Résumé : Où sont passés les ogres ?
Les forêts ont été déboisées. Les châteaux sont désormais hantés par les touristes. Les grottes par des joueurs de djembé…
C’est absolument faux. N’importe quel enfant vous le dira.
Certains ont squatté nos caves, y apparaissent et disparaissent. D’autres ont choisi de se lancer dans le prêt-à-porter grandes tailles. Les mauvaises langues disent qu’ils s’éclatent aux Etats-Unis. Quelques uns sont restés dans leur propre monde et envoient, de temps en temps, de terribles cauchemars à nos enfants.
Ils vivent à la frontière entre notre monde et le leur.
Edition : ActuSF
Mon Avis : Ce court recueil de nouvelles a un peu fini par hasard dans ma PAL. En effet à force de passer devant durant les festivals il m’a toujours intrigué et donné envie de le découvrir, sans que je ne franchisse jamais le pas. Il faut dire que la couverture, illustrée par Fabien Fernandez, ainsi que le sommaire composé uniquement d’auteurs féminins donnaient clairement envie d’en apprendre plus. Lors des dernières Imaginales j’ai donc fini par me laisser tenter et je l’ai fait rentrer dans ma bibliothèque. Le livre démarre sur une préface très intéressante nous expliquant que qui mieux qu’une femme peut parler d’un ogre ?, ainsi que les différentes facettes du monstre. Ce recueil est composé de cinq nouvelles.
L’Ogre de Ciment de Jeanne-A Debats : Cette nouvelle nous fait découvrir Yasmin qui, suit à un traumatisme violent, se retrouve à fuir à travers les souterrains de son quartier. Elle va alors croiser le chemin d’un ogre. Une nouvelle que j’ai trouvé réussie. Certes sur la forme elle se révèle classique et sans surprise, mais c’est sur le fond qu’elle arrive alors à surprendre en nous présentant deux personnages qui paraissent complètement opposés et qui pourtant ne le sont finalement peut-être pas tant que cela. Deux héros remplis de sentiments et d’émotions, solitaires, en pleine fuite en avant, qui dévoilent une vision d’un monde pas toujours rose et pourtant si réaliste où le monstre n’est pas toujours celui qu’on croit et où les hommes peuvent aussi être des ogres. Un texte à la fois poignant et efficace, à la plume entrainante, dont mon seul regret est peut-être une conclusion un peu trop convenue et pourtant logique.
La Chasse à L’Ogre de Stéphanie Gaillard : Cette nouvelle nous plonge dans le récit fait au roi Louis de la dernière chasse à l’ogre. On découvre ici un texte qui se révèle efficace et haletant, nous racontant de façon rythmé comment un groupe de chasseur a traqué et éliminé le dernier ogre. Un récit au rythme soutenu, rempli d’action et de rebondissements, qui se laisse lire avec plaisir mais qui, clairement, se révèle trop classique et sans véritables surprises. Même la tentative de réflexion sur le geste final par le héros manque de percutant. Attention le texte n’est pas mauvais, il se lit facilement et se révèle un agréable divertissement, mais il a du mal à véritablement marquer le lecteur selon moi. Je le rentre facilement dans les vite lu, apprécie et vite oublié.
Les Ogres font-ils de Bons Pères ? de Ida Mars : Cette nouvelle nous propose de découvrir un ogre qui part en chasse. On se rend alors compte qu’il ne chasse pas n’importe quel gibier, mais sa fille qui a décidé de s’enfuir. J’avoue que je ressors plutôt mitigé de ma lecture de cette nouvelle ; l’auteur prend le parti pris de mettre en avant l’humour et pourtant j’ai eu du mal à accrocher à ce type d’ironie que j’ai trouvé finalement mal amené, cherchant l’étonnement et la surprise du lecteur, mais qui est annoncé de façon trop brusque ce qui fait que l’ensemble tombe souvent à plat de mon côté. De plus le titre joue aussi dans le fait que certains rebondissements se révèlent trop faciles à deviner. Les idées sont pourtant bien là et ont du potentiel, mais je ne sais pas, j’ai trouvé que l’ensemble manquait un peu de liant. De plus certains des personnages m’ont paru sous-exploités, ce qui se révélait un peu confus. Un texte qui, selon moi, possède pas mal d’idées mais aurait peut-être mérité un traitement différent.
