Résumé : Stony a trois sœurs : Alice, Chelsea, Junie. Et sa mère Wanda, qui l’aime plus que tout. Sans oublier Kwang, son copain de toujours, persuadé que Stony possède un superpouvoir. Parce que Stony est insensible aux flèches que son ami lui plante dans le ventre histoire de rigoler… Il faut dire que Stony ne respire pas. Ne mange pas vraiment. Ne dort jamais. Et pourtant il grandit. Stony ignore ce qu’il est. Il n’a pas pris la mesure de son réel pouvoir. Ça viendra. Reste une interrogation : y en a-t-il d’autres comme lui ? La réponse à cette question emportera tout dans son sillage…
Edition : Le Bélial’
Mon Avis : De l’auteur j’ai lu il y a quelques mois une nouvelle, Dead Horse Point publiée dans le Bifrost n°74, qui m’avait accrochée par son aspect poignant, humain et aussi par son sujet, traité de façon intelligente et efficace. Donc quand la maison d’édition Le Bélial’ a annoncé qu’il sortirait un roman de l’auteur, qui plus est travaillant la thématique du zombie, je savais que ce livre allait rapidement finir dans ma PAL. Quand Libfly a proposé de le découvrir j’ai tenté ma chance. Je remercie donc Libfly et les éditions Le Bélial’ de m’avoir permis de lire ce roman dans le cade de la voie des Indés 2014. Je préviens d’avance il y a risque de légers spoilers.
On va commencer par poser ce roman, oui il s’agit bien d’un roman de zombie, mais il se révèle complètement différent de ce qui se fait d’habitude. L’auteur a ici décidé de se servir du monstre pour proposer un récit qui se révèle intelligent, parfois philosophique et qui servira à faire réfléchir le lecteur, à apporter un regard neuf sur certains aspects de notre société. Il détourne donc ainsi clairement le symbole habituel des zombies pour offrir au lecteur quelque chose d’original. Par conséquent si vous êtes à la recherche de romans où les zombies sont des êtres simplistes et où le sang coule à flot, passez votre chemin, même si c’est vrai l’auteur ne vous oublie pas pour autant offrant quelques scènes pleines d’adrénalines, des survivants guerriers et même pourquoi pas une petite apocalypse. Posons maintenant le récit, l’invasion des zombies a eu lieu vers la fin des années 60. Elle a été rapidement jugulée par le gouvernement mais aussi par l’apparition de milices populaires. En Iowa une mère et ses trois filles vont alors accueillir un bébé dont elles ont retrouvé la mère décédée en rentrant chez elles. Très vite elles vont se rendre compte que ce bébé est un mort vivant. Il va se révéler différent, pouvant grandir au fil des ans, parler et même penser.
L’idée vraiment originale du récit et sur laquelle repose toute la construction de l’histoire vient de la façon dont sont imaginés les zombies. Ici on ne sait pas vraiment ce qui en est la cause, on sait juste qu’une fièvre les prend pendant 24 à 48h les poussant à mordre chaque personne qu’ils croisent, puis elle retombe et ils retrouvent alors leurs esprits. Ils se rapprochent alors de l’homme sauf qu’ils sont morts et contagieux par la morsure. L’auteur va alors construire son intrigue en cinq grandes parties. La première partie est construite de façon classique, c’est celle qui dévoile l’enfance de Stony, son évolution. Alors certes classique mais pourtant c’est la pierre angulaire du récit, elle permet clairement de poser les personnages, de voir justement son éducation, la façon dont on lui fait voir le monde, dont on le protège dans une famille ou il n’est entouré que de femmes. C’est cette partie fondamentale qui va amener à mieux comprendre le personnage par la suite, que ce soit dans ses envies ou ses réactions. Mais c’est aussi une partie qui nous fait réfléchir, sur la différence, l’acceptation des autres. Stony est différent, « malade », il serait rejeté pour ce qu’il est alors qu’au fond de lui il se sent humain. Une réflexion sur la tolérance efficace et bien amenée, justement par ses différents personnages et leurs façons de voir les choses. C’est clairement là qu’on s’attache aux différents protagonistes, des personnages vraiment forts, charismatiques, émouvants qui m’ont touché. L’auteur prend aussi le temps de construire les bases de son univers pour la suite.
Les deuxième et troisième parties vont alors se révéler plus sombres, mais aussi beaucoup plus ouvertes. Stony découvre qu’il n’est pas seul, des milliers de zombies comme lui vivent à travers le monde, ils se cachent à cause de leur différence, de ce que le passé a montré d’eux, la communication et l’image qu’on montre d’eux les transformant en monstre voir bien pire. Ils sont incompris. L’auteur élève alors sa réflexion : à travers ces deux parties il va se retrouver a traiter aussi bien du racisme, de la maladie que de l’immigration, se servant du monstre comme un symbole pour la philosophie qu’il travaille au fil des pages. Mais surtout Stony évolue, il se rend compte que le monde est beaucoup plus vaste, beaucoup plus complexe et beaucoup plus politisé qu’il le croyait. Même chez les morts-vivants il y a des clans et des visions complètement différentes de l’avenir. C’est un peu l’âge de la perte des illusion. La quatrième partie se révèle plus oppressante et traite davantage des zombies comme terroristes, voir comme ennemis. Il existe des prisons cachées, des camps où ils sont enfermés, étudiés et même torturés. De nouveau l’auteur fait écho à travers son texte à notre société, l’histoire l’ayant bien montré. Alors c’est vrai cette partie se révèle peut-être un peu caricaturale, mais ne manque pas de se révéler percutante.
