Résumé : Tout commence par un pari alcoolisé entre Hermès et Apollon : si les animaux avaient l’intelligence humaine, seraient-ils aussi malheureux que les hommes? Les deux dieux décident alors d’accorder conscience et langage à un groupe de chiens passant la nuit dans une clinique vétérinaire de Toronto. Tout à coup capable d’élaborer des raisonnements plus complexes, la meute se divise : d’un côté les chiens qui refusent de se soumettre à ce nouveau mode de pensée, de l’autre les canidés progressistes qui y adhèrent sans condition. Depuis l’Olympe, les dieux les observent, témoins de leurs tâtonnements dans ce nouveau monde qui s’offre à eux. Car, si Hermès veut l’emporter, au moins un des chiens doit être heureux à la fin de sa vie.
Edition : Denoël (paru le 18-02-2016)
Traduction : Santiago Artozqui
Mon Avis : Avant de me lancer dans la lecture de ce récit, je ne connaissais rien d’André Alexis. C’est quand on m’a proposé de découvrir ce roman que j’avoue m’être rapidement laissé tenter, principalement grâce à son résumé accrocheur et la réflexion qu’il pouvait soulever, ainsi qu’au traitement qu’allait donner l’auteur à l’ensemble. Après je dois bien avouer aussi que je trouve l’illustration de couverture très sympathique.
Mais alors que nous raconte ce livre, et bien c’est simple, suite à un pari entre deux dieux grec, Hermès et Apollon. Après une soirée alcoolisée, ils vont offrir l’intelligence à une quinzaine de chien pour essayer de déterminer si ce don va les rendre plus heureux ou pas. On ne peut le nier, le récit possède un petit air de La Ferme des Animaux de Georges Orwell, cherchant ainsi à faire réfléchir le lecteur et à le faire philosopher sur de nombreuses notions. Je dois bien avouer que l’auteur s’en sort pas trop mal de ce point de vue ; on se retrouve ainsi à se poser de nombreuses questions sur l’intelligence, l’influence qu’elle a sur notre bonheur, mais aussi sur le langage, la capacité que nous avons à parler clairement tout en échouant à nous comprendre, car nous ne possédons pas obligatoirement les mêmes règles d’analyse, ou bien encore aussi sur les animaux en général, la façon dont on pose le regard sur eux, une certaine supériorité qui se dégage de nous, mais aussi sur ce qui fait la complexité de l’humanité. C’est finalement une critique et une réflexion sur nous-mêmes qui ressort de ce récit. On sent l’auteur clairement à l’aise sur cet aspect, ne forçant ainsi jamais la main au lecteur, mettant plus ainsi en avant avec la vie de plusieurs de ses chiens les contradictions qui apparaissent qu’elles soient aussi bien sociologiques, théologiques, liées au pouvoir ou bien encore à la connaissance. Chacun se retrouve ainsi à se faire son propre avis, et j’avoue que, une fois la dernière page tournée, je continue à cogiter, même si parfois l’auteur se permet d’utiliser des raccourcis qui m’ont paru un peu faciles.
Malgré le travail fin et soigné sur le message, j’ai trouvé que la construction du récit desservait la lecture. Pourtant l’ensemble démarre bien, avec ces chiens qui vont se découvrir de nouvelles habilités, de nouvelles compétences avec toutes les conséquences que cela peut occasionner. Le premier chapitre monte ainsi légèrement en tension, chacun se forgeant une personnalité, entre ceux qui cherchent à développer et travailler cette intelligence, comme Prince le chien poète, et ceux qui la considèrent comme mauvaise et néfaste pour leurs vies. Il se dégage même un petit côté Sa Majesté des Mouches dans l’ambiance délétère qui apparait sur quelques pages et l’affrontement inévitable. Sauf que voilà, à la fin du premier chapitre j’ai su qu’un aspect du récit allait vite me frustrer : le Deus Ex Machina. Et attention je ne parle pas de celui qu’on retrouve parfois dans les romans, qui sert à facilement débloquer une situation un peu coincée, non, là je parle du Deus Ex Machina au sens le plus littéral du terme, c’est-à-dire l’intervention des dieux.
