Résumé : A l’heure du maccarthysme, Hollywood est le théâtre d’une lourde rivalité. Pour supplanter Disney, le patron de la Warner Bros projette d’adapter sur grand écran Ma mère d’oie, un recueil de contes et légendes urbaines dont les Américains raffolent. C’est à Jack Sawyer, scénariste obscur, que revient la mission d’enquêter sur l’auteur, Daryl Leyland, et de « nettoyer » sa biographie, rectifiant au passage tout ce qui heurterait le conformisme moral et politique.
Edition : Alma
Poche : 10/18
Mon Avis : Xavier Mauméjean fait partie des auteurs que je lis et découvre avec grand plaisir à chaque fois, proposant régulièrement une plongée dans une histoire prenante et qui ne manque pas de finesse. Cette fois ci j’ai donc décidé de me lancer dans ce American Gothic dont j’entends énormément parler en bien. J’en ai tellement entendu parler qu’il a fait parti de ces livres dont on a un peu de mal de sortir de sa PAL, de peur de ne pas avoir le même ressenti général. A noter une illustration de couverture que je trouve sobre et très sympathique.
Ce roman nous emmène ainsi aux Etats-unis au milieu du 20ème siècle, le studio ciné de la Warner ayant décidé pour concurrencer le succès du film Le Magicien d’Oz de réaliser une adaptation des contes de Ma Mère L’Oie, et plus précisément la version de Daryl Leyland. Pour permettre cela et pour éviter tout scandale, une enquête est menée sur l’auteur pour nettoyer sa biographie. C’est cette enquête que l’on suit au fil des pages, à travers de nombreux rapports, interviews et messages qui vont définir l’icône qu’est Daryl Leyland pour les américains. Sauf que voilà, une fois la dernière page tournée je dois bien avouer que je me suis demandé comment j’allais rédiger ma chronique. Posons déjà les bases, j’ai énormément apprécié ce roman, une très grande lecture, mais voilà l’ensemble se révèle un tel patchwork et surtout le feeling reposant sur chaque lecteur, la façon dont il rentre dans cette histoire, il me parait ainsi difficile de franchement pouvoir expliquer et surtout « vendre » mon ressenti. On va essayer quand même.
Pourtant, le récit n’a rien de compliqué, on ne se lance pas dans un roman au sujet ardu et pointu qui pourrait rebuter. Non, ici on est dans le témoignage, la construction de la personnalité de Daryl Leyland auteur connu et reconnu, avec son compère et ami Max Von Doren, des contes qui ont véritablement bouleversé l’Amérique et se sont posés comme référence dans le pays. Une sorte de biographie à la fois fascinante et étrange qui vient dévoiler un personnage ambigu, à la fois génie, faussaire, monstre et innocent. Chaque chapitre apporte ainsi un nouveau fragment au « héros » qui devient ainsi de plus en plus dense, de plus en plus complexe et qui surtout gagne une vie propre. On découvre ainsi au fil des pages un peu le rêve américain avec ce héros qui vient d’une famille moyenne, pas obligatoirement aimé de ses parents, qui a connu de grands traumatismes et de grandes souffrances, que ce soit par exemple à travers son enfance à l’Orphelinat ou encore la première guerre mondiale, et qui a réussi à s’élever pour devenir l’un des plus grands écrivain américain.
Sauf que voilà, rien n’est jamais simple, de nombreuses zones d’ombres sont aussi présentes dans l’histoire de Daryl, des images discordantes, étranges, disséminées au fil des pages qui font que le lecteur se questionne de plus en plus. Qui est-il vraiment? Quel est son grand projet, son grand dessin? Est-il réellement ce grand prodige que tout le monde voit, ou bien simplement un grand enfant dont le côté sombre transparaît dans ses contes. On découvre ainsi un héros à la fois fascinant, étrange et mystérieux qui ne laisse pas indifférent et dont chaque lecteur devra tirer sa propre conclusion tant les histoires racontées sur lui paraissent toujours un peu biaisées. Il devient ainsi un peu personnage de conte, dans son ambiguïté, dans son questionnement, dans la morale qu’il soulève. Son compère n’est pas non plus en reste tant Max Von Doren oscille lui aussi du génie de l’image au simple copieur d’oeuvres, un personnage énigmatique dont on a du mal à en définir l’intérêt ou la folie. Cela soulève ainsi de nombreuses questions sur la véracité et la profondeur d’une biographie, de la vie d’un personnages qui dépend de points de vues tous faussés les uns les autres par les émotions. Situer ainsi le récit en pleine période du Maccarthysme n’est donc pas anodin.
