Résumé : Golem aux multiples visages ou intelligence artificielle en quête de soi, FFI de 1944 confrontés à des créatures lovecraftiennes ou soldat du futur étrangement lié à ceux qu’il a combattus , alcoolique au bout du rouleau re-boosté par une fée ou colonie humaine résistant aux extraterrestres, les récits proposés par les quatorze auteurs de l’anthologie des Imaginales 2018 soulignent qu’une créature peut en cacher une autre. Entre lieu étrange et futur inquiétant, univers parallèles et île mythique, mais aussi Dr Jekyll et Mr Hyde, Créatures nous rappelle également, par-delà la diversité des thèmes abordés, que les dieux aveuglent ceux qu’ils veulent perdre. Elle a tes yeux, affirme pour sa part le narrateur d’Estelle Faye, évoquant un amour qui résiste à la mort, pour s’interroger au final sur ce qui définit l’humain – et donne sens à nos vies.
Edition : Mnémos
Mon Avis : C’est devenue une tradition, mais depuis quelques années maintenant je repars régulièrement, si elle existe, avec l’anthologie des festivals où je vais me promener. Cette acquisition est aussi suivie d’une Lecture Commune avec d’autres lecteurs et blogueurs. Alors, c’est vrai, il y a eu un petit décalage. En effet l’anthologie des Imaginales 2017 est encore en attente de lecture, le temps de pouvoir organiser une LC dans de bonnes conditions avec tous les participants. On s’est dont décidé, avec Marie Juliet, de se lancer d’abord dans cette édition 2018 de l’anthologie du festival. Concernant la couverture, illustrée par John Howe et qui reprend l’affiche du festival, je la trouve très réussie. On passera la préface qui, finalement, ne fait que lister les nouvelles du recueil en voulant les raccrocher aux 200 ans du roman Frankenstein, mais qui, je trouve, n’apporte pas grand-chose.
La Machine Différente de Jean-Laurent Del Socorro : Cette nouvelle prend comme base l’histoire d’Ada Lovelace, en imaginant ici qu’elle a crée la première machine consciente. J’avoue il y a une certaine poésie qui se dégage de ce texte, principalement grâce à une plume soignée. Pour autant le récit m’a paru ne rester toujours qu’en surface des idées et thématiques soulevées. De plus il est porté, je trouve, par des personnages beaucoup trop binaires et prévisible dans leurs actes et leurs choix. Au final une nouvelle gentillette, qui se laisse lire, mais qui aurait pu, je pense, être plus marquante.
En Commençant par la Faim d’Anthelme Hauchecorne: Cette nouvelle nous fait suivre deux religieuses qui accompagnent une jeune fille aveugle, qui a perdu toute sa famille, à la recherche de son chien. Une nouvelle que j’ai trouvé très sympathique, bien porté par un rythme efficace, qui monte en tension au fil des pages basculant doucement dans un aspect un peu angoissant efficace. Les personnages viennent apporter une sorte d’humour et d’ironie qui apporte un plus au récit, amenant un mélange d’horreur et de légèreté plutôt percutant et efficace. Alors après c’est très classique dans les grandes lignes et la fin reste prévisible, mais dans l’ensemble ça se lit plutôt bien, se révélant agréable et plus que divertissant.
Le Nid de la Sphinge de Claire & Robert Belmas: Cette nouvelle nous fait suivre un homme pendant la seconde guerre mondiale qui, suite à une embuscade, va se retrouver dans un village étrange. Une histoire que j’ai trouvé bien écrite, avec une plume efficace et soignée, construisant un récit qui monte lentement en tension le tout dans une ambiance étrange. Je dirais qu’on est un peu finalement dans une atmosphère à la X-Files, qui joue entre réalité et fantastique. Alors Je regretterai quand même certaines transitions un peu rapides et, parfois, mal amenées, mais rien de bloquant. Au final une bonne nouvelle, percutante et prenante.
Les Rêves de Venn Colmax de Patrick Moran: L’auteur nous replonge avec ce texte dans son univers démarré avec La Crécerelle. Il s’agit ici d’une nouvelle à chute, qui vaut principalement pour sa conclusion pleine d’humour noir. Alors j’avoue par contre j’ai trouvé le démarrage un peu long, j’ai finalement commencé à accrocher au moment où il rejoint son amie dans son logement et l’embrouille qu’il démarre. De plus, comme dans son roman, je trouve que l’auteur veut trop en faire au niveau des explications, mais aussi du côté un peu scientifique et quantique de son monde, ce qui m’a paru par moment alourdir le récit. Au final ce n’est pas une mauvaise nouvelle, la conclusion remontant aussi le niveau, mais elle n’a rien non plus de très marquant je trouve.
