Résumé : After attacking Devil’s Reef in 1928, the U.S. Government rounded up the people of Innsmouth and took them to the desert, far from their ocean, their Deep One ancestors, and their sleeping god Cthulhu. Only Aphra and Caleb Marsh survived the camps, and they emerged without a past or a future.
The government that stole Aphra’s life now needs her help. FBI agent Ron Spector believes that Communist spies have stolen dangerous magical secrets from Miskatonic University, secrets that could turn the Cold War hot in an instant, and hasten the end of the human race.
Aphra must return to the ruins of her home, gather scraps of her stolen history, and assemble a new family to face the darkness of human nature.
Edition : Tor
Mon Avis : Ce livre n’a pas terminé dans ma PAL par hasard. Il y a quelques mois j’avais découvert la réutilisation du « canon » Lovecraftien de l’autrice à travers sa nouvelle The Litany of Earth publiée sur le site internet de Tor. Ce texte m’avait offert un très agréable moment de lecture, nous faisant découvrir une héroïne intéressante, tout en respectant la mythologie de Lovecraft (ma chronique ici). Par conséquent quand j’ai appris qu’une trilogie allait être publié par l’autrice j’ai su que je me laisserai tenter histoire de voir comment elle allait le faire évoluer. Concernant la couverture, illustrée par John Jude Palencar, je la trouve plutôt jolie et elle colle plutôt bien avec l’univers.
Ce roman nous plonge ainsi quelques temps après la nouvelle The Litany of Earth où on retrouve Aphra Marsh, qui essaie de vivre une vie tranquille après l’attaque d’Innsmouth qui l’a vu contrainte d’abandonner sa maison. Sauf que l’agent du FBI Ron Spector, qui l’avait déjà embauché pour une mission, a de nouveau besoin d’elle face à la possibilité que des Communistes se servent de pouvoirs obscurs. Aphra accepte un peu à contre cœur d’aller mener l’enquête à la Miskatonic University, mais aussi pour pouvoir renouer avec son passé, l’université étant situé juste à côté d’Innsmouth. Je dois bien admettre que ce premier tome est intéressant, même si pour ma part il est loin d’être parfait je trouve qu’il joue quand même plutôt bien le rôle d’introduction, me donnant à minima envie de lire la suite. Alors déjà, la grande question, est-ce que je conseillerai ce récit à un grand fan de Lovecraft ? Je ne sais pas, il est compliqué pour moi d’apporter une réponse franche à cette question. Déjà concernant la mythologie, par rapport à mes connaissances, je trouve que Ruthanna Emrys connait parfaitement le canon de l’auteur et surtout a su, je trouve, le réutiliser efficacement et de façon intéressante. De ce point de vue là, il n’y a rien à redire. Maintenant si vous aimez chez Lovecraft ce côté angoissant, oppressant, là elle prend à contre-pied cette construction, puisqu’en suivant Aphra, descendante d’une Deep One et d’un humain, elle décide d’humaniser d’une certaine façon les « monstres » de chez Lovecraft et donc de présenter cet univers sous un autre angle.
Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de tension dans ce roman, au contraire l’ambiance légèrement oppressante et étouffante mise en place et quelques rebondissements maîtrisés et percutants font que je me suis laissé assez facilement porté par ce récit et la découverte de ce que construit l’autrice. C’est vrai que l’histoire est construite sur un rythme lent, mais cela colle parfaitement à ce que cherche à bâtir Ruthanna Emrys, que ce soit dans le climat comme dans la construction de l’univers et des personnages. La grande force du récit vient d’ailleurs du choix dont je vous parlait un peu plus haut, le choix d’offrir un côté humain aux monstres que l’on connait si bien. Alors oui, c’est vrai, c’est un peu à la mode dernièrement de vouloir prendre à contre-pied les canons Lovecraftien ainsi que le côté xénophobe de l’auteur, mais voilà ici elle le fait très bien. Cela montre qu’elle prend le sujet à cœur et ne cherche pas obligatoirement à suivre un effet de mode. Il faut dire que mettre en parallèle le trajet d’Aphra avec une famille d’origine Japonaise victime de la seconde guerre mondiale, qui va l’adopter par la suite, ajoute un côté plus marquant, percutant et réaliste à l’ensemble. Et si finalement les Deep Ones n’était finalement que victime de l’époque, des incompréhensions concernant ceux qu’on ne connait pas et qu’on ne comprend pas. On se retrouve ainsi à se poser des questions qui font obligatoirement échos à notre société actuelle sur la notion d’étrangers, de différences et de compréhension. Obligatoirement en faisant cela, même si elle n’enlève pas la monstruosité et la puissance des Deep Ones, elle remet en avant le côté sombre, violent et dominateur que peut présenter l’Homme. L’époque d’après-guerre permet aussi de traiter du racisme, de la différence, même si là parfois le récit en fait parfois un peu trop je trouve.
