Résumé : Dans un monde proche du nôtre, mais où le terrorisme international n’existe pas, nous découvrons Joe, un détective privé tiré des films noirs des années 60. Il est engagé pour retrouver Mike Longshott, un obscur auteur de romans pulp, ayant pour personnage principal un certain Osama Bin Laden. Dans ses romans, l’auteur dépeint un monde proche de celui de Joe, mais où Bin Laden est bien réel… un monde comme le nôtre. Afin de mener à bien sa mission, Joe parcourt la planète et découvre les Réfugiés. Il plonge alors dans un univers où la frontière entre son existence et la nôtre disparaît, et les secrets qu’il y découvre risquent bien de le tuer…
Edition : Eclipse
Mon Avis : Je me suis laissé tenter par ce roman la faute à tout son aspect intrigant ; que ce soit à travers son résumé ambigu, déroutant qui annonçait clairement une histoire dans le style de ce qu’a pu proposer Philip K. Dick dans Le Maître du Haut Château, mais aussi par sa couverture, illustrée par Pedro Marques, que j’ai trouvé vraiment sobre, attirante et efficace. Il a donc rapidement rejoint ma PAL avec clairement l’envie de découvrir ce que pouvait bien proposer l’auteur. Attention par contre au risque de spoiler.
Ce livre nous propose donc l’histoire de Joe, détective privé, qui est commandité par une jeune et belle inconnue pour retrouver l’auteur de romans de gare sur le personnage de Oussama Ben Laden. Car oui Joe ne vit pas dans notre monde, dans son monde le terrorisme n’existe pas et des êtres comme Oussama ne sont que des personnages de fiction. Le monde de Joe a finalement évolué différemment du nôtre, surtout après la seconde guerre mondiale. Il donne ainsi l’impression d’être figé dans un vieux policier, la technologie se révélant vieillotte, mais il a aussi vécu l’après-guerre différemment. Les conflits mondiaux ont été gérés de façon différentes et l’ensemble de la planète parait d’une certaine façon plus équitable, un peu mieux géré. Mais voilà la quête de Joe va finalement se révéler plus profonde qu’on le croit, plus intime, elle va le forcer à découvrir des secrets qui aurait dû rester cachés et surtout à se découvrir lui-même.
L’auteur nous plonge alors clairement dans un récit trouble, énigmatique où le lecteur est loin de voyager de façon classique, l’intrigue n’étant ici qu’une façon de porter le lecteur par la réflexion et les aspects cachés. Il ne cherche pas à lui construire quelque chose de linéaire, mais à travers les chemins détournés empruntés par le héros et les non-dits il offre un roman étrange, subtile, fascinant par certains aspects, déroutants par d’autres, mais qui surtout ne laisse pas indifférent. Car oui, autant le dire tout de suite, si vous recherchez un roman avec introduction, développement, conclusion, le tout balisé et avec de l’action, alors passez plutôt votre chemin, par contre si les histoires où la fiction et la réalité se mélangent, où les réponses n’en sont pas et apportent encore plus de questions, où l’ensemble possède un côté perturbant et déroutant et où finalement l’histoire sert plus à pousser le lecteur à la réflexion, alors laissez-vous tenter et faites-vous un avis avec ce Osama.
Le voyage du héros va l’amener à aller à Paris, Londres, New York ou encore Kaboul, mais très vite on va se rendre compte qu’on plonge dans un voyage surréaliste, déroutant rempli de questions sans réponses, et où on rencontre des indistincts, des êtres qui ne sont pas figés, qui peuvent apparaitre et disparaitre sans aucune logique. Des êtres qui fuient quelque chose, qui cherchent à se cacher. Qu’est-ce qui est vrai et qu’est-ce qui ne l’est pas? La réalité qu’on connait déborderait-elle sur celle de Joe où est-ce l’inverse? On a vraiment l’impression alors de suivre Joe à travers les décors et la construction d’une histoire imaginaire, d’un cinéma fictif, labyrinthe, ou le héros se serait alors téléporté ou enfermé. Mais voilà l’important ne vient pas de la vision global, de l’ensemble, mais plus des détails qu’on trouve au fil des pages qui, pour peu qu’on les cherche, viennent déstabiliser et surprendre, ou bien aussi des questionnements efficaces du héros qui ne laissent pas indifférent.
En effet l’auteur cherche aussi à pousser le lecteur à se poser la question du terrorisme, mais du terrorisme dans son ensemble, ce qui a poussé à son existence, à cette sorte de folie folie, mais aussi aux réponses parfois disproportionnées qui sont fournies. Pour cela il a donc imaginé un monde différent, qui nous questionne alors clairement sur les choix qui ont été fait depuis plusieurs décennies et se demande si, en faisant autrement, les choses auraient été meilleures? De plus comment définir le terrorisme, peut-on vraiment le limiter à un homme quand il parait reposer sur certaines idées? Il n’oublie pas pour autant la violence et l’horreur du terrorisme à travers des scènes parfois sombres, froides, sanglantes et cliniques.
