les perseidesRésumé : C’est l’histoire de deux géographies intriquées : celle des ruelles nocturnes de Toronto et celle de l’étrange librairie Finders, deux géographies qui ne sont pas ce qu’elles semblent être car non, décidément, la carte n’est pas le territoire… C’est l’histoire des abîmes vertigineux de l’espace et du temps et de ce qu’ils abritent, de l’étrange et de l’occulte, là, au coin de la rue, au détour d’un rayonnage de bibliothèque ou sur une case d’échiquier… C’est l’histoire de ce qui ne peut être vu et que l’on voit quand même, de ce qui ne peut être dit et qu’il nous faut dire, malgré tout… C’est l’histoire des Perseides, neuf récits se répondant les uns les autres pour tisser l’ébauche d’un paysage indicible, un livre à l’ombre des grands maîtres tutélaires de l’œuvre wilsonienne : Jorge Luis Borges, Howard Phillips Lovecraft et Clifford D. Simak en tête. Peut-être le livre le plus personnel de Robert Charles Wilson.

Edition : Le Bélial’

 

Mon Avis : De Robert Charles Wilson je me suis finalement rendu compte que je n’avais quasiment lu que des romans et très peu de nouvelles. En fait la seule nouvelle que j’ai lu de lui c’est, L’Observatrice, publié initialement dans l’anthologie Utopiales 2012 et qu’on retrouve d’ailleurs aussi dans ce livre. Donc quand a été annoncé ce recueil de nouvelles de l’auteur, j’avoue que je n’ai pas mis longtemps à me laisser tenter. Puis, il faut bien avouer que la couverture, illustrée par Manchu, se révèle très jolie et possède quelque chose de poétique qui donne envie de le lire je trouve. À noter que ce recueil contient neuf nouvelles.

Les Champs d’Abraham : Cette nouvelle nous plonge dans le quotidien de Jacob, en 1911, jeune juif intelligent qui gagne sa vie de petits boulots et doit élever sa sœur qui souffre de troubles mentaux. Son seul moment de détente et quand il rejoint la librairie Finders pour jouer aux échecs avec son patron, Oscar Ziedler. Une nouvelle qui pose une ambiance que j’ai trouvé intéressante, se révélant étrange et de plus en plus dérangeante au fil des pages avec l’ambiguïté qui transparait doucement de cette librairie et principalement de son propriétaire Oscar Ziedler. Je trouve par contre légèrement dommage que le reste ne suit pas toujours, que ce soit dans l’univers qui essaie de dévoiler la pauvreté de l’époque, mais restant toujours en surface, ou bien encore dans les choix qui m’ont paru mal amené, trop rapides et dont certaines explications m’ont paru manquer. Dommage car le personnage principal de Jacob se révèle attachant, devant faire face à des choix et des décisions pas toujours faciles  à prendre, principalement vis-à-vis de sa sœur. Une nouvelle au final juste sympathique à l’ambiance sombre et la conclusion surprenante, mais dont certains aspects manquent de consistance.

Les Perséides : Une nouvelle plus contemporaine qui nous fait découvrir Thomas, amateur d’astronomie, qui suite à un divorce se retrouve à changer de vie, va trouver un petit boulot dans une librairie et va alors rencontrer Robin. Un texte que j’ai trouvé efficace, principalement grâce, de nouveau, à son ambiance qui plonge lentement le lecteur au fil des pages d’une situation banale vers quelque chose de plus dérangeant, horrible et troublant. On se retrouve entrainé par ses personnages humains et légèrement paumés qui vont peu à peu se retrouver embarquer dans un groupe et qui nous rappelle que le ciel est finalement bien plus que ce qu’on peut croire, qu’il peut s’y cacher de nombreuses choses. Le parallèle avec l’aspect des sectes est aussi présent et l’auteur y ajoute une petite dose de chamanisme qui apporte une touche supplémentaire, je trouve, de mystère. J’en dévoile pas trop pour ne pas trop spoiler mais j’ai bien aimé ce récit à la conclusion surprenante et déroutante.

La Ville dans la Ville : Cette nouvelle nous présente un groupe de personnes érudites qui se retrouvent régulièrement pour discuter se lancer différents challenges. Un jour un des participants les plus discret va proposer de développer une nouvelle religion et la meilleure serait déclarée gagnante. Le grand intérêt de cette nouvelle vient principalement de la ville de Toronto qui devient ici clairement le centre de l’histoire. Elle en est le pivot et se révèle tout à fait fascinante à découvrir, possédant ses zones d’ombres et de mystères où se mélangent mythes, imaginations et réalité. Au fil des pérégrinations du héros on va se rendre compte aussi que quelque-chose s’y cache, quelque chose de plus profond. Une histoire efficace où l’auteur s’amuse à manipuler le lecteur jusqu’à cette conclusion trouble, percutante, pleine de rebondissements et passionnante.

L’Observatrice : Comme je l’ai dit j’ai déjà lu cette nouvelle dans l’anthologie des Utopiales 2012. Vous pouvez retrouver ma chronique ici. Cette deuxième lecture ne lui a rien enlevé de son charme avec cette rencontre captivante entre une jeune fille et Edwin Hubble qui traite de façon humaine, à travers l’idée de l’enlèvement par des extra-terrestres, de la différence et de la solitude.

