Résumé : Il Etait Une Fois en France conte l’histoire de Joseph Joanovici, juif roumain devenu l’homme le plus riche de France pendant l’occupation. Ferrailleur, collabo, résistant, il fut pour certain un criminel, pour d’autres un héros. C’est le cheminement de ce personnage ambigu baptisé le Roi de Paris, par ceux qui ont croisé sa route, que relate avec justesse cette saga au thème délicat. Monsieur Joseph se confie sur son lit de mort aux côtés de Lucie Fer, celle qui fut sa plus fidèle compagne.
Intelligence avec l’ennemi, corruption de fonctionnaires, contrebande, enrichissement personnel et même meurtre seront reprochés à la Libération à celui qui possédait pendant l’occupation un appartement en plein cœur de la préfecture de police. Portant fièrement la rosette de la résistance, Joseph reçoit les plus huppés du Tout-Paris, alors que de sombres nuages annoncent la fin de son règne.
Edition : Glénat
Mon Avis : Je continue et termine ma découverte de ce cycle avec, justement, la lecture des deux derniers tomes. Les quatre premiers volumes avaient permis de dresser le portrait de Joseph Joanovici, personnage ambigu, qui a tout fait pour tenter de survivre pendant la seconde guerre mondiale au point de parfois s’allier avec tout le monde en espérant s’en sortir (chronique du Tome 1, Tome 2, Tome 3 & 4). Mais la guerre est maintenant finie et j’avais hâte de savoir ce qui allait lui arriver, savoir comment il allait tenter de s’en sortir.
Ce tome va se révéler complètement différent des autres, en effet on suit ici comme personnage principal non plus Joseph, qui est devenu un riche industriel aux appuis hiérarchiques importants, mais plutôt un petit juge de Melun qui a été mandaté par une certaine Madame Schaff de dévoiler la vérité sur le meurtre de son fils considéré comme un traitre à la nation. On se retrouve donc ainsi dans une confrontation entre le juge et le ferrailleur, une enquête qui va se révéler pleine de rythme, de violence et de corruption, où la tension va monter lentement au fil des pages pour happer le lecteur. On sent bien que le juge n’est pas homme à lâcher l’affaire facilement même si pour cela il risque de perdre plus qu’il ne peut gagner. Un tome haletant, qui se révèle rempli de surprises et de rebondissements bien maîtrisés par les auteurs, mais qui surtout sonne le déclin du héros.
La grande force de ce tome vient aussi principalement de la façon dont les auteurs traitent de cette période d’après-guerre où tout est flou et personne n’est tout blanc ou tout noir, où certaines personnes aux passés pas toujours reluisants ont atteints des postes hauts-gradés. On se retrouve dans un pays en pleine reconstruction, qui est obligé de faire par moment des concessions pas toujours glorieuses pour essayer de maintenir un pouvoir efficace, cohérent et où il est parfois difficile de connaitre la vérité et de juger les coupables. Au final un visage pas toujours glorieux mais souvent juste, d’une période trouble, d’un pays qui cherche à panser ses plaies et à commencer à oublier. Mais voilà, l’oubli doit-il passer par le fait d’enterrer parfois la vérité et d’oublier que certains ont parfois dépassés les limites? Certaines personnes s’y refusent en tout cas.
Les personnages continuent à s’enrichir, à se densifier au fil des tomes, mais surtout le changement de point de vue permet de mieux les appréhender dans l’ensemble. Le fait de suivre le juge permet, d’une, de mieux comprendre son combat et son besoin de quête de la vérité et, deuxièmement, d’avoir une vision différente de Joseph Joanovici, un peu plus sombre, plus froide et plus calculatrice. Certes on retrouve toujours cette ambiguïté d’un homme qui a toujours tout fait pour s’en sortir, se sauver et sauver sa famille, mais on se rend compte, ici, qu’il est aussi, par la même occasion, devenu quelqu’un qui en a profité pleinement et aussi l’un des protagonistes les plus influent dans la ville de Paris. Un duel alambiqué et complexe qui va peu à peu amener sont lot de souffrances, qui va forcer les uns et les autres à réagir et à prendre des décisions pas toujours faciles.