Il nous pousse aussi à la réflexion sur la façon dont on affronte ce terrorisme, comment on l’assimile cette violence et cette souffrance ; l’auteur le montrant alors clairement, on ne peut pas. Tout devient alors fiction dans laquelle chacun se jette pour rendre le tout acceptable et cohérent pour soi. Car au final qui est Joe, ou plutôt qu’est-il? la réponse n’est jamais vraiment donné, il pourrait être n’importe qui, aussi bien une victime, qu’un destructeur, mais une chose est sûre il fuit la réalité et la vérité. Il ne l’accepte pas, la rejette, se construisant une vie de cinéma. Cinéma qui a son importance dans l’ensemble du livre. L’auteur construit alors un vrai trouble identitaire à la fois fascinant et perturbant, donnant l’impression de se perdre dans les méandres de l’esprit du héros.
La comparaison avec Philip K. Dick n’est pas anodine, les ressemblances entre Osama et Le Maître du Haut Château se révèlent assez visible avec ce monde parallèle qui se retrouve chambouler par des écrits d’un possible autre monde, le nôtre, mais là ou Dick prenait la seconde guerre mondiale, Lavie lui décide de prendre comme point d’ancrage la catastrophe du 11 septembre. Par contre, contrairement à Dick qui construisait un récit à plusieurs voix, ici on ne suit que Joe et personne d’autres ce qui permet clairement de limiter les variations, ne se consacrant qu’à une seule vision ce offre la possibilité de condenser le tout et éviter de se perdre devant trop de possibilités. Mais voilà à force de trop vouloir faire du Philp K. Dick j’ai trouvé que le récit perdait un peu de sa fascination au fil des pages, se révélant par certains aspects tellement proches du Maître du Haut Château que certaines révélations y perdaient de sa surprise et se révélait un peu linéaire.
Par contre, contrairement à Dick qui construisait ses récits sur une plume souvent très simpliste, mettant clairement plus en avant l’idée que le style, ici l’auteur offre une plume plus poétique, envoutante, que ce soit dans la construction de son univers comme dans le développement de son personnage Joe, caricature d’un détective des années 50 qui colle parfaitement à ce héros obnubilé par sa quête pour faire plaisir à une jolie femme. L’auteur se permet aussi clairement de se servir de l’ironie, comme par exemple cette conférence en plein New York regroupant des fans de Oussama, le héros des romans, que seul la littérature pouvait imaginer ; les gens se retrouvant alors à essayer de comprendre le personnage, ce qui le motive, les aspects politiques, loin de tout jugement, avec ses fans et ses détracteurs. On y voit alors clairement l’aspect manipulation, Oussama devenant alors un pantin dont on cherche à découvrir la clé que cacherait un auteur. Mais qu’en est-il dans la réalité?
Au final Osama est un roman étrange, clairement différent, mais qui ne laissera pas indifférent tant il permet, pour peu qu’on rentre dans cet univers troublant où l’intrigue dévoilée n’est pas le point important, mais plutôt ce qui est caché, de réfléchir. Mais voilà au fil des pages l’ensemble à tout de même légèrement perdu de son attrait, donnant un peu l’impression de tourner en rond. De plus la conclusion a le soucis d’en faire soit trop peu, soit pas assez. Je m’explique. Elle cherche à apporter énormément d’informations, tout en évitant de trop fournir de réponses pour laisser le lecteur faire sa propre analyse, mais voilà, malgré un travail intéressant sur le choix, je me suis senti frustré par cette conclusion. Soit il apportait quelques réponses, soit il ne cherchait pas à apporter toutes ces explications. Mais bon rien de non plus dérangeant tant il se dégage quelque chose de fascinant et d’intrigant avec ce roman, même si ces défauts l’empêche de se révéler excellent récit.
En Résumé : Osama est un roman déroutant, déboussolant, qui au final m’a fait passer un bon moment de lecture, mais qui, clairement, ne devrait pas plaire à tout le monde. Ici l’auteur reprend un peu le principe de l’uchronie que Dick se servait dans Le Maître du Haut Château, c’est-à-dire un récit qui ne repose pas sur l’intrigue, qui en soit importe peu, mais sur tout ce qu’il y a autour. L’auteur pousse alors le lecteur à la réflexion sur énormément de sujet que ce soit sur le terrorisme ou encore l’identitaire. J’ai trouvé l’ensemble vraiment efficace et prenant le tout porté aussi par une ambiance de polar noir réussi et avec une ironie mordante. La plume de l’auteur se révèle assez poétique et porte de façon fascinante le récit à travers ses chemins tortueux et ses non-dits. Je lui reproche juste de perdre un peu de son intérêt vers la fin et d’offrir une conclusion frustrant qui en fait trop et pas assez. Je lirai d’autres récits de l’auteur.
Ma Note : 8/10