Qui a Peur de la Mort ? – Nnedi Okorafor

Résumé : Dans une Afrique post-apocalyptique, la guerre continue de faire rage. Enfant du viol, rejetée par les siens du fait de sa peau et ses cheveux couleur de sable, Onyesonwu porte en elle autant de colère que d’espoir. Seule sa mère ne semble pas étonnée lorsqu’elle se met à développer les prémices d’une magie unique et puissante.
Lors de l’un de ses voyages dans le monde des esprits, elle se rend compte qu’une terrible force cherche à lui nuire. Pour en triompher, elle devra affronter son destin, sa nature, la tradition et comprendre enfin le nom que sa mère lui a donné : Qui a peur de la mort.

Edition : ActuSF

 

Mon Avis : Ce roman me tente depuis des années maintenant, c’est bien simple j’ai envie de le découvrir depuis sa publication aux anciennes éditions Eclipse. Il faut dire que les retours que j’en avais à l’époque se révélaient plus que positifs et le résumé était franchement accrocheur. Sauf que voilà, je ne sais pas trop pourquoi je n’ai pas craqué à l’époque et le roman, du fait de la fin progressive de la maison d’édition, a disparu des librairies où j’ai l’habitude d’aller. Il a donc fallu attendre qu’ActuSF décide d’offrir une nouvelle édition à ce livre et qu’on me propose de la découvrir pour qu’il entre enfin dans ma PAL. Concernant la couverture, illustrée par Travis Davids, je la trouve très sympathique. A noter que ce roman a gagné le World Fantasy Award de 2011 et les prix des Imaginales 2014 pour le meilleur roman étranger traduit et que le roman est en cours d’adaptation pour devenir une série sur HBO.

Ce roman va nous plonger dans un futur indéterminé, qui parait à bout de souffle. On va alors suivre la vie et le destin d’Onyesonwu, fille née d’un viol qui a longtemps été rejeté du fait des ses origines et qui va se découvrir des pouvoirs magiques. Elle ne le sait pas, mais une menace pèse sur elle et elle va devoir faire face. Bon, une fois la dernière page tournée, je dois bien admettre qu’il est dommage que je n’ai pas lu ce roman plus tôt tant j’ai passé un excellent moment. On a là un roman construit comme un récit de Fantasy, avec par exemple une quête initiatique, un vieux maître bourru et même une prophétie, mais qui pourtant arrive clairement à se libérer de ce carcan classique pour offrir bien plus au lecteur. Dès la première page on est littéralement happé par le récit, à la fois violent, sauvage, dépaysant et qui ne laissera pas indifférent le lecteur que ce soit dans ses thématiques comme dans sa narration percutante. Il se dégage aussi de ce roman une boule de « colère », mais pas dans le mauvais sens du terme, plutôt quelque-chose qui pousse l’héroïne ainsi que le lecteur à continuer à avancer, à comprendre. Une sorte de rage légitime, que l’on comprend parfaitement et qui offre une tension au récit qui monte au fil des pages pour aboutir à une conclusion efficace.

L’un des gros points forts du roman vient clairement de l’univers que construit l’autrice. Elle apporte ainsi au récit sa culture Africaine, ce qui amène un vrai plus au roman et aussi une originalité des plus prenante et intéressante tout en ne fermant pas les yeux sur toute cette violence, cette haine sourdre de ces peuples qui nous sont présentés. Que ce soit à travers la représentation de la société, l’aspect mystique ou encore le côté social, Nnedi Okorafor nous propose quelque chose de différent de ce qu’on retrouve d’habitude. On y découvre aussi une Afrique « futuriste » qui oscille toujours entre archaïsme et technologie avancée. Ce n’est pas en soit étonnant, une image qui ressort toujours, pour moi, de ce continent c’est cette capacité d’avoir de la technologie pointue tout en ayant des villages limite « médiévaux » en comparaison. Une ambivalence qui colle ainsi parfaitement au récit que construit l’autrice, donnant aussi d’une certaine façon un aspect intemporel au roman. Certes on est dans un futur lointain, mais la technologie n’étant pas obligatoirement au centre des préoccupations ni au coeur même de l’intrigue, on pourrait se situer n’importe quand. Je trouve que cela rend ce récit d’une certaine façon plus palpable et plus proche, principalement devant les réflexions qui sont soulevées. L’aspect mystique et mythologique, que ce soit dans toute cette religion qui tourne autour du grand livre, de la notion des esprits ou bien encore de la magie qui est présentée, offre encore plus de densité à cet univers et l’aspect fantastique vient se coller parfaitement à ce monde sans qu’il paraisse décalé ou déconnecté. Alors certes, cette originalité vient aussi de mon manque de culture concernant la culture Africaine, ce qui n’est peut-être pas le cas de tout le monde, mais j’ai trouvé cela rafraichissant.