Mon Avis : Le dernier volet de la vie de Joseph Joanovici se révèle être celui de la déchéance et de la chute où le héros va se retrouver acculer et va tout perdre, que ce soit aussi bien du point de vue des affaires que du point de vue affectif. Le petit juge de Melun ne laisse rien lâcher et rend coup pour coup ; mais à quel prix? Peut-on vraiment faire tomber un homme ayant tant de pouvoir sans se salir les mains. Un tome qui vient clôturer de façon passionnante ce cycle et qui se révèle clairement sombre, entre trahisons, abandons et souffrances. Aucun des personnages ne sortira indemne de ce dernier tome et même l’indéfectible Lucie se trouvera devoir faire des choix pas toujours faciles. La chute était annoncé depuis le début, mais elle se révèle violente et sans concession, tout en restant neutre dans sa narration. En effet la grande force du récit reste que les auteurs ont décidé de présenter la vie de Joseph de façon simple, dans une époque trouble, mais sans jamais juger, laissant ce seul pouvoir au lecteur de faire ses propres choix.
Concernant les personnages ils continuent à évoluer, mais surtout se retrouvent rattrapés par le poids de l’âge, la fin est proche et même s’ils tentent quelque soubresauts pour essayer de mieux survivre ils ont pour la plupart énormément donné et perdu. Entre Joseph qui essaie de simplement finir sa vie, mais ne peut oublier son sens des affaires, et le petit juge ayant quasiment tout perdu qui cherche à terminer sa vendetta personnelle, aucun des personnages ne paraitra en sortir gagnant. On retrouve toujours des protagonistes à la psychologie travaillée qui se révèlent efficaces et prenants. Surtout que pour le pays cette histoire est terminée, tout comme la guerre, il veut tourner la page et chercher à oublier une période sombre ; le ménage a été fait et maintenant il faut passer à autre chose. On se retrouve donc avec une histoire de vendetta qui vire au drame personnel pour se terminer à travers une conclusion, selon moi, réussie et pleine de surprises.
Les graphismes se révèlent toujours aussi réussis, efficaces, entrainants et surtout évoluent en même temps que les personnages qui vieillissent tout en les rendant toujours aussi vivants et attachants à travers leurs émotions, fidèlement retranscrites, leurs expressions et leurs non-dits. Chaque trait, chaque moue possède son importance. L’ensemble se révèle aussi clairement maîtrisé par le dessinateur, avec des décors et une ambiance qui viennent s’ajouter à la tension qui se dégage au fil des pages. Au final ces deux derniers tomes concluent ce cycle de façon aboutie. Une excellente série intelligente, pleine d’émotion et de surprise, sur un personnage des plus ambigus et qui nous rappelle que la guerre n’a pas été que blanche ou noire, qu’il a fallu faire des choix et qui soulève la question de savoir ce que le lecteur aurai fait à la place du héros.
En Résumé : J’ai passé un excellent moment de lecture avec les deux derniers tomes concluant de façon réussie et efficace cette série. La tension monte au fil des pages, la fin de Joseph Joanovici est proche, mais pas là où on le croit, plutôt dans les mains d’un petit juge de Melun. Entre violence et trahisons les deux hommes vont tout donner, selon leurs idéaux, pour s’en sortir, le tout dans une France d’après-guerre saisissante qui cherche d’abord à se reconstruire, même si cela doit passer par des compromis, avant de tenter de tourner la page et d’oublier pour mieux avancer. Les personnages sont toujours aussi denses et le changement de narration permet ainsi de, parfois, mieux comprendre certains protagonistes. Les graphismes sont très réussis, que ce soit à travers les émotions des personnages, les décors et les lieux, ou bien encore dans l’ambiance qui se révèle sombre et haletante. Un cycle qui nous permet de découvrir la vie ambigüe de Jospeh Joanovici, en pleine guerre et après, mais qui laisse le lecteur tirer lui-même les conclusions des décisions que le héros prend et surtout de se poser la question de savoir ce qu’il aurait fait à sa place.
Ma Note : 8,5/10