tenter d’en construire plus ». Ce n’est pas bloquant pour autant, mais c’est dommage quand même. On pourrait imaginer que c’est à chacun d’en tirer ses conclusions, un auteur n’a de toute façon pas à complètement tenir la main du lecteur, et je suis d’accord là-dessus, mais là même pas. Cela donne plus une impression de brainstorming qui a abouti à une masse d’idée puis se dire que bon on a moins de 130 pages quand même, on fait quoi, mais pas grave on va quand même tout caser, il vaut mieux trop que pas assez.

J’en ai parlé un peu plus haut, mais l’un des points qui m’a aussi laissé perplexe, c’est finalement le dernier chapitre qui, sans dire qu’il ne m’a pas touché, m’a paru manquer d’un quelque-chose qui l’aurait rendu plus marquant et plus efficace. Une rencontre entre nos deux personnages qui n’est pas ratée, loin de là, mais qui m’a paru manquer d’intensité et d’émotion. Cela vient, comme, je l’ai déjà dit, du retrait de Darius par rapport à Laïla dans la BD ce qui rend le personnage, moins dense, moins attachant, et qui a tendance, à mes yeux, à rendre la rencontre finale entre nos deux héros moins touchante, moins percutante et aussi une impression d’une conclusion plus convenue. Comme je l’ai dit le récit offre d’autres sujets qui sont aussi déjà-vus et convenues, mais le scénariste arrivaient à y apporter un petit quelque-chose, sa touche personnelle, alors que cette conclusion m’a paru plus un mode automatique. Une fin qui doit plaire à tout le monde, sans trop prendre de risques. Alors oui on reste quand même un peu ému, mais on se dit qu’on l’a déjà vu et revu.

J’ai beaucoup entendu parler de ressemblance entre Daytrippers et cet album, et je suis plutôt d’accord. C’est surtout vrai dans la notion de répétition, de recommencement, d’évolution possible. Pour autant j’ai personnellement trouvé Daytrippers plus touchant et marquant (faut que je le chronique). Il faut dire que les deux récit ne sont pas construits sur la même échelle, Laïla Starr tente une réflexion globale sur la Vie et la Mort à travers deux grandes figures quasi divines (la Mort/le créateur de l’Immortalité), là ou Daytrippers se concentre sur la vie et les possibilités d’une seule personne plus lambda. Daytrippers a ainsi peut-être moins d’idées et d’axes de réflexions de grandes envergures, jouant plus sur une échelle plus intimiste d’une simple vie ce qui, avis personnel, amène plus d’émotion, plus de percussion lors de la lecture. Pour autant Laïla Starr est un bon album, je conseillerai sans soucis sa lecture, car il risque d’en toucher plus d’un et ne laisse pas indifférent, même s’il m’a laissé un peu sur sa faim.

En Résumé : En conclusion, Toutes les morts de Laïla Starr m’a offert un bon moment de lecture et je suis content de l’avoir découvert, pour autant je trouve que dans ses réflexions, dans ses idées il n’a pas complètement réussi le tour de force de me convaincre et de me happer totalement. Il m’a donné l’impression de vouloir trop en faire, peut-être à trop grande échelle pour vraiment me marquer. Cela n’empêche pas pour autant ce récit d’avoir des très bonnes idées, bien amenés, avec un scénariste qui apporte sa patte personnelle, le tout mâtiné d’un travail culturel qui donne envie d’en apprendre plus. Dommage par contre que Laïla prenne le pas sur Darius, ce qui rend la conclusion et la rencontre entre les deux personnages déséquilibrés et moins efficace. La palette graphique est superbe, pleine de couleur avec un côté flashy, psychédélique qui d’une certaine façon « entoure » le lecteur et le plonge dans le récit. Je conseillerai sans soucis la lecture de ce comics, pour autant il n’a pas été, pour moi, la claque que beaucoup ont ressenti à sa lecture.

Ma Note : 7,5/10

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Je suis de retour … Enfin presque…

  1. Welcome back Blacky!

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