Maintenant l’univers ne fait pas tout, l’autre point clairement marquant de ce roman vient de tout ce qu’il peut soulever comme idées, réflexions et pensées. Comme je l’ai dit ce roman possède une « colère » qui lui est propre et qui se ressent principalement à travers le parcours de l’héroïne et à travers les nombreuses inégalités, les nombreuses violences ou encore les injustices qu’elle va croiser et subir, que ce soit devant le fait que les Hommes trouveront toujours un moyen de se haïr, comme aussi dans la façon dont nous traitons les autres, ou encore par exemple la position de la femme qui est central dans ce roman. L’héroïne est ainsi continuellement rabaissée par le fait que ce soit une femme plus que par ses capacités, comme par exemple le sorcier du village qui ne veut pas la former à cause de son sexe. Mais aussi le fait qu’elle ne soit considérée principalement comme prise de guerre bonne à violer et humilier par les ennemis, ou bien encore la jalousie qu’elle crée par le fait qu’elle ait des capacités que les hommes n’ont pas, tout cela fait qu’elle ne peut qu’être en colère. Même avec les gens qui l’acceptent une légère condescendance, un léger machisme se fait ressentir. Là où Nnedi Okorafor excelle par contre c’est que cette colère est juste, on la vit à travers les yeux de Onyesonwu, on la comprend, elle n’a rien d’exagérer, de lourd ou d’incompréhensible. C’est cette justesse de ton qui rend le message si marquant sans jamais jamais tomber dans la gratuité.

L’autrice ne s’arrête pas là pour autant au niveau des thématiques soulevées, elle nous fait ainsi réfléchir sur la guerre et sont lot de violence gratuite. Des actes barbares qui n’ont que pour but de détruire, d’humilier et de rendre les femmes intouchables par leurs pairs car « souillées » ainsi que leurs enfants impurs. Il y a aussi tout un aspect intéressant sur le rejet de l’autre, à travers les deux ethnies qui se haïssent au point de vouloir s’exterminer l’une, l’autre, le tout porté par un côté religieux clivant présent à travers le Grand Livre. On se rend aussi compte que la violence et la haine existe dans les deux camps, évitant de tomber dans un modèle binaire. Il y a aussi une réflexion sur les rites archaïques, présenté comme culturels. Enfin Nnedi Okorafor nous présente aussi certaines visions de la liberté, que ce soit de choix, sexuelle et autres, tout en montrant que chaque choix a bien entendu des conséquences, bonnes ou mauvaises. Il ne faut pas obligatoire se laisser oppresser par les avis des autres et tracer son propre chemin tout en évitant de tomber dans la démesure. Il est aussi soulevé, de façon intéressante même si moins présente, la notion environnementale, comment nous gérons notre planète et ce qu’on va laisser. Un roman qui finalement ne fait pas de concession, qui ne laisse pas indifférent, qui pourra peut-être en déranger certains, mais qui pousse à se questionner tout en évitant aussi de tomber dans la naïveté.

