Résumé : Les ténèbres ont un cœur de lumière.
Je l’ai su quand j’ai vu l’enfant dans la tempête. J’ai entraperçu l’azur de sa magie étrange et intense, mon univers s’est métamorphosé. Moi qui me sentais si seul, si désespéré, j’ai découvert soudain pourquoi j’étais venu au monde : pour protéger celui qu’on m’a donné pour frère. Un frère pas tout à fait humain, pas tout à fait possible. Le protéger des autres et de lui-même : des décisions qu’il voudrait prendre afin de résoudre sa maudite Énigme. Car ce petit est doué pour se mettre – nous mettre – en péril ! Mais j’ai la faiblesse de croire que je suis plus têtu que lui.
Edition : Les Moutons Electriques
Mon Avis : Si vous suivez ce blog depuis le début, vous savez donc que je suis un grand fan des écrits de Nathalie Dau qui ont toujours réussi à me captiver aisément, offrant des récits poétiques et intelligents. C’est donc sans surprise que son dernier roman a rapidement terminé sa course entre mes mains. Je vais par contre préciser un peu les choses concernant ce cycle. Le premier tome a déjà été publié, il y a quelques années, dans une maison d’édition qui a maintenant disparu. Je l’avais d’ailleurs lu à l’époque et m’était retrouvé frustré de me dire que je n’aurai peut-être pas la suite, heureusement, les Moutons Electriques ont décidé de relancer ce cycle. Alors maintenant la question que certains doivent se poser, y a-t-il une différence entre l’ancienne édition et celle-là? Franchement oui, il y a 13 chapitres et près de 200 pages en plus. Attention pas 13 chapitres en plus disséminés, mais bien 13 chapitres qui viennent prolonger la fin de l’ancienne édition, donc si vous l’avez lu à l’époque et vouliez attendre directement la suite je ne peux que vous conseillez de lire cette nouvelle édition, car sinon vous risquez de manquer d’éléments.
Maintenant qu’on a fait le tour on va peut-être parler de l’histoire. Les mages bleus ont été exterminés. Seul survivant, Kéral Asulen, dernier mage bleu sur lequel repose une ancienne prophétie, va se retrouver châtié et exilé. On suit ainsi l’histoire de Cerdric fils de Kéral, qui ne sait rien de son père et inversement, et de Nérasia qui n’a jamais voulu de lui. Annoncé comme cela on pourrait se dire que le récit se révèle très classique en Fantasy, proposant prophétie et élu, sauf que non, ne fuyez pas, c’est bien loin d’être le cas et l’auteur arrive à dépasser ce sentiment pour nous le faire oublier. En effet Cerdric n’est pas l’enfant de la prophétie, car même s’il a été conçu pour l’être ce n’est pas le cas il est réfractaire. C’est, selon moi, le point le plus original de l’intrigue. On ne se retrouve donc pas avec un héros élu, mais plus avec un personnage rejeté, voire abandonné car, sans rien faire, il ne répond pas aux attentes qu’on avait mises en lui, alors que lui tout ce qu’il recherche c’est être aimé, apprécié, de ne pas être seul.
On plonge alors dans un récit plein d’émotions et de sentiments, où la quête initiatique de notre héros va ainsi se révéler extrêmement touchante et poignante. Je me suis retrouvé happé par la vie de Cerdric, ses souffrances, ses plaisirs, ses découvertes, ses haines, ses peurs, ses forces. C’est d’ailleurs la grande force du récit, je trouve, sa capacité à nous immerger dans ce personnage sensible, à fleur de peau, qui ne manque pas de profondément affecter le lecteur, de suivre cet enfant qui grandit en quête d’amour alors qu’il est plongé au milieu de jeux de pouvoir qu’il ne comprend pas et dont il est à la fois l’objet et l’instrument. On a souvent comparé Nathalie Dau à Robin Hobb et je dois bien avouer que dans Cerdric j’y retrouve justement un peu de Fitz. Attention je ne parle pas d’un personnage copié sur l’autre, loin de là, chacun ayant son existence et son caractère propre. Je dis juste que je me retrouve autant attaché à Cerdric que je le suis avec Fitz. Après, j’avoue, il a par contre aussi récupéré un défaut de Fitz, celui de pousser le lecteur à avoir envie de le secouer tant parfois il se morfond de trop ou fait de mauvais choix, même si parfois on le comprend. En tout cas rien de non plus trop gênant.
Les personnages autour ne sont pas non plus en reste, ils se révèlent eux aussi passionnants à découvrir, loin de tout manichéisme et surtout se révélant profondément humains. Chaque relation, chaque choix, chaque trahison, chaque mensonge, se retrouve ainsi posséder son explication, son histoire, reposant sur les ambitions, les envies et les souffrances de chacun. Cela fait que le personnage, qu’il soit aimé ou détesté, d’une certaine façon on se retrouve à comprendre pourquoi il fait ce qu’il fait. Ce sont finalement leurs imperfections qui les rendent si prenants et efficaces. Des protagonistes complexes, denses, travaillés dont on découvre la vie et l’histoire lentement, au fil du récit et qui happent facilement le lecteur, ce qui fait qu’on tourne les pages avec grand plaisir, histoire d’en apprendre plus sur eux. Que ce soit Nérasia, trahie pour une prophétie qui se sent avilie, Kéral qui a tout perdu et qui a peur de perdre encore plus, Ardégyl monarque à la personnalité complexe ou encore Ceredawn puissant et fragile, chacun d’entre eux se révèle excellent et nuancé.
