Résumé : « C’est un cercle vicieux. Toi, tu te trouves au centre de ce cercle, avec tes quatre milliards de frères qui seront bientôt, si vite, six milliards, tu es au centre de ce cercle debout dans ton jardin mouillé, les pieds dans les feuilles de l’automne pourrissant, et tu lèves la tête vers le ciel bouché, muet, inutile, et tu cries au-dedans de toi il n’y a rien à faire ? Et comme, malgré tout, la translucide main d’espérance s’accroche encore à toi, tu répètes et tu répètes encore et encore… il n’y a rien à faire ? »
Edition : Le Bélial’
Mon Avis : Jean-Pierre Andrevon fait partie des auteurs SF connu et reconnu avec plus de 600 textes publiés depuis 1968. Ce recueil nous propose donc de découvrir 22 textes, considérés comme représentatifs de la carrière de cet auteur. De lui j’ai déjà lu deux romans qui m’avaient bien accrochés, mais aussi quelques nouvelles dont la dernière, dans le recueil des Utopiales 2013, m’avait plutôt laissé de marbre, étant une nouvelle des années 70 et paraissant dépassé au jour d’aujourd’hui. Je me demandais donc ce qu’allait bien pouvoir me proposer ce recueil. En tout cas concernant la couverture, illustrée par Caza, je la trouve vraiment magnifique et elle donne envie de se plonger dans ce livre.
La Réserve : Une nouvelle d’introduction au message fort, qui nous plonge dans un futur post-apocalyptique où les humains ne sont plus les êtres au top de la chaine alimentaire, ils ne sont plus que des animaux. Je n’en raconte pas trop pour pas trop gâcher la chute, mais c’est un texte percutant même si je trouve qu’il porte un peu son âge, étant le tout premier texte publié par l’auteur en 1968.
Un Nouveau Livre de la Jungle des Villes : Nouvelle en forme de conte initiatique où un enfant humain se retrouve élevé par des robots et rêve d’en devenir un aussi. L’auteur nous offre de nouveau un monde post-apo où les hommes, dans leurs envies de conquêtes, se sont quasiment annihilés et qui offre une réflexion intéressante sur l’identité et ce qui la façonne entre son ADN ou son éducation. Un texte qui est toujours d’actualité offrant aussi un léger message d’espoir à la fin.
Un Petit Saut dans le Passé : Un texte vraiment intéressant et poétique sur la possibilité de voyager dans le temps, plus principalement dans le passé. L’auteur traite ici de l’idée, classique, du paradoxe temporelle avec comme réflexion la généalogie et son origine qui parait être un thème important pour l’auteur. Problème, j’avais deviné la fin dès les premières pages ce qui fait que l’ensemble m’a paru trop prévisible.
L’Arme : Voilà un texte vraiment cynique et rempli d’humour noir qui nous présente une terre ou des extra-terrestres laissent, par hasard, une arme puissante qui sera alors découverte par un sans-abri. Un récit qui nous rappelle qu’un homme une arme à la main ne sait faire qu’une seule chose : détruire. Un texte court, sympathique à lire sans non plus se révéler révolutionnaire ; vite lu vite oublié.
L’Homme qui Fût Douze : Une nouvelle intrigante qui va nous plonger dans la colonisation d’une planète par un équipage humain et qui va, au fil de la mission, dégénérer et révéler ainsi tout le sens du titre. L’auteur nous offre des idées intéressantes sur l’immortalité par le renouvellement, la chirurgie ou encore l’écologie que l’homme ne peut s’empêcher de détruire, mais j’ai trouvé l’ensemble un peu mal rythmé et possédant ce vernis suranné de ces nouvelles efficaces à une époque et qui ont un peu de mal aujourd’hui. Cette nouvelle reste sympathique et offre de bonnes réflexions.
La Bête des Étoiles et L’Empathe : L’auteur le dit clairement, pour cette nouvelle il s’est inspiré d’Alien, ce qui se ressent à travers cette chasse d’un ET meurtrier par un empathe. Une nouvelle aux réflexions intéressante de l’auteur sur l’environnement et l’impact de l’Homme sur la faune et la flore qui arrive toujours avec ses gros sabots, mais qui n’a pas réussi, tout du moins avec moi, à m’angoisser ou me faire frissonner.
Manuscrit d’un Roman de SF Trouvé dans une Poubelle : A travers cette nouvelle l’auteur a décidé de se lâcher, se moquant d’une certaine SF d’aventure en poussant l’absurde à son paroxysme dévoilant alors des humains lâches et faibles, et des femmes en tenues minimalistes. On accroche, ou pas, moi je suis resté de marbre à cette nouvelle. Dommage.