Concernant les personnages Nnedi Okorafor évite clairement de tomber dans la caricature. L’héroïne, Onyesonwu, est ewu, mélange des deux éthnies ce qui est visisble et provoque son rejet. Elle est donc loin de l’adolescente dans l’attente de son destin pour sauver le monde, mais plus dans celle qui subit le monde et cherche simplement à y trouver sa voie, à être acceptée voir aussi à le faire changer. On découvre ainsi une héroïne complexe, humaines, avec ses forces et ses failles qui doit continuellement se battre pour simplement montrer sa normalité. Concernant les personnages qui gravitent autour d’elle, ils ne manquent pas non plus d’attraits, que ce soit par exemple Mwita, qui est lui aussi ewu, mais offre une vision différente, mais aussi son cercle d’ami proche que sont Luyu, Dinti, Binat dont l’amitié s’est forgé lors de leurs rites des 11 ans, le rite d’excision. Un groupe forgé dans la douleur, avec des personnalité différentes et complexes ayant chacun son propre point de vue, sa propre vision de ce monde. Je regretterai peut-être certaines transitions dans les personnalités un peu frustre, mais franchement rien de très dérangeant.

Alors après, c’est vrai, la troisième partie m’a paru un peu longue dans son traitement, principalement dans le début du voyage. J’ai aussi noté une ou deux facilités ici ou là, mais franchement ce ne sont que des broutilles tant ce roman ne m’a pas laissé indifférent et a réussi à me marquer et me faire réfléchir. Le mélange des genres, l’autrice proposant une Fantasy dépoussiéré et sans concession dans un monde de Science-Fiction, marche très bien, se révélant cohérent et efficace. La plume de l’autrice a un côté que j’ai trouvé finalement simple, mais efficace et percutante évitant le côté poétique pour un récit plus incisif et frappant qui colle parfaitement à ce qu’elle construit. Dans tous les cas je lirai sans soucis et avec plaisir d’autres de ses écrits.

En Résumé : J’ai passé un excellent moment avec ce roman qui se présente comme un récit de Fantasy, avec quête, vieux maître bourru et prophétie, le tout dans un futur indéterminé, mais qui va se révéler bien plus. En effet l’auteur arrive à sortir de ce carcan classique pour offrir une lecture immersive et captivante. L’univers présenté s’avère fascinant à découvrir, bien porté par la touche de culture africaine que vient apporter l’autrice tout du long que ce soit dans la société, la représentations ou encore dans les mythes et les us et coutumes. Un univers intemporel, dépaysant, ou la violence et la haine sont très présentes et qui donne pourtant envie d’en apprendre plus, de le comprendre. Les réflexions soulevées dans ce roman sont aussi un des gros points forts, que ce soit sur la position de la femme, la guerre et ses conséquences, l’influence d’écrits mystiques, les traditions culturelles archaïques, l’environnement Nnedi Okorafor brasse énormément de sujets. Mais sa grande force et de le faire de façon juste, sans jamais tomber dans l’excès ou dans la naïveté. Les personnages sont très intéressants à suivre, s’avérant complexes, humains. On plonge dans un groupe de héros forgé par la douleur, la différence avec ses tensions, ses visions différentes mais qui pourtant accroche et montre qu’il est possible de changer. Alors après, c’est vrai, la troisième partie m’a paru manquer un peu de rythme et une ou deux facilités se font ressentir, mais franchement rien de bloquant. La plume de l’auteur est simple, incisive, entraînante et colle parfaitement au récit. Je lirai avec plaisir d’autres écrits de Nnedi Okorafor.

 

Ma Note : 8,5/10

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  1. Il est dans ma PàL, je suis curieuse de découvrir ce livre dont j’ai beaucoup entendu parler.

  2. Un très bon souvenir pour moi aussi.

  3. Je pense que je le lirai celui-ci. J’ai été séduite par mes lectures jusqu’à présent même si je ne suis pas admirative de ce que j’ai lu. Mais il y a réellement un petit quelque chose.
    Je suis certaine du coup que ce roman me plairat!

  4. Il est dans ma PAL, j’ai hâte de le lire !

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