De plus l’intérêt du récit vient aussi franchement, je trouve, dans ce jeu de faux semblants que propose l’auteur, mélangeant ainsi des fait réels avec des aspects totalement imaginaires. Surtout que l’auteur glisse aussi de nombreuses références, discrètes ou non, que ce soit sur les contes, l’imaginaire et autres, et qui ne manquent pas de titiller le lecteur. On se lance ainsi dans une sorte de jeu de piste, tentant de déconstruire, pour reconstruire et dévoiler la vérité historique de l’ajout. Surtout que l’ensemble est tellement bien amené, construit, que tout parait cohérent, réel, palpable. On a clairement l’impression que l’ensemble qui nous est conté a vraiment existé. American Gothic offre aussi une lecture qui se veut un minimum exigeante, où le lecteur ne reste pas obligatoirement passif, devant de lui-même s’investir pour construire le récit, ce qui je trouve offre un vrai plus.
Le travail de l’auteur se révèle aussi fascinant dans la palette de personnages construite autour, ces multitudes de voix qui viennent parler de Daryl et se révèlent toutes uniques, captivantes, fascinantes, et qui collent parfaitement au récit, mais qui surtout nous offre une image de l’Amérique finalement attendu et pourtant profonde et soignée. C’est d’ailleurs un des autres points intéressants du livre, cette construction en fond des USA qui elle aussi joue de faux-semblants. Pays patchwork lui aussi, qui fait donc écho au héros et aux contes. Il y a ainsi une véritable fascination qui se dégage pour ce pays jeune, que ce soit d’un point de vue de l’Histoire comme des la mythologie et des contes et qui se construit. Ce ressenti se voit d’ailleurs clairement avec le point de vue du traducteur français qui lui possède plus une vision des contes européens. On y retrouve aussi tout cet aspect très « cinématographique » comme par exemple dans la représentation de la mafia, de la grandeur du pays et d’autres encore. C’est d’ailleurs aussi, je pense, parce-que ce pays est jeune que se dégage une certaine liberté et une certaine noirceur, un côté sanglant et violent qui se dégage de ces contes de Ma Mère l’Oie. Cela se ressent aussi dans la période présentée, où le Maccarthysme et ses casses aux « sorcière » sont en pleine explosion. L’ambiance se révèle ainsi à la fois candide et dérangeante, jouant sur le fait que j’ai tourné les pages facilement avec l’envie d’en découvrir plus.
Je ne suis pas sûr d’avoir réussi à mettre en avant dans cette chronique ce qui ressort clairement de ma lecture tant il s’agit d’un mélange à la fois complexe et captivant, où chacun se fera son propre avis et son propre ressenti. Que ce soit mélange des genres, mélange des styles dans les différents témoignages et contes, ou bien encore des mélanges plus profonds qui transparaissent dans les différents personnages, les différentes révélations. On sent aussi que l’ensemble est clairement maîtrisé de la première à la dernière page et je dois bien avouer que je ne me suis pas ennuyé un seul instant avec ce roman qui nous manipule pour mieux nous captiver. Une excellente découverte.
En Résumé : J’ai passé un excellent moment de lecture avec cet American Gothic, et pourtant il est difficile de le chroniquer tant je pense il dépendra de chacun. Ce roman est un véritable Patchwork nous proposant de découvrir, à travers témoignages et retours, Daryl Leyland auteur avec Max Von Doren des contes de Ma Mère l’Oie. On découvre ainsi un personnage à la fois étrange et surprenant dont on ne sait pas s’il s’agit d’un génie ou s’il est fou. Représentant un peu de ce rêve américain, on va aussi se rendre compte qu’il possède une zone plus sombre. J’ai ainsi été fasciné par cet icône ainsi que son compère qui ne manque pas d’intriguer aussi. Mais surtout c’est dans le jeu de faux-semblants que l’auteur réussi à happer je trouve, dans cette sorte de réécriture de l’histoire, mélange de faits historiques et d’invention. On découvre aussi en fond une Amérique à la fois fascinante et imagée, qui ne manque pas de rappeler certains films, et qui pourtant est palpable, captivante. Un pays jeune en pleine construction qui se cherche une mythologie. L’ambiance à la fois candide et angoissante colle aussi parfaitement au récit. Au final ce roman propose un mélange complexe, aux nombreuses clés de lecture, dont chacun se fera son propre avis, son propre ressenti. Moi j’ai passé un excellent moment avec ce récit maîtrisé du début à la fin et où l’auteur joue avec le lecteur et avec les styles.
Ma Note : 9/10