L’histoire se révèle ainsi, on pourrait dire, séparé en deux grandes parties, la première qui est la quête initiatique de Cerdric de l’enfance vers l’âge adulte avec, comme je l’ai dit, toutes ses victoires et ses chutes, ses reconnaissances et ses haines, puis une seconde partie qui, elle, permet de développer tout ce qui tourne autour de la prophétie et des influences qu’elle peut avoir et peut créer. Une chose est sûre j’ai trouvé l’ensemble fluide, maîtrisé et captivant. L’auteur ne cherche pas à construire une fantasy épique ou portée par un rythme percutant, elle préfère prendre le temps de construire le tout, de le développer et de le soigner, mais le tout sans jamais tomber dans des longueurs ou des lourdeurs. Certes, si vous recherchez l’action et la tension passez votre chemin, car même si l’auteur offre quelques scènes mouvementées ce n’est pas le cœur du récit. Elle cherche plus à offrir une histoire intimiste, poétique, ambigüe, magique proposant aussi son lot de découvertes, de voyages et de dépaysement, et cela marche à la perfection. Alors après, j’avoue, un ou deux passages m’ont paru de trop, mais cela s’oublie très rapidement devant la fluidité et la densité de l’œuvre que j’ai eu du mal à lâcher avant la fin.
L’univers développé tout du long s’avère aussi fascinant à découvrir. Que ce soit aussi bien la magie, l’influence et la puissance qu’elle peut avoir, les jeux politiques et les manipulations des uns et des autres, ou encore dans les découvertes de personnages féeriques et mystiques, l’ensemble est plus que convaincant et donne clairement envie d’en apprendre plus. La mythologie que construit l’auteur, avec cette prophétie et l’importance qu’elle a, certes ne révolutionne pas le genre, mais l’auteur la rend attrayante, offrant de nombreuses questions au lecteur qui devraient trouver leurs réponses par la suite. J’ai aussi remarqué une certaine dualité dans cet univers, avec le monde des « hommes » qui parait plus froid, plus ordonné et plus austère, là où le monde mystique offre ainsi plus de sensualité, de liberté, de fascination, ce qui n’empêche pas pour autant chacun des mondes d’avoir leurs bons et leurs mauvais côtés. L’auteur se sert aussi de son univers pour traiter de la différence, que ce soit par exemple d’un point de vue de peuples, avec les Rives qui sont devenus un peuple esclave et objet, ou bien encore de la sexualité, même si parfois certains points m’ont légèrement déroutés, mais devraient trouver leurs réponses par la suite. Un univers qui s’avère sombre, possédant une violence sourde qui s’en dégage, mais qui nous dévoile aussi, à travers des descriptions magnifiques, des passages lumineux et superbes. Dans tous les cas un monde profond et plein d’imagination, qui donne envie d’en apprendre et d’en découvrir plus.
La plume de l’auteur se révèle toujours aussi poétique, travaillée, soignée, dense, travaillant chaque passage de son récit pour happer le lecteur et le plonger dans un univers et une histoire fluide et passionnante. Au final un premier tome qui m’a offert un excellent moment de lecture et dont j’attends maintenant la suite avec impatience.
En Résumé : J’ai passé un excellent moment de lecture avec ce roman qui nous offre une histoire qui certes, au premier abord peut paraitre classique avec cette idée de prophétie, mais dont l’auteur arrive à se servir et s’affranchir en grande partie pour nous happer et nous le faire oublier. Une histoire touchante, humaine avec des héros complexes, travaillés, profonds dont, qu’on les apprécie ou pas, on comprend les motivations, les besoins et les envies. Je regretterai peut-être que Cerdric donne parfois envie de le secouer tant une ou deux fois il se morfond de trop ou fait le mauvais choix de façon tellement impulsive, mais rien de bloquant tant le héros se révèle à fleur de peau et captive le lecteur. L’univers n’est pas non plus en reste, mélange de loi, de magie et de féérie qui donne clairement envie de le découvrir, d’en apprendre plus, bien porté par des descriptions magnifiques. Un univers sombre, « adulte », qui nous offre aussi quelques réflexions intéressantes. La plume de l’auteur se révèle poétique, soignée, travaillée et nous happe facilement dans son récit. Alors après si vous cherchez un début de cycle énergique et bourré d’action passez votre chemin, cette Fantasy se révèle plus intimiste et humaine, au tempo lent et attirant. J’attends maintenant la suite avec impatience.
Ma Note : 9/10