Résumé : Construite autour de la thématique « Réalité », cette anthologie officielle des Utopiales, septième du nom chez Actusf, va vous entraîner dans des jungles mystérieuses avec Fabien Clavel, sur un monde aux mœurs singulières avec M. R. Carey ou encore à la rencontre d’êtres venus d’ailleurs avec Laurent Queyssi… Vous y croiserez également d’anciens pilotes communistes qui ont vu des OVNI pendant la Deuxième Guerre mondiale, des petits robots fugueurs, de vieux copains de bistrot aux paris un peu fous et alcoolisés et des maisons en réalité virtuelle à l’intérieur desquelles tout est possible…
Sans oublier Alain Damasio qui nous offre une belle avant-première avec le premier chapitre inédit de son futur roman, Fusion.
Êtes-vous sûr de votre réalité ? Sont-ils vivants et nous morts ?
Treize nouvelles pour douter de tout…
Edition : Actu SF
Mon Avis : C’est devenu une tradition depuis quelques années maintenant, mais à chaque fois que je participe à un festival je repars avec l’anthologie et j’en fais même, selon les festivals, une LC. Sauf que cette année est un peu particulière puisque je n’ai pas pu participer au festival Utopiales de 2015. Cela n’a pas empêché Marie-Juliet de me récupérer et faire parvenir un exemplaire, (dédicacé qui plus est, encore merci), dans le but d’une Lecture Commune. Ce livre comporte ainsi treize nouvelles, ainsi qu’une préface sur le principe de Réalités qui s’avèrent très intéressante, soignée, efficace et ouvre de façon réussie l’anthologie développant de façon intéressante le terme de Réalités.
Les yeux en face des trous d’Alain Damasio : Alors ce texte nous propose de nous plonger dans un groupe d’amis, dans un monde futuriste, dont l’idée de base qui repose sur l’échange de mémoire se révèle clairement intéressant. Le style de l’auteur s’avère toujours aussi efficace, fascinant, soigné et entraînant, même si parfois il en fait peut-être un peu trop dans le jeu de typo. Certes cela offre quelque-chose de plus, principalement dans les souvenirs, l’effet un peu embrouillé, mais parfois il donnait plus l’impression de juste vouloir faire de l’esthétique. Par contre, le point que je trouve frustrant du récit, selon moi vient qu’il s’agit ici du premier chapitre du futur roman de Damasio, ce texte n’a donc pas de « conclusion » comme on pourrait l’attendre d’une nouvelle d’une anthologie.
Immersion d’Aliette de Bodard : Cette nouvelle je l’avais déjà lu lors de sa publication dans l’anthologie Réalité 5.0 dont vous retrouverez ma chronique ici. Je ne reviendrai donc pas dessus, juste pour dire que la seconde lecture m’a conforté dans mon ressenti avec très bon texte dont l’univers mériterai d’être plus développé.
Welcome Home de Jérôme Noirez : Cette nouvelle nous offre un récit dans un univers où les plus riches peuvent s’offrir un lieu considéré comme en-dehors de la « réalité », où les lois n’ont plus aucunes valeur. Deux potes junkie vont ainsi se retrouver invité à une soirée dans ces subréalités. Un texte que j’ai trouvé efficace, à prendre dans le côté complètement barré, style sexe, drogue & rock’n roll. Certes il ne fait qu’effleurer les notions qu’il soulève sur la moralité et la loi, mais n’empêche pas de faire réfléchir le lecteur. Un texte percutant, prenant dont je regretterai peut-être tout de même certaines facilités ainsi qu’une certaine linéarité qui joue sur le côté surprenant. Au final un bon texte et il faudrait que je sorte d’autres écrits de l’auteur que j’ai dans ma PAL.
Un demi bien tiré de Philippe Curval : Une nouvelle plutôt courte qui propose, à travers un jeu à boire, de traité du paradoxe de Zénon avec humour. Un texte qui, sans se révéler exceptionnel, offre un moment de détente et de divertissement efficace à travers ce délire alcoolique qui termine par une conclusion percutante et surprenante.
Dieu, un, zéro de Joël Champetier : Cette nouvelle nous propose de suivre un mathématicien de renom qui va rejoindre une équipe scientifique dans un ranch. Cette nouvelle offre une idée intéressante avec quelques sujets de réflexions efficaces que ce soit sur la religion, les robots, l’intelligence, mais j’ai trouvé la première partie un peu longue comme par exemple cet acharnement sur la règle à calcul qui aurait pu offrir une réflexion intéressante sur la surutilisation de la technologie et ses contrôles, mais qui perdait de son intérêt devant son incessante répétition. De plus je n’ai pas vraiment compris le rôle du héros face à un problème qui parait déjà résolu face à la conclusion du texte. Pour moi un récit qui, sans se révéler mauvais loin de là, aurait mérité un format plus long je trouve.
