Ravage – René Barjavel

Résumé : Nous sommes en 2052, au cœur de Paris ; la ville, futuriste, bourrée de technologie, se trouve soudain coupée d’une ressource plus que vitale, l’électricité. De cette panne résultera l’effondrement brutal de la civilisation. Commence alors un récit d’apocalypse.
François, un étudiant en chimie agricole accompagné de son amie d’enfance Blanche qu’il aime en secret, prend l’initiative de former un groupe de femmes et d’hommes dans l’optique de fonder une nouvelle civilisation basée sur le retour à la terre (sans technologie). Avec le groupe, il décide de rejoindre la Provence, son village natal où ses parents et de braves paysans vivent encore à l’ancienne. Mais le voyage sera long et douloureux dans l’enfer d’un monde en ruine, François et ses compagnons devront affronter la chaleur torride, la faim, la soif et la sauvagerie des hommes.

Edition : Audible

 

Mon Avis : René Barjavel est considéré comme l’un des auteurs français de Science-Fiction les plus influent au point d’être étudié à l’école. La Nuit des Temps fait d’ailleurs parti régulièrement des chef-d’oeuvre du genre à lire et à découvrir selon de nombreuses listes. Pour autant, de mon côté, je n’ai lu que Le Grand Secret quand j’étais adolescent et dont, de mes vagues souvenirs, je me rappelle un bon moment de lecture.  Profitant donc de ma plongée depuis quelques mois dans les audiobooks qui me permettent d’écouter, ou réécouter, des classiques, j’ai décidé de découvrir plus en profondeur l’oeuvre de l’auteur. J’ai d’ailleurs longtemps hésité entre découvrir La Nuit des Temps et ce Ravage. Finalement le hasard a choisi et ce fût Ravage. Concernant la narration de Bertrand Suarez-Pazos, je l’ai trouvé fluide, agréable et efficace.

Ce roman nous plonge dans un futur proche, 2052 pour être exact, le monde a connu un boum technologie et Paris s’est transformée en ville gratte-ciel. Les êtres humains sont devenus de plus en plus assistés par la science et les machines. Pour autant, un jour, un évènement inconnu va mettre à mal toute la technologie qui va s’effondrer. Cette catastrophe va tout bouleverser et l’Homme va se retrouver face à lui-même. François Deschamps, qui était monté sur Paris pour voir une amie et aussi pour découvrir les résultats de son concours pour une école, va alors prendre les choses en mains et, avec un groupe de survivants, décide de rejoindre la Provence et son village natal. Alors, autant le dire tout de suite, j’ai eu énormément de mal avec ce roman, qui n’a jamais réussi à me captiver un minimum, que ce soit dans la construction de son récit, son univers ou bien encore ses nombreuses réflexions. Je ne sais pas si cela vient du fait, aussi, que Ravage était présenté comme un classique, étudié même dans de nombreux collèges, mais en tout cas, pour ma part, j’ai trouvé ce roman bancal, manquant aussi de profondeur, de soin et se révélant inintéressant.

Alors, je ne rentrerai pas dans l’analyse des origines du roman. Je ne sais pas si l’auteur avait un lien avec le Pétinisme et l’occupation, influençant ainsi son idée de retour à la terre prôné dans son roman, mais de nombreuses personnes ont déjà donné leur avis. Je vais simplement me contenter d’expliquer mon ressenti face à l’oeuvre. La première partie, celle avant « l’apocalypse », sert de base pour développer la vision du futur de l’auteur. Alors, je ne vais pas le nier, l’auteur avait anticipé plusieurs aspects intéressants et certaines de ses critiques auraient pu se révéler pertinentes. Ainsi que ce soit sur la notion d’OGM, de nourriture modifiée ou encore d’abandon de la nature au profit de la science et la technologie il y avait le potentiel, surtout que le sujet est depuis quelques temps tellement d’actualité.

Pourtant, très vite, on se rend rapidement compte que le ton donné à cet univers, tout du moins de mon point de vue, fera que je n’accrocherai jamais. Ainsi je me suis rapidement rendu compte que cette vision futuriste était une caricature, permettant clairement à l’auteur de mettre en avant son parallèle avec le retour à la terre de ce roman. En effet tout est fait pour montrer que cet avenir est  d’une certaine façon « horrible », en bout de vie et le tout, sans aucune finesse. Que ce soit à travers une critique manichéenne, des aspects improbables, ou un besoin constant de le décrédibiliser, cela rend finalement toute réflexion creuse, vu que le récit ne construit rien, rabaissant simplement un aspect pour mettre en avant l’autre. Ensuite, certes, l’auteur à un imaginaire faste, pour autant était-il obligé de vouloir tout mettre dans son univers ? Je veux dire c’est quoi cette idée de morts à peine développé, creuse, et reposant sur une thématique contradictoire au récit. De plus, elle n’a quasi aucune utilité, mise à part rajouter une péripétie à l’apocalypse. Je ne parlerai même pas du côté politique, il n’est discuté que sur un seul chapitre, présenté comme une farce et tout aussi vite oublié. Au final j’ai eu l’impression d’une esquisse bâclée, creuse et grotesque.