Protocoles d’Usage : Cette nouvelle fait, selon moi, partie des meilleurs du recueil elle nous fait découvrir un personnage bipolaire sous traitement au Lithium et qui se retrouve à suivre une thérapie de groupe. L’auteur nous plonge alors dans une histoire déroutante, ambigu et offrant alors un lien bien trouvé avec les phéromones qui permettent aux insectes de communiquer. La tension est parfaitement bien gérée par l’auteur, montant lentement au fil des pages pour véritablement happer le lecteur et lui donner envie d’en savoir plus. Les personnages se révèlent humains avec leurs problèmes à gérer. Un texte intelligent et réussi qui traite aussi de la médication, de la façon dont on plonge de plus en plus facilement dedans, pas toujours à bon escient y cherchant parfois plus un bien-être chimique qu’une véritable solution.

Ulysse voit la lune par la fenêtre de sa chambre : Cette courte nouvelle, j’avoue, je ressors plutôt mitigé de ma lecture. L’auteur cherche ici à développer un texte à chute, traitant d’une conscience supérieure dont on ne serait rien car on ne pourrait pas la voir ni la reconnaitre comme tel. Elle nous fait alors découvrir un couple qui bat de l’aile dont le mari invite un soir un de leur meilleur ami, qui a secrètement des vues sur sa femme. J’ai trouvé que l’ensemble manquait un peu de profondeur, j’ai bien senti que les idées étaient là, je vois bien le jeu de manipulation, le doute qui s’installe, mais il m’a paru manquait quelque-chose. L’ensemble aurait peut-être mérité d’être un peu plus long.

Le Miroir de Platon : Cette nouvelle nous fait découvrir un écrivain a succès, coureur de jupons qui va alors voir sa vie bouleverser le jour où une jeune admiratrice vient lui offrir en cadeau un miroir. Une histoire à la construction assez classique avec cette idée de « monstres » dans le miroir qui, même si elle ne révolutionne pas le genre, se révèle pertinente, efficace et plutôt réussie. L’aspect ambigu du personnage principal narcissique, égoïste et qui pourtant parait cacher quelque-chose de plus profond apporte aussi un plus, je trouve à l’ensemble le tout dans une ambiance très fêtarde voir hippie avec mélange d’alcool et de drogue qui plonge peu à peu dans l’étrange et l’angoissant. Au final un texte agréable et qui se lit bien avec une conclusion efficace.

Divisé par l’Infini : Cette nouvelle nous présente un homme qui a du mal à se remettre de la mort de sa femme, devenu limite suicidaire et dont la vie va basculer après sa visite à la librairie Finders ou a travaillé sa femme durant des années. Il va en repartir avec des livres de SF d’anciens auteurs connus, mais qui n’ont jamais été écrit. Cette nouvelle se repose clairement sur les plausibilités des univers parallèles et monte clairement en tension au fil des pages. L’auteur tire au fil des pages le fil de son imagination pour nous offrir un récit qui se révèle de plus en plus éblouissant, débridé, SF et aux multiples chemins, ce qui peut soit fasciné, soit rebuté. J’avoue, de mon côté, avoir été accroché par les différentes possibilités présentées, l’univers ainsi que par la conclusion ouverte qui nous est proposé. L’aspect humain du héros, sa souffrance joue aussi énormément. Un texte efficace et réussi.

Bébé Perle : Cette nouvelle nous fait découvrir Deirdre, personnage qu’on retrouve dans différentes autres textes du recueil et qui est vendeuse à la libraire Finders. L’auteur cherche alors à construire ici une nouvelle qui penche beaucoup plus vers le côté angoissant et horreur que les précédentes, se rapprochant même légèrement de Lovecraft. L’ambiance ne manque pas de se révéler prenante et les idées sont présentes, mais voilà je n’ai jamais réussi complètement à m’accrocher à ce texte. Le personnage principal se révèle plutôt intéressant mais les personnages secondaire ne donnent l’impression de servir à rien, le rythme m’a paru trop haché avec un début trop lent et une fin trop rapide, ou bien encore certains aspects et certaines scènes m’ont paru manquer d’intérêt. L’auteur annonce clairement dans la Postface qu’il a écrit ce texte en 10 minutes, c’est peut-être là que ça bloque, car pour moi ce texte aurai mérité d’être plus travaillé. Dommage

 

Ce recueil, finalement, nous fait découvrir Robert Charles Wilson dans un registre un peu différent de ce que je connaissais de lui à travers mes différentes lectures, proposant toujours de la SF mais cherchant plus le côté troublant, angoissant, dérangeant et je dois bien avouer qu’il s’en sort plutôt bien. Alors certes tous les textes ne sont pas au même niveau, certains m’ayant même laissé perplexe, mais dans l’ensemble il propose des récits que j’ai trouvé efficaces, qui savent jouer avec la tension et le merveilleux et dont j’ai même parfois été surpris. On sent bien que l’auteur possède une imagination débordante, nous faisant aussi découvrir la ville de Toronto sous un regard assez magique. Au final ce recueil m’a offert une lecture très agréable.

En Résumé : J’ai passé un bon moment de lecture avec ce recueil de nouvelles qui nous permet de découvrir Robert Charles Wilson dans un genre différent, cherchant plus à développer des textes étranges et déroutants. Alors bien entendu tous les textes ne sont pas au même niveau, un ou deux ayant même eu du mal à me convaincre, mais dans l’ensemble ils se révèlent tout de même efficace et nous font découvrir la ville de Toronto sous un autre jour, pleine de magies et de mystères. Les personnages se révèlent toujours aussi humains et attachants. En tout cas j’ai maintenant envie d’en apprendre encore plus sur cette librairie Finders.

 

Ma Note : 7/10