Étiquette : christian chavassieux

Les Nefs de Pangée – Christian Chavassieux

les nefs de pangeeRésumé : Pangée, terre immense au milieu de l’océan unique, continent de terre sèche et d’embruns où vit le peuple de Ghiom, dont l’histoire, en ce jour de la dixième chasse à l’Odalim, bascule.
Les Grands de Pangée ont parlé : le monstre marin doit mourir. Pour la paix. Pour l’ordre. Pour la promesse d’une nouvelle ère faste à venir, dans ce monde rongé par les mésalliances et les guerres fratricides.
Pourtant, quand les Nefs s’engagent sur l’Océan, une seule question demeure : si la traque échoue, si l’Odalim survit, si l’union faillit, les enfants de Pangée se dévoreront-ils ? Cette dixième chasse ne serait-elle alors qu’un chant du cygne ?

Edition : Mnémos

 

Mon Avis : En ce début d’année 2015 je m’étais lancé à la lecture d’un autre roman de l’auteur, paru aussi chez Mnémos, Mausolées, qui m’avait offert un très bon moment de lecture avec un récit post-apocalyptique surprenant, différent et efficace (ma chronique ici). C’est donc sans surprise que, quand j’ai vu que l’auteur proposait en cette rentrée un nouveau roman, récit de Fantasy, je me suis retrouvé rapidement tenté. Il faut aussi bien l’admettre, même sans cela, la couverture, qui est la représentation d’un tableau de John Martin que je ne connaissais pas, donne clairement envie de découvrir ce livre et, ajouté au quatrième de couverture accrocheur, j’aurais de toute façon craqué.

On plonge avec ce roman dans le monde de Pangée, le peuple de Ghiom subit alors un terrible affront, la neuvième chasse n’a pas pu tuer l’Odalim comme le veut la tradition, annonçant ainsi 25 ans de difficultés ; jusqu’à la prochaine chasse. Les peuples décident donc de s’allier pour éviter un nouvel échec avec la dixième chasse et aussi d’envoyer la plus grande flotte jamais formée. Sauf que cette chasse va alors dévoiler des enjeux beaucoup plus sournois et des bouleversements que personne ne présageait. Annoncé comme cela le récit possède un petit air de Moby-Dick, ce qui ne me parait pas usurpé, mais ne va pas s’arrêter là, car l’auteur s’offre bien plus qu’une simple réécriture Fantasy de ce récit. En plus de nous proposer cette chasse qui va se révéler épique, héroïque, sanglante, le combat des habitants de Pangée face à la force de la nature, l’histoire va aussi développer de nombreux autres points qui vont agiter cette société. Que ce soit l’abandon des traditions au profit d’un changement brutal vers une économie de marché, la disparition d’une société égalitaire au profit d’une société pyramidale créant ainsi de nouvelles inégalités, le rejet des autres, ces sujets apportent encore plus de complexité et de densité à un texte qui se révèle déjà épique et entrainant. Je me suis ainsi retrouvé happé par cette fresque fascinante, sur près de 50 ans, de ce peuple qui ne peut que nous faire réfléchir face aux nombreux changements qu’ils vont rencontrer, mais qui nous happe aussi par cette chasse à la fois âpre, nerveuse, pleine de sacrifice et de violence. Un récit qui oscille ainsi entre réflexion et action, sans jamais se perdre ou ennuyer son lecteur.

L’univers que nous propose l’auteur se révèle véritablement dense, mais aussi vraiment surprenant, principalement dans le dernier tiers, par certains aspects que l’auteur amène et que je vous laisse découvrir, pour éviter de vous spoiler, mais que j’ai trouvé vraiment passionnant. Ce continent entourée d’une mer unique s’avère ainsi clairement intéressant à découvrir et offre un décor soigné. J’ai été rapidement captivé par cette civilisation, que ce soit par ses us et ses coutumes, sa politique, ses traditions, sa mythologie mais aussi son langage ; Christian Chavassieux a vraiment créé un peuple unique, certes d’une certaine façon proche du nôtre, mais qui pourtant s’en détache par de nombreux aspects. Les nombreux changements qui vont ainsi être engendrés par ce besoin d’évoluer, de ne pas vouloir stagner, d’oublier des rites ancestraux sauvages, sont amenés de façon logique, cohérente, poétique voir même par moment philosophique, le tout sans jamais trop en faire, s’intégrant au récit de façon fluide et efficace. Il n’oublie pas non plus, comme je l’ai dit, de nous faire réfléchir, tant certains passages ne sont pas sans rappeler, d’une certaine façon, notre société, son évolution, son changement. C’est un peu ça que propose finalement l’auteur, un souffle de transitions importantes qui pose des questions et où la chasse y trouve son point central, cette bataille annonciatrice de l’évolution. Sauf que voilà l’auteur arrive même à nous surprendre, prenant par moment le lecteur à contre-pied. Le tout est porté par des descriptions qui ne manquent pas de densité, de lyrisme et donnent clairement envie de découvrir ce monde, ses particularités et ses mystères, mais aussi cette mer qui prend rapidement de l’importance, se révélant limite un personnage à part entière, principalement, c’est vrai, par ces êtres titanesques qui fascinent et que sont les Odalim que je vous laisse rencontrer.

