Résumé : Il était moitié médecin moitié technocrate, à Genève. Il avait un nom. Il n’en a plus : on le lui a retiré un soir, avec le reste de son existence. Une limousine devant, une derrière, un coup de freins, des portières qui claquent, un pistolet-mitrailleur, deux baffes bien assénées, une cagoule, des jours dans une cave sous perfusion et somnifères… Normal pour un kidnapping !
C’est au réveil que ça commence à clocher, quelque part dans un désert africain, à côté d’un vieillard gravement gangrené, quand un commando humanitaire lui confie la responsabilité médicale du village dans lequel il l’abandonne…
Edition : Au Diable Vauvert
Mon Avis : Je continue ma plongée dans l’univers littéraire d’Ayerdhal, auteur qui m’a toujours marqué par ses récits régulièrement percutants, réfléchis et surtout entrainants. Je n’ai jamais été déçu par les différents textes que j’ai lu de lui. C’est donc sans surprise que je suis reparti des dernières Imaginales avec ce roman sous le bras que je n’avais pas encore lu (il m’en reste encore un certain nombre à découvrir) et qui fait partie de ses premiers romans publiés puisque sorti en 1992. Concernant l’illustration de couverture je la trouve sympathique, même si finalement loin de ce que laisse entrevoir le résumé.
L’histoire en elle-même se révèle assez simple, notre héros, le narrateur, se met à conter l’histoire de sa vie. Il était un simple médecin, devenu analyste de probabilités dans une organisation à Genève le jour où sa vie a changé, le jour où il a été kidnappé puis débarqué en Afrique. L’auteur nous offre dès les premières pages une intrigue qui se révèle sans temps mort, remplie de rebondissements, de retournements de situation et de surprises. Chaque chapitre apporte son lot d’action et d’adrénaline ce qui fait que le lecteur se met à tourner les pages avec un minimum d’envie et de plaisir pour apprendre ce qui a bien pu arriver au héros. Une chose est sûre c’est que Ayerdhal sait parfaitement maîtriser le tempo du récit, offrant un rythme soutenu et tendu du début à la fin. Il propose un personnage principal qui va clairement se retrouver malmené, poussé à bout et qui à force va découvrir la vérité et se découvrir lui-même.
La grande force du récit vient, comme souvent avec l’auteur, des différentes idéologies et réflexions qu’il développe au fil des pages. Ici on n’est pas happé, mais on est littéralement « kidnappé » par les différentes idées qui sont développées. Il cherche clairement à nous ouvrir les yeux sur un problème qui devient de plus en plus capital, l’Afrique, ou plus précisément l’abandon de ce continent par les pays considérés comme développés, voire en voie de développement, la laissant dans son coin tout en lui demandant de ne pas faire de bruit. Une Afrique longtemps gouvernée par des dictateurs qui savent se vendre au plus offrant, ne se souciant ni de leurs pays, ni de leurs populations mais plus d’eux-même. Il nous parle de ces pays riches, de ces industriels qui préfèrent financer des programmes exorbitants sur des études et des travaux pas toujours nécessaires plutôt que de fournir une infime partie de leurs budgets à l’humanitaire. On découvre un système de santé à double vitesse qui repose sur des laboratoires qui voient plus le profit que la guérison. Cette Afrique a perdu tout intérêt dans ce futur, elle est oubliée, laissée pour compte et surtout subit nos erreurs, la désertification et la sécheresse gagnant de plus en plus de surface. L’auteur n’y va pas avec le dos de la cuillère, il est là pour réveiller le lecteur et pour cela y va franchement, c’est une véritable claque qu’on se prend du début à la fin, on retient sa respiration au fil des pages. L’auteur veut nous ouvrir les yeux et il le fait de façon percutante et efficace je trouve. Ce qui marque aussi c’est que, comme je l’ai dit, ce roman a été écrit en 1992 et pourtant il se révèle encore terriblement d’actualité, voir même s’est révélé visionnaire à l’époque.
