Résumé : Un monumental ruban de pierre se dresse en sentinelle au bord des brumes éternelles. Les hommes leur ont donné un nom : la Dernière Terre. Dans la cité-capitale des Cinq Territoires, Cahir, jeune homme frêle, maladif, aux moeurs et aux allures bien éloignées des codes stricts qui font loi autour de lui, subsiste envers et contre la réprobation générale. Il est issu des Giddires, un peuple rejeté, au ban de la paix politique qui unit les autres contrées.
Malgré cela, entre intelligence et ingénuité, il parvient à se rapprocher de certains locaux, dont Ghent, fils du Haut-Capitaine à la tête des forces militaires des Basses-Terres. Au fil de ces jours paisibles, s’il advenait un événement capable de bouleverser tous les dogmes établis, quel poids l’existence de Cahir aurait-elle dans la balance des certitudes ?
Editeur : L’Homme Sans Nom
Mon Avis : Ce livre, j’en entends parler depuis sa sortie fin 2012. Il faut bien avouer que la couverture, illustrée par Alexandre Dainche, se révèle magnifique et, ensuite, les premiers échos que j’ai lu se révélaient plus que positifs. Pourtant, j’ai longtemps bloqué, la faute au marketing de l’éditeur qui se sent obligé, à chaque fois que je croise son stand dans un salon, de mettre en avant la phrase d’accroche qui, personnellement, me bloque. Concernant ce cycle il est annoncé comme, je cite, « Le Trône de Fer Français ». Je ne sais pas pour vous, mais moi cela a plutôt le don de me rebuter, ce besoin de comparaison. Ce qui ne m’a pas empêché, lors des Imaginales 2013, de discuter avec l’auteur et de me laisser tout de même tenter par ce premier tome qui, je l’avoue, a un peu traîner dans ma PAL. À noter qu’il s’agit d’une saga qui est prévu en six tomes.
Une fois la dernière page tournée je dois bien avouer que ce premier tome se révèle clairement un tome d’introduction, mais qui possède un certain potentiel qui se révèle intéressant pour la suite. Dès les premières pages on se retrouve plonger dans une histoire, certes au rythme très lent, mais qui se révèle intéressante par tout ce qu’elle construit autour, tout ce qu’elle développe. Alors certes, si vous recherchez une lecture vive, entrainante et au rythme soutenu alors ne vous lancez pas dans ce cycle, vous risqueriez d’en ressortir déçu. Concernant l’intrigue elle se révèle encore nébuleuse, l’auteur mettant plus en avant le côté humain pour bien poser ses personnages et son univers, ce qui ne l’empêche pas de se révéler un minimum intrigante par les quelques révélations qui se retrouvent parsemées au fil des pages, tout en se révélant aussi un peu frustrant de ne pas savoir grand-chose au bout de près de 450 pages.
L’univers se révèle être une des grandes forces de ce récit même si, clairement, il ne révolutionnera pas non plus, pour le moment, la fantasy. Il se révèle dense, riche et soigné le tout à travers des descriptions et des caractéristiques qui se révèlent très accrocheuses, même si parfois un peu extrêmes. L’auteur nous propose donc de découvrir cinq peuples complètement différents mais qui sont tous dirigés par l’Igilh, enfin de cinq peuples on découvre vite qu’il s’agit de quatre et un qui se révèle rejeté, considéré comme barbare, les Giddires. Chaque civilisation se révèle très intéressante, travaillée avec ses propres us et coutumes, ses propres façons de vivre, ses propres hiérarchies, mais aussi ses propres barrières, comme le peuple Agrevin qui se révèle fier mais qui pourtant se révèle plein de pudeur et évite tout contact, ce qui est en total contradiction avec les Giddires qui eux sont plus un peuple de contact et de nature.
Alors certes les différentes peuplades tombent parfois un peu trop dans le côté archétype, mais dans l’ensemble l’auteur réussit à les rendre intéressants, même si on découvre surtout ici les Agrevins et les Giddires. Vient aussi cette dernière terre, zone complètement mystérieuse, recouverte par les brumes et interdite d’accès au point d’avoir élevé des murailles surveillées jours et nuits pour éviter tout risque. Alors certes le parallèle avec le Trône de Fer est ici flagrant, mais l’idée et la façon dont elle est présentée reste intrigante et dépendra beaucoup de son évolution dans les prochains tomes. Par contre, je me pose une question, à un moment un personnage met en avant que dans la ville les couples n’avaient qu’un ou deux enfants maximum ; va donc falloir m’expliquer le renouvellement de la population dans une ville ou le taux de natalité est donc inférieur à deux.