Concernant les personnages, l’auteur nous offre un panel de protagonistes assez large, tous se révélant, d’une certaine façon, un élément important pour les bouleversements que va rencontrer ce monde. Chacun d’entre eux possède ainsi sa propre personnalité, ses propres convictions, ses propres envies et vont ainsi se révéler denses, soignés et travaillés. La grande force de chacun est aussi de ne jamais tomber dans le manichéisme, certes certains paraissent plus « détestables » que d’autres, mais on se rend vite compte qu’ils possèdent des raisons à cela, ils ne sont pas simplement méchants ou gentils pour remplir une case, ce qui fait que, d’une certaine façon, on comprend chacun des personnages qu’on rencontre, que ce soit dans leurs folies, leurs forces, leurs lâchetés, leurs projets etc… et on les accepte. L’auteur n’oublie pas non plus de leur offrir un passé, une histoire, ce qui permet de mieux assimiler et comprendre leurs évolutions. Après on pourrait peut-être regretter une certaine froideur qui se dégage de l’ensemble, la faute a deux raisons selon moi, le nombre important de personnages qui fait qu’on passe de l’un à l’autre, parfois rapidement, et aussi la narration dans le style « chronique », ce qui offre une certaine distanciation et qui joue parfois légèrement dans les moments à fortes émotions. Mais bon rien de non plus bien méchant tant chacun s’avère intéressant à découvrir et parait maîtrisé.

Alors après il y a, pour moi, quelques imperfections, rien de bien méchant tant j’ai été emporté et captivé par ce récit, mais voilà je dirai que, sur certains passages, ce roman aurait mérité d’être plus long. Que ce soit certaines ellipses temporelles frustrantes, tant tout parait arriver d’un coup, ou une fin un peu trop rapide dans sa résolution, je pense que si l’ensemble avait fait 50 ou 60 pages de plus, cela aurait rendu l’ensemble encore plus efficace, même si, je me doute bien, il y a le risque de perdre ou d’ennuyer le lecteur à trop vouloir traîner. Concernant la plume de l’auteur elle se révèle vraiment poétique, entrainante, dense et propose aussi de nombreuses références, de Flaubert à Hugo (j’avoue ne pas toutes les avoir vus), qui permet de faire ressentir toute sa passion pour le style, qui d’ailleurs happe vraiment le lecteur très rapidement. Alors c’est vrai, parfois il en fait un peu trop, mais ce ne sont que des broutilles, tant l’ensemble parait maîtrisé et entrainant. En tout cas l’auteur confirme tout le bien que je pensais de lui après ma lecture de Mausolées, offrant un récit épique, une fresque fascinante et entrainante. Je lirais sans soucis d’autres de ses écrits.

En Résumé : J’ai passé un excellent moment de lecture avec ce récit de Fantasy qui nous propose de découvrir une chasse épique, héroïque, nerveuse face à un être titanesque sournois et intelligent. Mais voilà l’auteur ne s’arrête pas à cette simple réécriture de Moby Dick, il nous offre aussi un travail profond et dense sur les bouleversements que vont rencontrer ce peuple, proposant ainsi de nombreuses réflexions, qui ne sont pas sans rappeler notre société, mais aussi de nombreux rebondissements et de surprises. Une intrigue passionnante et qui a réussi à me happer rapidement et facilement. L’univers développé tout du long se révèle être un des points forts du récit, s’avérant passionnant à découvrir dans sa complexité et la découverte de ces régions et de peuple qui nous ressemble et qui est pourtant différent et unique, le tout porté par des descriptions magnifiques. Les personnages ne manquent pas non plus d’intérêt, à la fois travaillés, loin de tout manichéisme et dont on s’intéresse assez rapidement à leurs évolutions et leurs aventures, je regretterai juste par moment un certain manque d’émotion, mais rien de bien gênant. Mon seul regret vient du fait que, pour moi, le roman est très court tant certaines ellipses temporelles frustre et la fin ‘a paru trop rapide, rien de bien gênant et je me doute qu’il est jamais facile de trouver le juste milieu sans ennuyer le lecteur. La plume de l’auteur se révèle riche, poétique et entrainante offrant ainsi un récit qui m’a fasciné. Je lirai sans soucis d’autres écrits de l’auteur.

