Résumé : Nous voici immergés dans la vie quotidienne d’un village au Moyen-Âge où tout pourrait sembler normal et où, très vite, plus rien ne l’est. Les seigneurs sont dupés par leurs serfs, des démons maraudent, des vaches magiques paissent sur les rivages, les morts reviennent, le diable tient ses comptes, une sorcière prépare ses filtres dans la forêt et, partout, chaque jour, les jeux de l’amour et du désir tirent les ficelles de la vie.
Edition : Le Tripode
Mon Avis : Le premier roman d’Andrus Kivirähk publié en France (mais qui finalement était loin d’être son premier) m’avait offert un excellent moment de lecture à travers une histoire détonante, pleine d’humour et de cynisme et offrant de nombreuses réflexions intelligentes (ma chronique ici). C’est donc sans surprise que, quand je me suis rendu compte qu’un nouveau roman de l’auteur était sorti, je l’ai fait rapidement rentrer dans ma PAL. Il faut aussi avouer que la couverture, illustrée par Denis Dubois, se révèle de nouveau, selon moi, magnifique nous offrant une vision de plus pittoresque et légère du Kratt.
Qu’est-ce qu’un Kratt alors me direz-vous? C’est bien simple il s’agit d’un objet créé de bric et de broc et auquel les Estoniens fournissent une âme négociée avec le diable. Déjanté? oui et c’est le but. C’est donc à la découverte d’un village d’Estonie, sous domination Allemande, que nous fait découvrir l’auteur, à la rencontre de ses habitants tous plus barrés les uns que les autres. Car oui de nouveau la grande force du récit vient de l’humour, souvent noir et cynique, qui nous est proposé tout au long de l’histoire. On ne peut pas s’empêcher de sourire, voir de rire devant les innombrables aventures et péripéties que vont rencontrer les membres de ce village que ce soit à travers leurs trahisons, leurs mensonges et leurs mauvaises actions. C’est loufoque, c’est timbré, et pourtant cela n’empêche pas au récit d’offrir une histoire qui s’avère cohérente et efficace qui, comme son précédent roman va offrir de nombreux aspects efficaces et offrir aussi de nombreuses réflexions bien menées et intelligentes.
L’auteur nous propose ainsi de nombreux axes réflexions sur la longue période qu’a connu l’Estonie sous le joug des Allemands, arrivant à la dédramatiser par l’humour et dévoilant de nouveau, comme dans son précédent roman, une critique mordante sur les nombreuses influences que cela a du avoir sur la population ; entre pertes et gains. Car comme chacun de ses récits il parait y avoir une morale à tirer de tout cela. Ici on se retrouve à se poser alors de nombreuses questions que ce soit sur ces villageois soumis et qui pourtant roulent leur maître régulièrement dans la farine, mais aussi sur la religion entre rites païens et influence de plus en plus grandissante de l’Église, sur l’amour et les relations hommes femmes, sur le sentiment que c’est souvent meilleur chez les autres, ou bien encore sur la façon dont la population de ce village oscille lentement entre l' »ancien » et le « nouveau » pour finalement se perdre et perdre aussi un peu de ce qu’il était, de son identité. Il y a donc au-delà de ce récit humoristique un véritable travail de fond cherchant à faire réfléchir le lecteur sur des aspects souvent très vastes et qui sont traités de façon souvent efficaces.
Ce qui est toujours intéressant, c’est de découvrir l’imagination débordante que propose l’auteur dans son univers qui paraît souvent sans limite, mélange de légende, de réalité et de magie et qui ne manque pas de surprendre et de captiver. Un univers à la fois complètement déjanté et pourtant solide et passionnant à découvrir. Un monde à la fois sombre, où la mort est familière, où les maladies et les épidémies sont bien présentes et pourtant qui donne envie de le découvrir plus en profondeur, d’en apprendre plus. Entre Kratts, sorts, sorcière et remède complètement loufoques tout donne à l’ensemble quelque chose d’attachant et de complexe. Concernant les personnages que l’on rencontre au fil des pages, on découvre un panel vraiment large de protagonistes tous à la fois appréciables et détestables dans leur façon d’avancer, de débattre ou de voir la vie. Ils sont ainsi loin de tout manichéisme et surtout la vie leur rappelle rapidement que de toute façon, bon ou mauvais, on peut tomber à tout instant. Des héros hauts en couleurs, au bagou plus que percutant et qui sont solides, cohérents et captivants à découvrir au fil de leurs différentes aventures, même s’il est un peu compliqué de s’attacher à eux tant ils sont nombreux, mais bon rien de non plus bien gênant.