Car oui, l’auteur a certes beaucoup de chose à dire sur le fond, mais pour éviter de se prendre la tête à chercher une cohérence dans la forme autant faire intervenir un dieu pour diriger son récit comme il en a envie. Un chien important sur qui j’ai encore de nombreux points à développer doit mourir? bah attends un dieu apparait et le sauve. Un chien se lie de trop à une famille humaine et y trouve trop de bonheur? Attends un dieu va trouver ça gênant et va faire « exploser » cette famille. Certains lecteurs ne seront pas dérangés par l’idée, vu que les réflexions sous-jacentes sons plus que solides, mais moi j’avoue ça m’a frustré, me donnant plus l’impression d’être forcé que de me laisser happer. J’apprécie que la logique de l’univers construit soit un minimum respecté, car sinon à partir de là autant écrire un simple essai philosophique. Je regrette aussi que certains personnages, comme Atticus au potentiel énorme, soit peu développés ce qui le rend parfois caricatural.
Après, cela n’empêche pas non plus le récit d’avoir des moments très plaisants et réussis, je pense principalement au premier chapitre dont j’ai parlé et que j’ai trouvé terriblement efficace. Ou bien encore tous les passages qui concernent la relation entre Majnoun avec Nira et Miguel qui se révèlent touchants, captivants et soignés, principalement dans la façon dont se construit cette relation, même si, c’est vrai, parfois l’auteur use de quelques facilités mal amenées, mais franchement rien de non plus trop bloquant. C’est d’ailleurs l’un des éléments importants du récit, permettant de développer l’interaction entre les chiens intelligents et les humains, et c’est dommage que les changements de règles réguliers selon le bon plaisir de l’auteur viennent rendre sa conclusion moins percutante, même si je trouve qu’il se rattrape sur la fin. Autre passage intéressant, tout ce qui concerne Prince, le chien poète, qui je trouve offre une fraicheur au récit là où la vie des autres chiens est peut-être plus sombre et plus complexe, sa vision de la vie et de son don est vraiment attrayante. La vie de ces chiens qui va évoluer au fil des pages ne manque pas non plus de se révéler remplie d’émotions allant de la joie à la tristesse qui font qu’on s’attache ainsi un minimum à eux.
La plume de l’auteur se révèle simple et entrainante, même si parfois un peu trop solennelle, rendant ainsi le travail de fond compréhensible et accessible. Au final je ne ressors pas complètement convaincu de ce récit, dans l’ensemble il me laisse un sentiment positif, principalement par le travail de réflexion, mais voilà avec les nombreux deus ex machina que met en place l’auteur pour faire avancer son livre j’ai plus eu l’impression d’être forcé à suivre sa pensée plutôt que de me laisser emporter ce qui est légèrement dommage.
En Résumé : Je ressors de ma lecture pas complètement convaincu, même si l’ensemble reste sympathique. On se laisse ainsi captiver par les nombreuses réflexions que l’auteur développe sur ces chiens a qui on donne l’intelligence, que ce soit sur les problèmes que cela va engendrer, sur l’importance du langage ou encore sur nous-même. Mais j’ai trouvé que l’auteur, dans la construction de son récit, abusait des Deus Ex Machina au bon plaisir de l’auteur ce qui me donnait l’impression de suivre le chemin qu’il voulait plutôt que me laisser emporter. Je reprocherai aussi certaines facilités et certains personnages qui manquent de profondeur. Après ce livre possède aussi des passages intéressants, tout le travail sur la relation entre Majnoun, Nira et Miguel ou bien aussi Prince le poète et l’ensemble est porté par une plume simple et entrainante, même si parfois un peu trop solennelle. Au final un contact philosophique qui, sur le fond, m’a fait réfléchir, mais qui sur la forme m’a légèrement frustré.
Ma Note : 6,5/10