 

Ma Note : 8,5/10

 

Autres avis : Lune, …

Mausolées – Christian Chavassieux

mausoleesRésumé : Descendu d’un ferrail brinquebalant, Léo Kargo pose son sac à Sargonne, une commune libre de l’Europe Ralliée établie après les terribles Conflits dont les destructions massives sont encore dans les mémoires de tous. L’un des hommes les plus célèbres de son temps, le richissime et controversé Pavel Adenito Khan l’a recruté pour s’occuper de son immense collection de livres, l’une des dernières bibliothèques au monde.
Mais Kargo comprend rapidement que son embauche ne doit rien au hasard. Inquiet, il enquête… Et les questions, les rumeurs, nombreuses, surgissent… À propos des livres atteint d’une mystérieuse lèpre, sur la séduisante Danoo Forge, l’assistante du milliardaire étrangement surnommé le Diable. Et qui est cette fascinante et dangereuse Lilith, mi-femme, mi-machine qui rode dans la cité ?
Dans cette quête, hantée par le souvenir d’une science déréglée et la folie guerrière des hommes, Kargo trouvera bien plus que des réponses. Il rencontrera un destin poignant, le sien et le chaos, celui du monde.

Edition : Mnémos

 

Mon Avis : Je me suis laissé tenter par ce livre un peu par hasard je dois bien avouer. Il faut dire que les éditions Mnémos ont l’habitude de sortir des romans qui sortent un peu de l’ordinaire, je m’arrête donc régulièrement devant leurs nouveautés. C’est comme ça que je me suis retrouvé avec Mausolées entre les mains qui m’a rapidement accroché par son quatrième de couverture intrigant et aussi par une couverture, illustrée par Akalikoushin, qui possède un petit air sombre, hachée et entraînante. Puis, comme souvent, il a traîné dans ma PAL, ne sachant pas quand vraiment le commencer. J’ai donc décidé il y a peu de lui laisser sa chance et ainsi pouvoir me faire mon propre avis.

On découvre ainsi Léo Kargo qui voit sa vie complètement chambouler le jour où il est embauché pour aller travailler pour le milliardaire Pavel Khan, aussi surnommé le « diable » pour ses actions durant les nombreuses guerres civiles lors de l’effondrement de la civilisation, à gérer une des rares bibliothèques qui existent encore.  Il va rapidement se rendre compte que sa présence n’est pas obligatoirement un hasard et va se retrouver au milieu de quelque chose qui va complètement le dépasser. Il est difficile de classer ce roman, oscillant entre histoire humaniste, thriller, travail sur une société qui s’auto-détruit, roman d’aventures voir même drame philosophie, l’histoire se retrouve vraiment à brasser les genres pour le plus grand plaisir du lecteur. En tout cas une chose est sûre c’est qu’il est loin de m’avoir laissé indifférent même si, une fois la dernière page tournée je ne m’attendais pas vraiment à cela. Rien de péjoratif dans ma phrase, simplement l’auteur a réussi à me surprendre avec un récit complètement différent des attentes que j’avais en l’ouvrant. En tout cas on plonge ici dans un monde post-apo au rythme lent, tendu, rempli de sous-entendus qui se révèle accrocheur.

Déjà la première chose qui marque ici c’est l’univers qui nous est dépeint lentement au fil des pages et des révélations. En effet on plonge dans un monde qui se relève doucement de nombreuses années d’instabilités, de guerres et de violences. Les pays et les frontières se sont complètement redessinées, la mort à fauché des millions de vies, de nombreuses armes ont été misent à profit et ont fortement modifiées les règles et la vie des hommes. L’humanité a du mal à remonter la pente, oscillant entre acceptation d’une mort certaine, poussant le principe d’écologie à son paroxysme et reniant en partie les sciences qui auraient aidé à la mort lente de cette planète et un besoin de survie acharné. Il faut dire que les armes employées ont fait de nombreux dégâts, qu’ils soient passés, mais aussi encore dans le présent et voir même pour l’avenir de l’Homme. Pourtant quand on plonge dans cet univers on ne sent pas tout de suite ce côté sombre, la vie semble paisible, certes on y ressent parfois un certain sectarisme mais rien ne laisse transparaître cette implosion des pouvoirs. L’auteur égrène ainsi ses révélations au fil des pages, dévoilant ainsi peu à peu une image loin d’être idyllique, mais qui pourtant se révèle cohérente, collant parfaitement à notre présent. L’Europe a ainsi laissé place à des villes-états gouvernées par une Fédération lointaine. Pourtant malgré cette impression de calme, la violence et l’oppression sourde au fil de la lecture. Un univers qui se révèle ainsi à la fois intimiste, on bouge finalement très peu, et aussi dense et complexe à travers les informations que nous offrent les personnages. Il pourra rebuter peut-être par sa violence et une certaine haine, mais j’avoue avoir été happé par le monde que développe l’auteur, qui ne laisse pas indifférent et nous force à réfléchir.