Et pourtant j’avoue avoir moins accroché à ce roman qu’au précédent de l’auteur. Pour resituer le contexte il faut savoir que L’Homme qui Savait la Langue des Serpents a connu sa première publication en 2007 tandis que ce roman a été initialement publié en 2000, et cela se ressent clairement que ce soit dans la façon de présenter les choses, comme dans l’aspect percutant du récit comme dans l’équilibre de l’ensemble, on sent que l’auteur a gagné en maîtrise au fil des années. Je ne vais pas dire que ce roman est mauvais ou qu’il s’agit d’un brouillon, loin de là, car ce récit offre un bon moment de lecture avec de nombreux aspects intéressants, mais voilà je ne pouvais m’empêcher de le comparer à son précédent roman, tant il y a des similitudes, et c’est dommage. Si Les Groseilles de Novembre avait été publié avant je pense que je l’aurai un peu plus savourer, même si je le dis et je le répète il n’est pas mauvais et offre tout de même un bon moment de lecture. Je regrette aussi une conclusion qui m’a paru un peu trop barré à mon goût, même si, sans spoiler, elle possède un quelque chose de réfléchi et parfois un humour un tout petit peu limite à mon goût .
La plume de l’auteur se révèle toujours aussi efficace, pleine d’humour et d’ironie, plongeant facilement le lecteur dans cet univers loufoque et à l’imagination débordante qui donne envie d’y plonger et de le découvrir. Au final j’ai passé un bon moment de lecture avec ce roman qui confirme les qualités de l’auteur à offrir des récits remplis d’humour noir et intelligents. Je lirai sans soucis et avec plaisir d’autre de ses écrits.
En Résumé : J’ai passé un bon moment de lecture avec ce roman qui nous plonge de nouveau dans une Estonie passée et imaginaire qui se révèle déjanté et dont l’imagination foisonnante de l’auteur, qui oscille entre magie et moyen-âge, s’avère vraiment passionnante à découvrir. Mais ce roman n’oublie pas non plus de nous faire réfléchir, que ce soit sur les notions de changements liés à la chute du pays sous le giron des allemands qui va profondément bouleverser les traditions du pays, mais aussi sur d’autres aspects comme la religion, la notion d’amour, de mort voir la dualité du « passé » contre le « progrès ». On découvre aussi tout au long du roman un panel de personnages qui se révèlent hauts en couleurs, à la verve efficace et percutante et qui nous plongent dans des situations toutes les plus loufoques les unes des autres. Mais voilà il est difficile de ne pas comparer ce livre avec le prédécesseur de l’auteur publie en France et là, clairement, il est quand même un cran en dessous se révélant moins incisif et moins touchant. De plus j’avoue que la conclusion, sans se révéler mauvaise, ne m’a pas complètement convaincu pour autant et parfois l’humour m’a paru un peu limite. La plume de l’auteur se révèle toujours aussi efficace, entrainante et bourrée d’humour noir et je lirai sans soucis d’autres de ses écrits.
Ma Note : 7,5/10
Autres avis : Philemont, …
Juliann
C’est incroyable ce recit, on découvre toute une culture mélée à l’imagination d’un auteur. Donc si j’ai bien compris ton avis, il vaut mieux commencer par celui-ci et poursuivre avec « L’Homme qui Savait la Langue des Serpents »?
BlackWolf
Pour moi oui, ça me parait plus logique. Même si les deux peuvent se lire indépendamment ils sont dans les grandes lignes proches l’un de l’autre et donc il est facile de comparer.
Juliann
ok 🙂
Mariejuliet
Un peu la même recette que le précédent, mais à une autre époque?
BlackWolf
Oui et non en fait, il y a des différences entre les deux romans et les deux méritent d’être lus. Maintent oui on ne peut aussi s’empêcher d’y trouver des similitudes.
zazy
J’aime l’univers d’Andrus Kivirähk. Les sujets de ces deux livres ne sont pas tout-à-fait les mêmes. L’homme qui savait la langue des serpents peut être comparé à un roman épique, alors que les groseilles de novembre serait plus dans la veine « Contes et légendes… » qui ont bercé mon enfance.
Un auteur à suivre car il sait nous faire entrer dans son unviers
BlackWolf
Je suis d’accord ils ne sont pas tout à fait les mêmes mais il ne sont pas pour autant si différent que cela pour éviter quelques comparaisons. Je confirme que c’est un auteur à suivre et qui mérite au moins d’être découvert pour se faire son avis.