Une Chance sur Six de Gabriel Katz : Cette nouvelle nous raconte l’histoire d’un Anglais qui est venu aux Etats-Unis traquer Jack l’Éventreur, l’assassin de sa femme. Une voyage qui ne va, bien entendu, pas se révéler de tout repos. J’ai bien aimé cette nouvelle qui joue avec le lecteur et nous plonge dans une course poursuite avec un côté très typé western qui colle bien au récit. Le héros est intéressant, principalement danses failles et ses souffrances, mais aussi dans sa quête et dans son évolution face aux choix qu’il doit prendre. Je regretterai juste une conclusion qui repose sur une révélation un peu trop grosse à mon goût pour clairement se révéler marquante.
L’Homme d’Argile d’Adrien Tomas : Cette nouvelle nous fait suivre le Golem de Prague. J’avoue je suis complètement passé à côté de cette histoire qui m’a plus paru être un carnet de voyage d’un Golem qu’autre chose. Alors je vois bien le message sous-jacent avec les guerres, l’avidité du pouvoir, la notion d’art et en parallèle le message final où la magie parait disparaitre du monde, mais pour ma part je n’ai jamais réussi à entrer dans ce texte. J’avais l’impression que ce dernier manquait de substance, de profondeur. Dommage.
Les Portes du Monde d’Elisabeth Vonarburg : Cette nouvelle nous fait suivre un jeune garçon qui, a six ans vient de suivre les examens obligatoires à son âge. Il est iammaru, il va devoir parti étudier dans une autre école et devenir une personne importante. Un texte foisonnant d’idées et de réflexions, que j’ai trouvé prenant, très denses et envoutant. La plume de l’autrice est clairement prenante et les personnages sont très intéressants. Le monde est attrayant, avec tous les mystères qu’il soulève. On parle ainsi des thématiques sur l’esclavage, le droit de vivre, le débat sur la machine, la notion de choix, la famille et le tout amené de façon intelligente et soignée. Je regrette finalement que le texte soit si court tant il reste ouvert, ce qui frustre un peu.
Légende du Premier Monde de Fabien Ceruti : On plonge dans le même univers que le cycle du Bâtard de Kosigan de l’auteur, mais dans une période bien antérieure, où l’on apprend le secret de l’origine des Elfes. Je ressors de la lecture de cette nouvelle avec un sentiment mitigé, il y a le potentiel pour faire un texte intéressant, mais de mon point de vue l’auteur en fait trop. Le récit aurai ainsi gagné à être, je trouve, plus court, plus incisif et aussi moins bavard. Ajouter à cela quelques lourdeurs et des réflexions qui m’ont paru inutiles, cherchant à nous faire réfléchir sur notre société, mais sans paraitre d’intégrer dans le monde de l’auteur, j’avoue je ne ressors pas totalement convaincu.
Une Petite Fleur d’Olivier Gechter : On découvre ici un homme, dépressif, qui se noie dans l’alcool, mais qui va voir sa vie changer avec l’apparition d’une fleur. J’ai trouvé cette nouvelle très feel good, pleine d’optimisme et qui s’avère au final plus que sympathique. La plume de l’auteur joue aussi beaucoup sur ce sentiment, se révélant touchante et ne manquant pas d’émotion, construisant ainsi un héros, certes classique, mais qui ne manque pas de se révéler humain et attachant. Après la nouvelle reste en définitive très linéaire et prévisible, mais dans l’ensemble ça fonctionne. Pour moi pas obligatoirement le texte le plus marquant qui soit, mais pour autant qui a son petit effet alors que j’ai beaucoup de mal avec les textes trop optimistes.
Pied D’Ombre d’Hélène Larbaigt : Cette nouvelle est présentée comme une sorte de conte, de mythologie, qui nous fait suivre pied d’ombre. Pour autant je n’ai jamais réussi à entrer dans ce texte qui m’a paru trop lourd, trop ampoulé dans son style et sa narration pour franchement arriver me fasciner. J’ai aussi ressenti un soucis par moment de liant, un peu comme si les différentes scènes n’arrivaient pas à bien se raccorder les unes aux autres.