Les aventures de Rocket Boy ne s’arrêtent jamais de Daryl Gregory : Un texte qui lorgne plus vers le drame contemporain que vers la SFFF, où l’on suit l’histoire du narrateur à travers une épreuve qui l’a marqué. Un texte touchant, poignant, qui ne m’a pas laissé indifférent développant le sujet de l’adolescence, de l’amitié et aussi la dure réalité de la vie. Le ton de l’auteur s’avère très juste, sans jamais se perdre et offre aussi un amour pour le cinéma, son aspect rêve, imagination, évasion. La conclusion se révèle intéressante avec, selon moi, ce cercle qui, d’une certaine façon, se referme avec le retour de Rocket Boy.
Le vert est éternel de Jean-Laurent Del Socorro : Cette nouvelle nous propose de replonger dans le quotidien de la compagnie du Chariot, présente dans Royaume de Vents et de Colères, en pleine période de l’Édit de Nantes. Une nouvelle qui offre une réflexion sur la différence en pleine guerre de religion, qui n’a pas la force du roman, mais qui se lit vite et se révèle plutôt sympathique avec une héroïne intéressante. À noter aussi une petite réflexion sur la caricature qui n’est pas anodine. Au final un récit qui introduit de façon agréable son univers, même si j’avoue j’espérais peut-être un peu plus.
Coyote Creek de Charlotte Bousquet : Cette nouvelle nous propose de traiter de la maladie d’Alzheimer, jouant ainsi entre vérité et fantastique avec comme fond des légendes indiennes. Un texte touchant, bien porté par une plume efficace, qui offre un texte réussi, même si j’avoue sur le même thème j’avais trouvé le texte de Claude Ecken dans l’anthologie 2012 des Utos m’avait plus marqué. Cela n’empêche pas cette nouvelle d’avoir son propre ton et de mériter d’être découverte, surtout que la plume de l’auteur que j’ai trouvé poétique offre un plus à l’ensemble.
Intelligence extra-terrestre de Stéphane Przybylski : Une nouvelle construite un peu dans le thème de la série X-files, avec une enquête mélangeant fantastique et complot alien. Sauf que voilà le récit a eu un peu de mal à complètement m’emporter. Autant l’auteur a montré que dans un format long il s’en sortait efficacement, autant ici dans un format court je me suis senti frustré comme si j’avais entre les mains un brouillon de résumé d’un roman.
Pont-des-Sables de Laurent Queyssi : Cette nouvelle n’est pas sans rappeler celle de Daryl Gregory, avec une bande d’ami qui vont faire face à un drame, sauf que malgré cette ressemblance, ce texte possède sa propre identité. L’auteur nous offre ainsi un texte intelligent, touchant à travers la quête d’un des personnages. C’est aussi une réflexion intéressante sur le passage à l’âge adulte, tout en proposant un véritable hommage à la SF, au comics, aux jeux de rôle etc… Un très bon texte, à découvrir selon moi.
Versus de Fabien Clavel : Cette nouvelle nous propose de plonger dans une mission militaire qui va mal tourner. Un texte plutôt bien écrit, amusant et agréable à lire, mais qui pêche pas une certaine prévisibilité qui gâche un peu la révélation finale. Un récit tout de même divertissante qui rentre dans le vite lu, apprécié et vite oublié.
Smithers et les fantômes du Thar de Robert Silverberg : Une nouvelle qui nous offre un texte d’aventure en Inde avec la quête d’une cité mystérieuse. Une nouvelle fantastique un peu angoissant très typé qui, sans se révéler des plus marquante ni transcendante, s’est révélé offrir une lecture plutôt sympathique. Les personnages se révèlent intéressant, lié à une époque différente de la nôtre, et portent plutôt bien le récit. De nouveau une nouvelle que je classe dans le vite lu, apprécié, vite oublié.
Visage de Mike Carey : Une nouvelle très SF dans un monde différent du nôtre où un gouverneur écrit une lettre racontant les derniers troubles qu’il a rencontré. Un texte intelligent, traitant de la différence, de la religion, du choix de chacun avec de nombreux aspects intéressant comme cette idée de « visage » qui n’est pas sans rappeler certaines idéologies de notre époque. L’ensemble ne manque pas de subtilité, montrant qu’il n’y a pas obligatoirement de bon et de méchants, principalement dans sa conclusion surprenante. Le tout est porté par un style simple et efficace qui fait que le récit se lit bien et se révèle très réussi.
En Résumé : Un anthologie des Utopiales qui nous offre un cru 2015 assez réussi et qui m’a offert un bon moment de lecture. Alors comme souvent tous les textes ne sont pas au même niveau, certains ont même du mal à se retrouver lier, selon moi, au thème proposé, mais dans l’ensemble il propose de nombreuses nouvelles qui méritent d’être découvert. On pourrait mettre un « bémol » sur le teasing concernant le prochain roman d’Alain Damasio dont ce livre propose le premier chapitre, mais cela ne m’a pas dérangé plus que cela. Au final une anthologie qui mérite d’être découverte et je lirai avec plaisir le cru 2016.
Ma Note : 7,5/10
L’avis de Marie-Juliet.
Autres avis : Xapur, Vert, Boudicca, Shaya, Cyrille, …
Challenge CRAAA 15ème lecture