Vient ensuite l’apocalypse en elle-même et là j’avoue, si j’étais un tant soit peu accroché au récit, j’ai en grande partie déconnecté. C’est bien simple cette grande catastrophe n’a aucune construction logique. Il s’agit simplement d’un acte divin qui parait complètement magique et qu’il faut obligatoirement accepté. Hors je ne suis pas fan de Deus Ex Machina, surtout quand il permet un peu tout. Ainsi ici l’électricité ne fonctionne plus ET les armes feux non plus, le métal explosant sous la pression. C’est tellement facile et pratique. Personnellement il vaut mieux alors tenter de ne rien expliquer que d’offrir des pseudo-explications vides d’intérêt. Surtout que l’auteur en rajoute des tonnes avec des passages complètement inutiles comme cette guerre sur le contient Américain. Il existe de très bons récits catastrophes ou post-apo, qui le font sans jamais tenter d’expliquer les causes de l’apocalypse. Mais voilà, ici, l’auteur cherche à amener des explications, pour finalement dire que personne ne sait rien, c’est stérile. Il faut dire que j’ai eu l’impression qu’il avait plutôt une idée derrière la tête, montrer que les scientifiques en voulant jouer à dieu sont, d’une certaine façon, punis. Cela se ressent avec cette scène où on découvre le plus grand scientifique du pays, traité comme une divinité par ses partisans, qui annonce son incompréhension à la foule et qui vont alors le faire tomber de son piédestal de façon violente et sanglante ; le peuple étant tombé dans la folie face à la perte de son « faux guide ». Au final cette catastrophe n’est qu’une grosse facilité avec des ficelles énormes, qui permet à l’auteur de basculer le récit dans son aspect catastrophe, avec le développement de son idée de retour à la nature et au respect de la terre.

La suite devient alors assez classique dans ce genre de romans où notre héros va donc sauver sa dulcinée, monter un groupe de survivants et tenter de rejoindre la Provence pour y rebâtir la civilisation. François se transforme donc en sauveur, en guide pour les pauvres hères qui se sont perdus et ne sont plus capables de rien. Lui, il sait ce qui doit être fait, même s’il faut se salir les mains pour cela. Notre héros, en bon sauveur qu’il est, va donc aligner les choix les plus débiles qui soient. Attention je dis bien débiles, je n’argumente pas sur le fait qu’ils sont des choix détestables, certains le sont clairement, mais le côté apocalypse peut y amener une explication. Non je parle de choix incompréhensibles qui ne sont là que pour montrer la force de caractère du héros, même si pour cela il doit amener à la mort une grande partie de son groupe. Le pire, il n’y a jamais un seul moment de remise en question, de contestation, de doute, que ce soit les personnages principaux comme les autres membres du groupe. On pourrait croire qu’ils sont tous fascinés par François, tous en béatitude, hors pourtant rien ne le laisse croire, ils sont juste niais et vide, acceptant tout ce qui arrive simplement parce-que l’auteur le souhaite.

D’ailleurs on pourrait faire un point personnages, c’est bien simple, à part François il n’y a personne d’un tant soit peu développé et intéressant à découvrir. Blanche débutait bien, j’espérais une jeune fille qui cherche à s’évader du carcan qui lui est imposée, mais une fois la catastrophe arrivée et que notre héros l’ait sauvée et embrassée de force, l’héroïne tombe alors sous le charme et disparait purement et simplement de la narration pour n’être plus que la compagne du héros. D’ailleurs du point de vue des personnages, le livre a un peu mal vieilli se révélant assez sexiste voir misogyne, aussi sur la fin quand on parle de rebâtir la société et que les hommes, pour cela, doivent avoir plusieurs femmes, par contre l’inverse on repassera.

Autre point fascinant avec ce roman, l’approfondissement dans cette partie du vide de l’univers. En effet dans cette phase plus post-apocalyptique, on quitte le gigantisme de Paris pour de la forêt, tout du long. A croire que pour l’auteur la France c’est Paris, la Provence, et le reste du pays n’est rempli que de forêts à perte de vue. Même pas une route ou autre, ce serait trop demander. A nouveau on tombe dans les travers de l’auteur, une vision totalement binaire, sans aucune complexité, ni d’un minimum d’envie de construire quelque-chose de dense. Cela se ressent d’ailleurs dans les péripéties que vont rencontrer nos héros, puisque pour un monde post-apocalyptique les « décors » m’ont alors paru bien vide. Nos héros vont ainsi durant leur voyage ne rencontrer quasiment personne, comme si l’humanité avait disparue, pour revenir plus tard quand l’auteur aurait besoin d’elle. Si, ils rencontrent des poules, mais je ne parlerai pas de ce passage qui encore une fois est une caricature idiote, vide et reposant en partie sur les choix idiots du héros.