Desdemona de Fabien Fernandez : Cette nouvelle nous propose un texte de Space Opera, nous faisant suivre un héros en quête d’un vaisseau qui a disparu depuis très longtemps. Je ressors mitigée de cette nouvelle, dans l’ensemble est très classique, prévisible, mais ne manque pas d’énergie, d’action, ce qui fait qu’on tourne un minimum les pages, porté par ce rythme incisif. Le soucis vient des réflexions et des thématiques soulevées qui ont la finesse d’un éléphant dans une cristallerie, ne cherchant pas obligatoirement toujours à pousser le lecteur à réfléchir, mais venant plus imposer un point de vue. De plus une fois la dernière page tournée j’ai eu l’impression que tout ne trouvait pas obligatoirement une réponse, et que certains éléments de l’intrigue se contredisaient. Reste un récit sans temps morts, qui se lit vite, mais pour ma part j’ai besoin de plus.
Casser la Coquille de Jean-Claude Dunyach : Cette nouvelle nous plonge à la suite d’un soldat en pleine guerre contre l’avancée inexorable des Wanis, des êtres étranges en forme d’œuf. Pour ma part j’ai trouvé que ce récit offrait un bon moment de lecture, que ce soit à travers sa lente montée en tension, mais aussi dans ses thématiques. On est vraiment dans un texte dense, mais maîtrisée, qui vient ainsi nous faire réfléchir sur l’humanité, d’une certaine façon aussi la notion d’étranger, d’invasion, d’incompréhension avec une conclusion qui m’a paru efficace et percutante. Après l’auteur en fait peut-être un peu trop, cherchant par moment trop le décalage, mais sans que ce soit toujours utile, même si rien de bloquant.
La Traductrice et les Monstres de Jean-Louis Trudel : Cette nouvelle nous fait suivre le capitaine Diego Reyes qui vient avec son équipage ravitailler une lune sous domination des Moweus. Ces même Moweus qui ont tué la sœur de ce dernier, à une époque où ils étaient encore en guerre. Au final j’ai bien aimé cette nouvelle, que ce soit dans la construction de son univers, mais aussi dans les idées qu’il amène et les réflexions qu’il soulève. J’avais un peu peur d’un récit binaire, avec les méchants d’un côté et les gentils d’un autre, et vengeur, mais qui finalement va éviter tout manichéisme et se révéler plus profond. En définitive il n’y a que des gens qui veulent survivre, par tous les moyens et même si on n’accepte pas certains choix, d’une certaine façon on les comprend. On se retrouve aussi à réfléchir sur l’adaptation ou encore la transformation et les modifications génétiques. Une très bonne nouvelle qui ne manque pas de se révéler intelligente.
Elle a tes Yeux d’Estelle Faye : Cette nouvelle nous fait suivre un homme dont sa compagne cybernétique et à été démantelée et les pièces détachées revendues. Il cherche à les retrouver. Cette fois l’autrice nous offre un récit de SF et, je trouve, elle s’en sort très bien. On y retrouve ainsi le côté poétique qu’elle amène à chacun de ses écrits, qui s’avère toujours envoutant et entraînant. Concernant les thématiques, on y retrouve de nombreuses réflexions sur des sujets qui sont chers à l’autrice, que ce soit sur la notion d’homme et de femme, la notion de sexualité et ce qui fait ce que nous sommes. Les personnages sont efficaces, soignés et captivants à suivre dans leurs évolutions et dans leurs façon de voir le monde. Si j’avais juste un léger reproche à faire, ce serait que, pour moi, Estelle Faye a un peu de mal à sortir de sa zone de confort dans les messages qu’elle cherche à faire passer. Il y a ainsi une certaine redondance dans la construction de ses thématiques, même si cela ne dérange en rien la lecture.
En Résumé : Au final cette anthologie m’a offert un bon moment de lecture avec ces différentes nouvelles mélange des différents genres. Alors, c’est vrai, toutes les nouvelles ne sont pas aussi réussies, et certaines ont eu du mal à me captiver, là ou d’autres m’ont offert de très bons moments, mais dans l’ensemble cette anthologie propose, je trouve, un bon voir un très bon moment de lecture. L’avantage est aussi de permettre à chacun de découvrir des textes d’auteurs présents dans le monde de l’Imaginaire. La thématique des créatures a ainsi permis de traiter de nombreuses variations de ce thème, tout en offrant ainsi au lecteur, je trouve, de nombreuses réflexions plus ou moins efficaces. Au final cette anthologie 2018 des Imaginales ne manque de se révéler un très bon cru que ce soit pour moi ou pour ma compagne de LC.
Ma Note : 7,5/10
Avis de ma collègue de LC MarieJuliet.
Autres avis : Célindanaé, …
Mariejuliet
Un bon cru! On va pouvoir s’occuper de 2016 😉
BlackWolf
Go, go, go ^^
Célindanaé
J’ai bien aimé aussi l’anthologie de cette année 🙂
BlackWolf
Oui, elle était très intéressante.