L’autre point fort du roman vient clairement des personnages qui nous sont proposés au fil du récit. Il faut dire qu’il n’y en a pas obligatoirement beaucoup, ce qui offre ainsi un panel assez large et surtout développé de protagonistes qui ne manquent pas de se révéler humains, avec leurs failles et leurs forces, qui doivent réagir et évoluer dans un monde où tout n’est pas parfait mais qu’ils cherchent, selon leurs propres point de vues, souvent divergents, à modifier, à rendre meilleur. L’autre aspect vraiment intéressant vient du travail de fond psychologique que propose l’auteur avec de nombreux questionnements et de nombreuses réflexions efficaces que ce soit sur la quête identitaire,  les secrets qui rongent chacun d’entre eux, l’amour, la haine, la filiation ou bien encore la quête de vengeance. L’ensemble est aussi exacerbé par un cadre qui se révèle fermé, un peu comme une « cocotte » qui fait que l’ensemble des héros montent lentement en pression, pour un final des plus sanglant et explosif. On sent aussi au travers de nombre de personnages croisés une humanité à bout de souffle, qui se sait condamnée et qui se débat du mieux qu’elle peut pour s’en sortir ce qui, je trouve, ajoute un vernis très intéressant à l’ensemble.

Un aspect qui m’a aussi accroché c’est cette ambiance très proche du livre, des histoires, de la littérature avec toute cette quête autour de la bibliothèque, de la connaissance qu’il faudrait perdre ou non en fonction de l’évolution de la vie, qu’il faut transmettre au non aux générations futures pour leur permettre d’apprendre ou d’évoluer. Il y a une vraie problématique développée là-dessus et qui ne manque pas d’attrait et se révèle soignée. Après j’ai quand même un léger regret concernant ce roman c’est sa conclusion. Pas qu’elle soit mauvaise, non, elle se révèle agréable, ouverte pour permettre au lecteur de se faire sa propre idée et de continuer à maintenir certaines réflexions ouvertes, mais voilà j’ai trouvé que l’ensemble était amené de façon un peu frustre et surtout un peu rapide, principalement dans certaines révélations. Comme si l’auteur balançait certaines réponses parce qu’il est obligé de le faire pour son récit. Ce n’est en rien bloquant mais j’ai trouvé cela légèrement frustrant tout de même. J’ai aussi trouvé le personnage principal un peu trop inactif, baissant trop rapidement les bras à mon goût.

La plume de l’auteur se révèle clairement enlevée, soignée, élégante, offrant au récit par moment une certaine pointe de poésie, tout en n’oubliant pas qu’il se trouve dans un univers sombre, sanglant, guerrier, ce qui pourrait peut-être déranger certains lecteurs, mais qui je trouve colle parfaitement au récit. Au final je suis content d’avoir sorti ce livre de ma PAL qui m’a offert un récit surprenant, plus dans la profondeur psychologique et de réflexions que dans l’action, mais qui m’a accroché et s’est révélé passionnant. Je lirai sans soucis d’autres écrits de l’auteur.

En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec ce livre qui nous propose une histoire post-apocalyptique assez surprenante, loin du thriller qui se laissait présager à la lecture du résumé, mais offrant plus une réflexion soignée et efficace sur l’humanité et sur l’Homme. L’univers se révèle vraiment efficace, sombre, dévoilant une humanité agonisante dans un monde qui sort d’une guerre intestine des plus destructrices. Les personnages se révèlent vraiment soignés, humains développant des thématique vraiment efficaces et intéressantes comme par exemple sur la haine, la vengeance, l’identité et d’autres encore. Le tout est porté par une plume élégante, poétique, soignée qui ne manque pas d’élever le récit tout en collant parfaitement à l’ambiance sombre et oppressante qui se dégage. Je regrette juste que la conclusion donne plus l’impression de balancer certaines réponses qu’autre chose et aussi le personnage principal qui se replie trop rapidement sur lui-même, mais rien de non plus bloquant. En tout cas un roman que j’ai trouvé réussi et je lirai sans problème d’autres récits de l’auteur.

 

Ma Note : 8/10

© 2010 - 2024 Blog-o-Livre