Après je ne vais pas le nier, l’auteur sait écrire, il a une plume qui se dégage clairement offrant par exemple des scènes de désolation, de fin de monde vraiment saisissante, ce qui amène quelques fulgurances au livre, mais c’est trop peu. Alors après on pourrait me dire que le récit, dans la façon dont il est construit, ainsi qu’à travers son héros antipathique, sont justement là pour pousser à la réflexion, que parfois pour se questionner il faut savoir pousser le procédé à l’extrême. Je le comprends, sauf qu’ici pour moi ce n’est pas le cas, on a un système qui est mis sur un piédestal (la conclusion le montre), là où l’autre système est présenté comme le mal, comme une caricature (alors qu’il y avait le potentiel de faire autrement), ce qui pour moi empêche toute réflexion tant elle s’avère plus que guidée et téléphonée. Après, je peux comprendre que le livre plaise, surtout aujourd’hui ou l’utilisation de la technologie est par moment de plus en plus décriée, pour ma part ce ne fût pas le cas et il y a de nombreux romans qui ont fait mieux que ce que propose Barjavel.

En Résumé : Au final je dois bien admettre que je suis sorti déçu de ma lecture de ce Ravage de barjavel. J’ai eu clairement l’impression de plonger dans un récit bancal, creux, mal construit. L’intrigue repose sur un Deus Ex Machina tellement facile et énorme qu’il en perd tout intérêt permettant juste à l’auteur de construire ses réflexions. Sauf que les idées et thématiques soulevées m’ont paru très mal amenée, tellement guidées par l’auteur en décriant un système dès la première page pour mettre l’autre sur un piédestal, que cela n’a jamais fonctionné avec moi. L’univers a, certes, quelques idées intéressantes pour l’époque, mais comme l’univers est une caricature, manquant franchement de profondeur et de soins il n’a jamais réussi à me convaincre. Je ne parlerai même pas de l’aspect politique qui ne représente qu’un chapitre, est présenté comme une farce et est oublié très vite, ni des nombreuses idées inutile qui parsèment ce livre comme par exemple ces « morts » qui n’apportent rien du tout. Concernant les personnages seul notre héros est un minimum construit, sauf que vu son évolution, son penchant à considérer une femme comme sa propriété et son côté antipathique et j’ai des idées débiles, il m’a laissé de marbre. J’avais de l’espoir avec Blanche, mais une fois embrasée de force par le héros elle tombe en pâmoison et disparait littéralement du récit. Après, je ne le nie pas, l’auteur sait écrire, il a une plume qui se dégage clairement et amène quelques fulgurances à travers par moment des descriptions saisissantes, mais c’est trop peu.Je peux entendre que parfois il faut pousser un récit à l’extrême pour faire réfléchir, mais ici ce n’est jamais le cas vu que tout est construit de telle façon qu’on ne doit qu’adhérer à l’idée de l’auteur. Dommage.

Ma Note : 3/10

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  1. Un article passionnant ! J’aime beaucoup cette analyse du livre (et les analyses se font rares sur la blogosphère, ce qui est dommage).

  2. J’avais lu Le voyageur imprudent et il m’avait fait le même effet. Pas très scientifique et assez daté.
    Concernant le pétainisme de l’auteur, et aussi son amour de la terre, on en parle dans La méthode scientifique : https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/la-methode-scientifique-du-vendredi-21-decembre-2018

    • Je vais quand même tenter de lire à un moment La Nuit des Temps pour me faire un second avis.
      J’écouterai le podcast, après j’avoue que quand je lis un livre ce qui m’intéresse c’est plus le récit que l’auteur, sauf quand vraiment les idéaux de ce dernier transpirent de façon franchement trop grossière.

  3. Ta critique est très complète. ET j’ai presque eu l’impression d’avoir lu le livre et de vivre ta déception. Je ne vais pas cherhcer à le lire.

    • Je peux parfaitement le comprendre.
      Ah j’ai compris pourquoi quand je disais yep tu me parlais du Livre des Martyrs, j’avoue voir ce mot aussi souvent dans un roman est déroutant.

      • ah! maintenant, chaque fois que tu diras yep, tu penseras au livre. De quoi te faire passer cette envie!!! 😉
        Auparavant, je n’y faisais guère attention, désormais, cette expression est entoutrée d’un gros néon fluo dans mon esprit

  4. Cela fait bien 30 ans que je me dis qu’il faut que je le lise. Finalement, ce que tu en dis me pousserait presque à en rester là.

    • Après tu es sule juge, je ne me permettrais pas te dire quoi faire. Maintenant de mon côté oui ce fût un belle déception et si tu t’y retrouves dans ma chronique cela risque peut-être un peu de coincer.

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