Le Château du Dragon : Cette nouvelle, mélange de Fantasy et de SF, nous offre ici une histoire d’aventures qui permet à l’auteur de prolonger son immersion dans l’univers gandaharien. Un texte qui se lit bien au rythme haletant et sans temps morts avec son lot d’action et de rebondissements nous présentant un monde où la République a mis à mal la Royauté et où des groupes de brigands, à la Robin des Bois, cherchent à remettre le Roi sur son trône. C’est très divertissant.
Régression : Dans cette nouvelle l’auteur traite de nouveau du paradoxe temporelle, une famille voulant fuir la seconde guerre mondiale décide de revenir dans le passé, mais la machine s’emballe. Une histoire qui nous offre le portrait d’un jeune homme traumatisé et humain qui va, avec sa famille, se rendre compte que tout retour est impossible et qui offre ainsi des réflexion intéressantes sur les relations humaines ainsi que sur la science et ses conséquences.
L’Anniversaire du Reich de Mille Ans : Ce texte, uchronique, nous présente un monde qui a vécu 1000 ans de Reich comme le rêvait Hitler, mais que se passe-t-il après? Un texte plutôt sympathique et agréable, même si je l’ai trouvé un peu long, qui nous montre un monde sans évolution qui va se retrouver perdu et qui nous rappelle qu’une seule idée, qu’une seule vision n’aboutit pas toujours à quelque chose.
La Porte au Fond du Parc entre le cèdre et les chênes : De nouveau l’auteur traite du paradoxe temporelle et nous offre ici un texte poétique sur la relation ponctuelle, au fil des ans, entre un voyageur du futur et une fille qu’il croise lors de ses voyages. La construction du récit offre son lot de rebondissements, mais cette nouvelle est trop redondante avec Un Petit Saut dans le Passé ce qui l’empêche de s’épanouir. Dommage.
Rien qu’un Peu de Cendre et une Ombre Portée sur un Mur : Un texte poignant et glacial sur une petite fille qui a le pouvoir particulier, en se concentrant, de faire disparaitre ce qui lui fait peur. Un texte fort avec toujours en toile de fond cette capacité bien humaine de faire la guerre, détruire et où le sacrifice d’une inconnue va tout changer. La conclusion est vraiment réussie.
… Il Revient au Galop : Une nouvelle intéressante sur un sujet qui est important pour l’auteur, l’écologie, et qu’on retrouve régulièrement dans ses textes. Un récit qui nous dévoile un monde subissant une pluie torrentielle qui ne s’arrête jamais et où on suit une humanité impuissante qui se débat vainement. Un texte fort qui fait clairement réfléchir et bien porté par des personnages intéressants, dommage que certains aspects, justement dû à une forte montée des eaux, ne soit pas traités du tout.
Salut, Wolinski ! : Cette nouvelle nous plonge dans un monde ou la Liberté est devenue le nouveau créneau, ou chacun fait ce tout qu’il veut. Le héros de cette histoire, qui n’est autre que l’auteur, a donc décidé de tuer les gens qu’ils n’aiment pas et il n’aime personne que ce soit les riches, les pauvres, les étrangers, les intellos… Un texte cynique, violent, sanglant qui possède un message fort, mais qui m’a moyennement accroché, cherchant trop le côté choc.
Tout à La Main : La fin du monde est survenue et seul survivant probable l’auteur qui se terre chez lui entouré de coulées de boues brûlantes. Le héros se remémore alors les femmes qu’il a connues et ce qu’il a manqué, une sorte d’ode à la femme mais version trash, car notre héros se souvient d’elles surtout à travers la baise. Un texte qui, comme le dit l’auteur dans son explication, a fait un choc à l’époque traitant de la baise et de la masturbation, mais qui aujourd’hui se révèle, pour moi, juste sympathique principalement devant cette routine et finalement cette légère folie du héros, seul survivant qui classe sa vie comme on classe une bibliothèque.
Halte à Broux : Ce texte traite de soldats qui ont décidé de se poser dans un village et qui vont finalement regouter à la vie et la routine. Une nouvelle intéressante qui traite de la guerre, mais aussi des manipulations lors de l’entrainement des armées pour éviter que nos héros réfléchissent de trop, car finalement la réflexion est le pire mal d’une guerre pour un militaire.