Ce qui rend finalement ce message encore plus fort c’est le fait que la narratrice soit Aphra Marsh, une hybride qui a connu la vie d’une petite fille à Innsmouth avant d’être pris dans le tourbillon du « génocide » de sa famille sans qu’elle comprenne vraiment pourquoi. Elle offre ainsi un regard assez critique et ambivalent sur tout ce qui l’entoure, tiraillée entre l’amour qu’elle porte obligatoirement à sa famille, mais offrant un regard franc et complexe sur notre société qu’elle ne cherche pas à rejeter, ayant trouvé d’une certaine façon un cocon. Elle s’avère ainsi intéressante et un minimum attachante dans sa quête de normalité tout en acceptant ses différences. Son frère offre aussi un parallèle intéressant, lui qui représente plus la colère par rapport à ce qu’ils ont vécu, qu’il cherche à extérioriser parfois de façon dangereuse à travers le conflit. Concernant les autres personnages j’avoue que dans l’ensemble ils sont intéressants à suivre et à découvrir se montrant plus que des faire-valoir. Chacun d’entre eux se révèlent ainsi un minimum complexe et soigné et offre une voie différente au récit. Alors après, c’est vrai, je reprocherai que face au grand nombre de personnages, certains restent quand même un peu en surface, ce qui est un peu dommage, mais je ne doute pas qu’ils prendront de l’ampleur par la suite.
Concernant l’univers je trouve que Ruthanna Emrys s’en sort bien et construit quelque-chose de vraiment solide et efficace qui donne envie d’en apprendre plus. D’ailleurs c’est un peu, je trouve, le gros point fort du récit, la façon dont l’autrice reprend les mythes de Lovecraft et les fait évoluer, avancer, offrant ainsi quelques mystères et interrogations qui donnent envie d’en apprendre plus tout en respectant le matériau de base. J’ai ainsi trouvé que l’autrice, dans la façon dont elle construit sa toile de fond et tout ce qui tourne autour, y retrouvait un peu, je trouve, de la construction de Lovecraft, avec ce côté détaillé, vivant et un peu oppressant. Le travail sur l’ambiance du roman est, je trouve, plutôt réussi et saisissant offrant un plus à l’ensemble. On y retrouve aussi ce côté magie qui n’est pas la grande puissance que l’on croit, ne servant pas obligatoirement à détruire, dominer, mais s’avère beaucoup plus complexe et reposant sur un long travail. On est ainsi loin de ce que beaucoup imaginent de la magie de Lovecraft et c’est plutôt une bonne chose. Certes elle n’est pas pour autant inutile et il est possible de faire de terribles choses, mais voilà c’est beaucoup plus compliqué et fastidieux que l’on croit. Au final une plongée dans un univers avec une héroïne captivante qui appelle clairement à lire et découvrir la suite.
Oui, ce sont clairement ces deux points qui font la force du récit, car à côté de cela je trouve l’intrigue manque quand même clairement de force et d’intérêt. On a vraiment l’impression que cette idée d’espion russe n’est juste là que pour lancer la série, introduire les personnages, le groupe qui va se former et l’univers. On l’oublie la majorité du temps pour la ressortir simplement quand l’autrice en a besoin. C’est un peu dommage car cela rend le récit certes, pas inintéressant non plus, mais moins captivant et surtout percutant je trouve. Ensuite deux gros points qui m’ont un peu dérangé, le premier vient un peu de la facilité avec laquelle le groupe d’amis et de collègues dévoués se forme autour d’Aphra, ce qui rend par moment la chose un peu facile. Ensuite tout ce qui tourne autour de la Professeure qui héberge Aphra, et dont je ne dirai rien pour ne pas spoiler, mais qui autant m’a paru apporter un plus au récit, autant par moment ça m’a paru un peu simpliste dans la construction. La plume de l’autrice s’avère efficace, soignée et entraînante. Au final ce récit est intriguant, certes il est loin d’être parfait, mais dans l’ensemble j’ai passé un sympathique moment de lecture qui m’a donné envie de découvrir la suite.
En Résumé : J’ai passé un agréable moment de lecture avec ce roman qui nous plonge dans l’univers de Lovecraft revisité par Ruthanna Emrys. L’autrice nous propose ainsi ici non pas obligatoirement le côté angoissant du mythe Lovecraftien, mais plus de nous montrer le côté humain des monstres. J’avoue que l’autrice s’en sort très bien, reprenant parfaitement le canon pour y intégrer ce récit sur Aphra Marsh tout en nous faisant réfléchir sur l’acceptation des autres, de leurs différences accentué par le parallèle que est crée avec la famille adoptive d’Aphra origine du Japon et victime des conséquences de la seconde guerre mondiale. L’univers qui est construit est vraiment très intéressant que ce soit dans sa notion de magie, son ambiance légèrement oppressante ou bien encore les différents mystères présentés. Le personnage d’Aphra nous offre une héroïne touchante et intéressante à suivre et à découvrir dans son évolution, sa vision du monde et ses questionnements. Les personnages secondaires ne manquent pas non plus d’intérêt, même si certains auraient mérité plus de profondeur à mon goût. Rien de bloquant car je pense qu’ils prendront de l’ampleur dans les prochains tomes. Ce qui est dommage par contre c’est que finalement l’intrigue manque quand même clairement de force et d’intérêt. Elle parait juste être là pour lancer ce premier tome et introduire les personnages et l’univers. Je regretterai aussi quelques facilités ici ou là, mais bon de ce côté là rien de trop bloquant. Au final un premier tome loin d’être parfait, mais qui a quand même réussi à me donner envie de lire la suite, le tout porté par une plume efficace, soignée et entraînante.
Ma Note : 6,5/10
Lianne
Dommage pour l’intrigue parce que justement explorer le coté lovecraftien sans le coté angoisse pourrait me plaire sur le papier !
Mais je note quand même le livre, et si je le vois passer à bas prix je tenterais peut etre ^^
BlackWolf
Alors le côté « humain » de l’univers de Lovecraft est très bon. C’est juste le fil rouge qui, normalement, doit soutenir le roman tout du long qui m’a paru faible.
lutin82
Non, vraiment pas pour moi!!!
BlackWolf
Je peux parfaitement le comprendre.