Résumé : Je suis sale. J’ai les cheveux desséchés, pleins de sel, des démangeaisons au cuir chevelu. J’ai les yeux bleus. Je suis grand. Je porte les vêtements que je portais il y a six mois et je pue. J’ai perdu mes lunettes et appris à vivre sans. Je ne fume pas, sauf si j’ai des cigarettes sous la main. Je me saoule une fois par mois, quelque chose comme ça. La dernière fois que j’ai vu ma femme, je l’ai envoyée au diable mais j’ai fini parle regretter. J’adore ma fille, Sally.
Je m’appelle Alan Whitman… Et je survis dans une Angleterre en ruine, envahie par des populations africaines obligées de fuir leur continent devenu inhabitable.
Editeur : Denoël Lunes d’Encre (Paru le 13/05/2014)
Traduction : Michelle Charrier
Mon Avis : Christopher Priest fait partie des auteurs connus et reconnus dans le monde de la SF, ayant même eu la chance de voir une de ces œuvre adapté au cinéma : Le Prestige. Et pourtant, honte à moi, je n’avais encore jamais lu un seul de ces romans, malgré que certains m’attendent pourtant dans ma PAL. Donc quand on m’a proposé de découvrir le dernier roman publier de l’auteur, qui est en fait une réécriture du premier roman de l’auteur paru dans les années 70 : Le Rat Blanc, j’avoue que je me suis laissé tenter, surtout que le résumé annonçait un roman apocalyptique et que la couverture, illustrée par Aurélien Police, est, je trouve, vraiment magnifique.
J’avoue que dès les premières lignes je me suis retrouvé emporter par ce roman, en effet le récit ouvre sur une double présentation du héros, une avant la catastrophe et une après, la première le montrant comme un cadre moyen là où la seconde comme un sans-abri qui a tout perdu. Qu’est-ce qui a bien pu lui arriver pour qu’il tombe aussi bas? C’est là-dessus que l’auteur capte son lecteur, lui faisant tourner les pages de ce court roman pour savoir ce qui a dérapé, déraillé dans sa vie et à travers le monde. Surtout que l’auteur sait garder son lecteur en haleine, cassant son récit, mélangeant trois lignes temporels pour bien construire son personnage, découvrir son évolution au fil des périodes et surtout sa façon de voir le monde changer entre sa jeunesse, l’époque plus « adulte » où il est marié et père de famille et l’époque après cette grande catastrophe qui a obligé des millions d’émigrant à envahir l’Angleterre fuyant un pays complètement en ruine.
C’est finalement ce point qui fascine le plus dans le roman, cette lente plongée en abyme du héros principal, cette évolution qui va l’amener à rejeter le vernis qui faisait de lui un homme civilisé pour revenir vers ses plus bas instincts pour survivre. On sent ainsi au fil des pages monter la tension, ainsi qu’une ambiance, qui devient de plus en plus sombre et de plus en plus tragique d’un homme qui perd tout au fil des pages. Ce que j’ai trouvé aussi intéressant c’est que, pour un roman des années 70, il possède des aspects toujours aussi contemporains, nous présentant un protagoniste principal qui finalement ne s’intéresse que très peu et de très loin à la politique et considère que tout ne peut que s’arranger avec le temps ; le tout dans un pays où le nationalisme prend de plus en plus d’ampleur à travers une communication efficace et agressive. Comment ne pas penser à ce qu’on voit parfois aujourd’hui. Cela amène donc obligatoirement à la réflexion sur notre façon de réagir face à une telle catastrophe, que ferions-nous?
Concernant les personnages, Alan Whitman ne manque pas d’intérêt et se révèle très intéressant à découvrir, se révélant le reflet global de la société aveugle et manipulé et dont on découvre au fil des pages son aspect humain, rempli d’émotions contradictoires. Pourtant il n’est pas non plus le personnage qu’on aurait pensé s’attacher, se révélant un adepte de l’adultère et limite obsédé par le sexe, il parait aux premiers abords légèrement antipathique, mais c’est la façon dont il avance le long du récit qui le rend captivant, sa façon de se rendre compte de ce qu’il gagne et qu’il perd, mais aussi des liens qu’il a lié et parfois perdu. Il se remet continuellement en question au fil de sa descente en enfer, sans prendre toujours les bonnes décisions. Le problème vient par contre des autres personnages qui ne sont là que pour faire évoluer le héros et rien d’autre, on ne sait quasiment rien d’eux et de ce qui les anime, que ce soit sa femme, sa fille ou encore Rafiq l’auteur reste toujours en surface, ne se servant d’eux que pour amener le changement d’Alan et c’est dommage je trouve, car certains auraient pu avoir du potentiel.