Les personnages sont un autre des points attrayant de ce récit, se révélant travaillés, complexes, riches et très intéressants tant par leurs réactions que par leurs évolutions au fil des pages. On sent que l’auteur a voulu nous offrir des personnages d’une grande profondeur et véritablement humain. Mais voilà, pourtant, j’ai parfois eu du mal à m’accrocher à eux. Déjà la narration chorale fait qu’on se retrouve à suivre énormément de protagonistes, ensuite tous n’ont pas le même intérêt. Concernant leurs présentations j’ai aussi trouvé une légère répétition, le duo Feor/Ved ressemblant un peu trop fortement au duo Ghent/Cahir dans ce qui les différencie et les rassemble, l’un étant le prude, le respectueux là où l’autre est plus l’extraverti, le communicatif. C’est un peu frustrant, surtout quand on se rend compte que ce qui concerne Feor et Ved n’apporte quasiment rien à ce premier tome. Certes ils devraient avoir de l’importance par la suite, mais méritaient-il une si grande présentation? Autre point qui m’a dérangé c’est que je n’ai jamais pu accrocher complètement à Ghent ; vu que les Agrevins intériorisent toutes leurs émotions et leurs communications on a l’impression qu’un carcan le protège et empêche de complètement le comprendre, au contraire de personnages comme Cahir ou encore Reghia qui m’ont véritablement happés. Concernant les protagonistes secondaires ils se révèlent intéressants, travaillés et efficaces avec une mention spécifique à Melgar tout en retenu dont l’auteur arrive à retranscrire sa fragilité et son émotion de façon pertinente et accrocheuse ou bien encore Nelgoth monstre glacial qui cache bien son jeu.
Après j’avoue que quelques points m’ont aussi laissé perplexes voir même, par moment, dubitatif. Déjà je trouve que l’utilisation des flashbacks par l’auteur se révèle parfois hasardeuse, apparaissant par moment sans aucune véritable logique et n’apportant pas toujours grand chose. Autre aspect qui me laisse toujours perplexe, qu’on retrouve dans différents romans, c’est la scène ou le héros, tout en bas de l’échelle sociale, se permet d’insulter son supérieur ou son souverain sans que personne ne bouge ou ne fasse rien. Ici la scène repose sur Cahir qui vient clairement outrager l’Igilh, donc par conséquent remettre complètement en cause son autorité le tout lors d’une convocation officielle, et rien, ni véritable remontrance, ni punition. Ça me parait toujours illogique, encore je peux comprendre si cela se fait en privé, un roi peut être magnanime, mais en public c’est un coup à être remis en cause pour un rien et à perdre de l’influence. Dernier point qui m’a dérangé c’est l’aspect clairement contemplatif qui ressort par moment de ma lecture, certes j’aime les histoires lentes, qui prennent leur temps à poser un univers complet, mais ici l’auteur en fait parfois trop et tombe dans quelques répétitions ce qui alourdit le tout et fait que sur certains passages on perd de la fluidité.
Concernant la plume de l’auteur elle se révèle soignée, denses, riche, mais parfois elle cherche à trop en faire, à être trop sophistiqué, comme si elle voulait prouver qu’elle possède une plume élégante. De plus, certains aspects de la construction du récit m’ont laissé perplexe. Ces points se retrouvent principalement dans la première partie du récit car plus on avance plus elle prend ses aises et se laisse aller enfin à un style fluide et entrainant. La conclusion tout en nuance, mélange de trahisons et de regrets, est clairement intéressante et laisse à présager de bonnes choses pour la suite. Au final, comme je l’ai dit, un premier tome d’introduction avec ses qualités et ses défauts, parfois un peu trop contemplatif, mais qui se révèle agréable et m’a assez aiguillé pour me donner envie de lire la suite : en espérant que l’intrigue se dévoile un peu plus sur cette dernière terre.
En Résumé : Ce premier livre nous offre un tome de présentation au rythme lent et qui tombe parfois un peu trop dans le contemplatif, mais qui possède ses qualités. Il est un peu top pour parler de l’intrigue, dont on ne découvre que peu de choses, mais qui se révèle tout de même intrigante. Les gros points forts de ce roman c’est le travail effectué sur l’univers, qui se révèle riche et complexe, ainsi que sur les personnages qui sont denses et soignés, même si j’ai trouvé une certaine répétition dans la présentation des personnages et une certaine difficulté à s’accrocher à certains. De plus je reste toujours perplexe devant la présentation de héros qui n’ont peu d’utilité dans ce tome, mais dont on se doute qu’ils vont prendre de l’importance par la suite ; pourquoi justement ne pas les présenter plus tard. Après tout n’est pas parfait non plus, certaines longueurs se font ressentir tant l’auteur prend parfois un peu trop son temps, ensuite je trouve l’utilisation des flashbacks parfois hasardeuse et enfin j’ai eu du mal à accrocher à la scène où un des héros, en pleine convocation officielle, se permet d’insulter de rabaisser son souverain sans aucune punition ou autre. La plume de l’auteur se révèle profonde et soignée, mais parfois elle en fait un peu trop, cherchant à trop vouloir prouver de sa qualité. Au final un roman avec ses forces et ses faiblesses, je ne crierai pas à l’excellence, mais un livre qui offre de bonnes bases et m’a assez titillé par ses zones d’ombres pour me donner envie de lire la suite.
Ma Note : 7/10
Autres avis : Aranae, Melisende, Louve, Dup, Mariejuliet, Asuna, Tsuki, …