La dernière partie retombe un peu dans le classique, on va dire, les rêves sont brisés, l’humanisme que cherchait Stony et son besoin de discuter, d’argumenter, de démontrer qu’ils ne sont pas ce que l’on croit a percuté un mur. On se retrouve alors dans des passages plus violents, plus sombres et sauvages. C’est le passage où Stony sait ce qu’il a perdu, ce qu’il doit réaliser et va tout faire pour réussir. Une dernière partie mélancolique aussi qui se laisse porter au fil des pages, malgré une conclusion évidente. Au final si on s’élève un peu, ce récit est celui de la vie d’un homme, ou plutôt d’un zombie humain, de son enfance joyeuse et crédule jusqu’à la vision d’un homme qui a vécu sa vie et se retourne pour découvrir le chemin parcouru et ce qu’il lui reste à faire.
L’Éducation de Stony Mayhall est donc un roman original, principalement par l’humanisation du zombie qu’il nous propose, l’élevant ainsi à un rang différent du monstre qu’on connait, mais aussi par les nombreux axes de réflexion et la critique sociale qu’il propose, aussi bien sur la vision qu’on a des autres que sur les gouvernements, sur la différence, ou bien encore sur les religions et la foi. Alors parfois certaines réflexions sont, certes, un peu caricaturales, certains aspects un peu simplistes, mais dans l’ensemble j’ai trouvé qu’elles remplissaient parfaitement leur rôle. Autre point intéressant c’est l’aura de mystère que s’amuse à laisser planer l’auteur tout au long du récit, qui forme je trouve un contrepoint intéressant aux différentes explications scientifiques qu’il propose, même si j’ai trouvé que sur certains points il en faisait un peu trop d’un point de vue surnaturel, me frustrant un peu et lui offrant quelques deus ex machina faciles.
Malgré toutes les qualités que possède ce roman, certains passages m’ont quand même dérangé, je pense par exemple aux longues ellipses temporelles entre chaque parties. Autant certaines passaient très bien, c’était fluide autant d’autres m’ont paru hachées, il fallait un peu de temps pour se recentrer sur les personnages qui avaient énormément évolués. Ensuite je reste perplexe sur la conclusion, en soi elle n’est pas mauvaise, et se révèle plutôt efficace, mais je ne comprends pas pourquoi l’auteur a décidé de s’offrir une sorte de happy-end là où il n’y en avait pas forcément besoin. C’est un choix de l’auteur que je trouve légèrement dommage même si je le comprends. Au final rien de complètement dérangeant, cela n’enlève rien à la qualité du roman.
La plume de l’auteur se révèle efficace, entrainante et il montre clairement qu’il joue avec le lecteur variant parfois son style, passant de la troisième personne, à la première ou bien encore en le faisant participer à la construction du récit. J’avoue, j’ai aimé la façon d’écrire de l’auteur qui cherche à varier sa façon de présenter les choses, même si je comprends que cela puisse dérouter. Il cherche aussi à apporter une touche de légèreté et d’ironie à l’ensemble qui, la plupart du temps, marche plutôt bien avec quelques jeux de mots et des blagues, même si parfois ça tombe un peu plat. Mais bon l’humour dépend aussi de chacun. Au final ce roman fut une belle surprise et j’ai passé un bon moment de lecture. Je lirai sans souci d’autres écrits de l’auteur.
En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman qui nous présente le zombie de façon vraiment intéressante, offrant une intrigue efficace, soignée et qui nous fait clairement réfléchir sur de nombreux sujets, principalement sur l’acceptation des autres, la façon dont on les perçoit et dont les média nous les font voir. Une chronique sociale et acerbe aussi sur notre gouvernement, la façon dont il peut traiter les personnes différentes des normes. Si vous cherchez un livre de zombie sanglant et sauvage, passez votre chemin. Le personnage de Stony se révèle vraiment attachant, bien construit, fascinant et complexe, se révélant l’un des gros points forts du récit. La plume de l’auteur est entrainante, efficace et on sent bien qu’il s’amuse avec le lecteur faisant varier sa façon d’écrire. Il teinte aussi au fil des pages son histoire d’ironie et d’humour noir plutôt efficace même si parfois certains passages tombent un peu à plat. Je regrette juste que certaines ellipses temporelles hachent le récit, perdant le lecteur pendant quelques pages et aussi une conclusion, certes pas mauvaise, mais avec un happy-end qui me parait exagéré ici. Au final ce livre reste un très bon récit et je lirai sans soucis d’autres écrits de Daryl Gregory.
Ma Note : 8/10