Comme un Rêve qui Revient : Cette nouvelle traite d’un autre sujet qui est cher à l’auteur : les Dinosaures. Imaginez qu’ils reviennent? Un texte qui rappelle que nous ne sommes pas seuls sur cette planète, ce qu’il serait bon de ne pas oublier, surtout si on remonte dans le temps, qu’on n’est pas non plus l’espèce la plus haute dans la chaine alimentaire. Un texte efficace et surprenant.
Sur la Banquette Arrière : De nouveau l’auteur reprend le thème du paradoxe temporelle sur les origines et la généalogie déjà traité dans deux autres nouvelles précédemment ce qui donne, même si c’est traité de façon légèrement différente, de nouveau une impression de redondance surtout que ce texte me parait le moins bon des trois tout en étant situé à la suite des deux autres.
Comme une Étoile Solitaire et Fugitive : Cette nouvelle m’a paru être le stéréotype des histoires d’une certaine catégorie de SF des années 80 et 90, entre catastrophe nucléaire qui aboutit à des mutations génétiques et bien entendu à son lot de pouvoir psi. Je ne sais pas pourquoi j’ai un peu de mal à accrocher à ce genre de récits. Heureusement le tout est sauvé par un style plutôt efficace et par un rêve d’étoiles vraiment intéressant.
En Route pour la Chaleur ! : Après un texte qui nous présentait une Nature reprenant ses droits en faisant chuter des trombes d’eau cette fois c’est le froid qui vient attaquer les hommes. L’auteur nous présente donc une humanité à bout qui va, au fil du temps, devenir de plus en plus violente, perdant ainsi ses normes éducatives, une sorte de retour à l’état sauvage. Une nouvelle sympathique mais qui parfois, selon moi, manquait d’informations sur certains points.
Épilogue Peut-être : Une nouvelle qui aurait pu servir de conclusion au récit où l’auteur nous présente la finalité de l’espèce humaine, de la Terre qui est en définitive, quoi qu’il arrive, de s’éteindre de se déchirer. Un texte intéressant, mais qui est, selon moi, un peu trop long.
Le Monde Enfin : Cette nouvelle nous fait suivre une vieil homme se déplaçant à cheval dans un monde où les hommes disparaissent et la nature reprend doucement ses droits. Un ultime voyage d’un vieillard vers son « cimetière des éléphants ». Sûrement la meilleure nouvelle du recueil selon moi, porté par des descriptions magnifiques d’une planète renaissante et qui offre une critique toujours aussi efficace et acerbe sur l’utilisation de la technologie par les hommes qui, au lieu de savoir profiter, en abusent. Une histoire qui prend son temps à travers ce vieillard qui profite de chaque instant. Un récit mélancolique et pourtant poignant et passionnant.
La plume de l’auteur se révèle vraiment simple, parfois crue et souvent captivante et prenante cherchant à faire passer son message de façon surprenante entre sexe, violence et apocalypse. Il réussit vraiment à happer le lecteur à travers la mise en place de son histoire, son univers et aussi dans ses descriptions, par contre j’ai trouvé qu’au niveau des dialogues il a un peu de mal se révélant souvent un peu plat servant plutôt de simple moyen d’informations. Les différents récits sont portés clairement par une imagination souvent débordantes et traitants de sujet qui, encore aujourd’hui, se révèlent d’actualité montrant clairement que l’auteur était parfois un peu visionnaire. Les explications de l’auteur en fin de texte apporte aussi une lumière intéressante sur chaque nouvelle. Dans l’ensemble un bon recueil représentatif des nouvelles de l’auteur même si c’est vrai certaines ne m’ont pas accrochées. Je regrette par contre cette impression de répétition donnant l’impression, parfois, de lire la même nouvelle plusieurs fois, mais de façon légèrement différente.
En Résumé : J’ai passé un bon moment avec ce recueil de 22 nouvelles de Jean-Pierre Andrevon qui présente un large panel de ce que peut proposer l’auteur au niveau de la SF. Des textes souvent forts, percutants qui traitent de sujets qui sont chers à l’auteur tel que l’écologie, les dinosaures ou encore la politique. Alors certes, toutes les nouvelles ne m’ont pas autant accrochées, mais dans l’ensemble je suis plutôt content de ma lecture. Je trouve juste dommage par contre la répétition de certaines idées, ce qui rend certaines nouvelles un peu trop redondantes. Une lecture efficace pour les lecteurs qui pourraient être intéressés par une SF engagée et percutante du début à la fin, même si parfois quelques textes ont mal vieillis selon moi, et un recueil intéressant pour qui veut découvrir l’auteur.
Ma Note : 7,5/10
Autres avis : koré, …