Concernant l’univers et tout le background que cherche à mettre en avant j’avoue qu’il reste assez classique, mais surtout reste ancré peut-être un peu trop dans les années 70. Il parle de pays africains qui se doteraient de l’arme nucléaire ce qui occasionnerait un conflit qui rendrait la vie sur le continent impossible, hypothèse qui parait peu plausible de nos jours. Alors bien entendu l’aspect intéressant n’est pas tant la cause que les conséquences, mais tout de même c’est un peu frustrant. L’auteur le dit lui-même dans la préface sa révision du texte ne portait pas sur le fond, mais sur la forme, donc pareil tout ce qui est aspect technologique se révèle aussi vieilli. Il est plus difficile d’imaginer de nos jours qu’une fois sorti de chez soi on se retrouve sans communication avec pour seul élément d’information une radio à piles, tout comme il est compliqué d’imaginer que certaines propagandes, mené par des groupuscules, que dévoile l’auteur puisse fonctionner avec les outils qu’on possède aujourd’hui. Cela ne dérange certes en rien et n’enlève pas la façon de réagir des hommes ainsi que les réflexions qu’il y a avec, mais le point de départ reste clairement d’époque. Concernant tout l’aspect politique et social, par contre, il se révèle intéressant et surtout permet à l’auteur de construire une ambiance de plus en plus angoissante et triste au fil des pages.
J’ai lu aussi, que ce soit dans la préface ou sur certains sites, que ce roman était considéré comme raciste, mettant en avant l’invasion des noirs sur l’Angleterre, je ne suis pas d’accord. L’auteur reste clairement neutre dans sa façon de présenter les choses, il ne fait pas de politique, cherchant simplement à montrer les conséquences de choix politiques. Pour cela il a donc imaginé un exode massif et il a choisi le continent Africain, mais cela aurait pu être aussi bien un exode américain, européen ou chinois l’effet aurait été le même. Comme je l’ai dit, ce que cherche à montrer l’auteur c’est surtout les conséquences, l’aspect guerre civile, la profonde dégradation d’un pays considéré comme civilisé qui retombe vers ses plus bas instincts ; que ce soit des deux côtés tout le monde est capable du pire. Cette constatation montre par contre une chose c’est que l’auteur a oublié justement de caractériser ses immigrants, de leur offrir de la profondeur et de l’humanité, excepté parfois à travers le regard du héros, ce qui fait qu’on a parfois du mal à les voir autrement que comme des envahisseurs, une force sombre sans visage, monstrueuse, qui fera tout pour survivre. C’est ce point qui fait que ce roman perd un peu de sa force, se révélant simplement sympathique là où il aurait pu être très bon, c’est de ne pas donner voix aux immigrants. C’est dommage.
La plume de l’auteur se révèle épurée, simple et neutre apportant une impression clinique de l’ensemble et ajoute ainsi une touche d’angoisse au récit. Mais voilà, on sent aussi ici qu’il s’agit d’un premier roman, l’auteur cherche par moment à trop en faire, donnant l’impression de foisonner d’idées sur certains aspects sans jamais les amener au bout et décide même de ne pas répondre parfois aux questions que se pose le lecteur. Au final on obtient un roman avec ses qualités et ses défauts, qui aurait mérité plus de développement tant certains aspects sont sans réponses, mais que j’ai trouvé tout de même sympathique bien porté par cette réflexion efficace sur la perte du lien social face à un drame.
En Résumé : Finalement, ce n’est peut-être pas le plus grand livre catastrophe que j’ai lu, mais cela reste une lecture sympathique à découvrir avec de très bonnes idées. L’histoire se révèle intéressante et l’auteur fait monter la tension de façon efficace au fil des pages. On suit avec intérêt la vie du héros, qui est loin du mec parfait, et surtout sa façon de réagir face à cette crise d’ampleur mondiale qui va bouleverser sa vie. Dommage que les personnages secondaires manquent clairement de profondeur. L’univers que l’auteur trace autour de l’histoire se révèle classique, solide, mais peut-être un peu vieillot avec cette idée de conflit nucléaire entre pays africains, conflit qui me parait de plus en plus improbable au jour d’aujourd’hui, et cet aspect technologique un peu dépassé. En fait le gros point qui dérange le plus dans ce roman c’est que l’auteur n’est pas plus caractérisé cette vague d’immigration, on comprend bien, face aux choix du gouvernement, pourquoi on en arrive au conflit, mais ils sont représentés plus comme une ombre que comme des êtres humains. De plus j’ai trouvé que l’auteur a parfois du mal sur certaines idées qu’il cherche à mettre en place. La plume de l’auteur se révèle neutre, simple et colle parfaitement au récit, même si on sent parfois on sent le côté premier roman. Au final un livre sympathique et qui se lit plutôt bien, je lirai d’autres récits de l’auteur.
Ma Note : 7/10