La Chair Choisie d’Audrey Guillotte : Cette nouvelle nous plonge dans la vie de Larve, jeune Ogresse, fille de Babau qui cherche à faire d’elle son héritière. Mais voilà elle se révèle loin d’être très futée. J’ai bien aimé ce texte, une certaine poésie se dégage le tout dans une ambiance qui se révèle sombre, violente et assez angoissante, mais le tout amené avec un certain humour noir qui ici a réussi à me happer. Une nouvelle dont, certes, on voit la conclusion arriver rapidement mais qui se révèle agréable, bien rythmé, nous dévoilant un univers où les ogres sont les maîtres et les humains sont en fait un troupeau. La relation entre Larve et Baubau, mélange de haine et d’amour, se révèle intéressante même si par moment un peu caricaturale. Surtout le danger ne vient pas toujours de là, ou de qui, l’on croit. Une découverte au final qui se révèle très sympathique.
Les Autres de Justine Niogret : Cette dernière nouvelle nous emmène dans le quotidien d’une jeune fille qui vit dans un orphelinat et se sent différente des autres. La force de cette nouvelle c’est son ambiance, qui monte lentement au fil des pages dans la noirceur, se révélant de plus en plus angoissante, pour finir dans une apothéose de violence et de sang que je vous laisse clairement découvrir. Une nouvelle très sombre qui remplit parfaitement le rôle recherché qui est de mettre mal à l’aise le lecteur, lui rappeler le côté monstrueux tout en tentant une réflexion, légère, sur le rejet des autres. Le problème vient qu’on retrouve ici un texte véritablement ouvert, sans véritables bases sur les personnages ou encore sur l’univers, ce qui est quand même frustrant à mon goût, car l’ensemble manque alors d’un peu de réponses.
Cette anthologie nous propose donc cinq nouvelles qui nous offrent cinq visions différentes et qui se révèle dans l’ensemble être au final une sympathique découverte. Ce qui est dommage c’est qu’il manque peut-être un texte qui se révèle porteur de l’ensemble, qui arrive clairement à se démarquer des autres et à marquer le lecteur. Cela ne m’a pas empêché non plus de passer un moment de lecture divertissant avec ce livre.
En Résumé : J’ai passé un agréable moment de lecture avec cette anthologie qui nous propose de revisiter à travers cinq nouvelles le mythe original de l’ogre, qu’il soit aussi bien métaphorique que réel ; l’ogre pouvant être à la fois le monstre connu et reconnu, mais aussi celui qui se cache en chacun de nous. Chaque texte propose ainsi une variation et une vision intéressante du mythe, entre angoisse, horreur et humour, et même si tous les textes ne m’ont pas accroché de la même façon, dans l’ensemble ce court recueil reste plutôt agréable à découvrir même s’il manque tout de même d’éléments percutants et marquants pour passer de lecture distrayante à bonne lecture.
Ma Note : 6,5/10
Aranae
Je le veux ! Désolée, je n’ai rien à dire d’autre x)
BlackWolf
Bonne lecture alors 🙂
Jeanne-A Debats
petit détail que tu ignores, cher Blog-o-Livre, mais qui a son importance : la plupart des nouvelles du recueil sont des « premières nouvelles » (en ce qui me concerne, je crois que c’était ma troisième publiée, ou deuxième), les styles et inspirations de leurs auteurs ont donc énormément évolué.
En tout cas, ce que je trouve sympathique et amusant en ce qui concerne la mienne (qui est, il est peut-être intéressant aussi de le signaler, le tout début du « monde selon Navarre ») c’est que ta critique rejoint complètement celle de Gilles Dumay dans Bifrost, il y a si longtemps.
merci en tout cas, d’avoir rappelé ce texte à ma mémoire.
Jeanne
BlackWolf
Ah non c’est vrai que je ne savais pas qu’il s’agissait de « premières nouvelles » pour tous les auteurs. Ce qui en soit d’une certaine façon parait logique alors.
Merci en tout cas pour le commentaire.