Mais voilà l’auteur ne se sert pas de la Science-Fiction que pour nous secouer, au fil des pages il relâche doucement la pression et devient alors un peu idéaliste, essayant d’offrir un espoir et ainsi éviter de noyer le lecteur dans le cynisme. Il imagine un continent dont les nations commenceraient à se rassembler, avec un idéal, essayer de relever ce continent oublié, certes par des voies pas toujours légales, comme le terroriste ou le kidnapping de personnels adaptés pour les aider. C’est d’ailleurs cette réflexion qui marque et dérange le lecteur, je trouve, tout du long : La survie d’une nation doit-elle passer par des actions illégales ? Nous, pays « civilisés », avons-nous fait les choses mieux et de façon différente ? À chacun de se faire son avis. En tout cas ils n’ont plus décidé de se faire marcher dessus et ont des idées à défaut de moyens. Alors j’avoue, l’auteur va parfois trop loin, cherchant à trop en faire, à trop secouer le lecteur, c’est parfois légèrement agaçant, mais vu que le roman est assez court on passe très vite au-dessus de ces quelques légers désagréments, qui sont finalement assez vite oublier devant l’ampleur du message à faire passer. Par contre, j’ai trouvé l’idée finale peut-être un peu trop utopiste, mais rien de bien gênant.
Concernant les personnages, je dois dire qu’on s’attache assez rapidement et facilement au narrateur, personnage lambda d’une nation aisée qui se retrouve dans ce qu’il considère initialement comme un enfer et qui va peu à peu découvrir et ouvrir les yeux. D’ailleurs le fait que l’auteur ne lui donne jamais de nom, mais simplement des surnoms joue aussi sur cette identification, car finalement il pourrait être n’importe qui. Concernant les autres personnages ils ne manquent pas d’intérêt, chacun ayant une vision et un vécu différent du conflit, de l’abandon. Mais voilà je trouve qu’ils manquent quand même de profondeur, ce sont des héros qui ne vivent que dans le présent, il leur manque un peu de background, d’histoire selon moi, et c’est parfois frustrant de ne pas en savoir plus sur certains. De plus j’ai trouvé l’histoire d’amour un peu trop facile et aussi un peu trop pratique, rien de dérangeant, juste on sent qu’elle est là car elle sert l’intrigue.
La plume de l’auteur se révèle toujours aussi incisive, mordante, efficace et entrainante, nous plongeant avec facilité dans son histoire pour ne jamais relâcher le lecteur avant la fin, malgré j’avoue quelques métaphores surprenantes. Un roman clairement engagé, politique, intelligent, qui mérite d’être découvert, même si on peut ne pas toujours être d’accord avec ce qui est mis en avant. Au final j’ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman et je continuerai donc à découvrir d’autres récits de l’auteur sans souci et avec plaisir.
En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec ce livre qui propose de nous faire un sujet encore d’actualité qui est l’Afrique, sa pauvreté et son abandon. L’auteur construit alors un récit sans temps mort, plein d’adrénaline au cours duquel on suit les aventures du narrateur, médecin kidnappé et livré sur ce continent. Mais c’est surtout sur le message que l’auteur cherche à faire passer qu’on prend une véritable claque, car il cherche à ouvrir les yeux de ses lecteurs sur un véritable problème de société, et il le fait de façon percutante et directe. Ce roman possède même un aspect limite visionnaire quand on sait qu’il a été écrit au début des années 90 et qu’on voit ce qui se passe aujourd’hui. Par contre j’ai trouvé l’idée de conclusion un peu trop utopiste. Le personnage principal se révèle attachant et on s’identifie rapidement à lui, les personnages secondaires sont intéressants même si j’aurai aimé en savoir plus sur certains. En revanche, j’ai trouvé l’histoire d’amour un peu facile, même si rien de non plus bloquant. La plume de l’auteur se révèle vraiment incisive, entrainante et efficace, malgré parfois quelques métaphores un peu surprenantes. Un livre qui mérite d’être découvert selon moi si on ne veut pas fermer les yeux. En tout cas je continuerai à lire des romans de l’auteur sans souci.
Ma Note : 8/10
Autres avis : Lorhkan, A.C. de Haenne, Julien le Naufragé, …