Résumé : À la dérive dans les rues de Bruxelles, un SDF prend conscience qu’il est en train de devenir invisible aux yeux des passants – réellement invisible. Facétieux, il tire parti de cette nouvelle donne en se jouant des barmen, des touristes, des policiers et des femmes…
Edition : Au Diable Vauvert
Mon Avis : Alex Jestiare nous livre avec Invisible le troisième conte de son cycle qui tourne autour des Contes du Soleil Noir. Après Crash, qui m’avait offert un sympathique moment de lecture et des réflexions intéressantes (ma chronique ici), puis Arbre qui m’avait laissé sur ma faim devant une certaine incompréhension du côté mystique et de la conclusion (ma chronique là), je me demandais bien ce qu’allait pouvoir proposer l’auteur dans ce troisième tome. Concernant la couverture, illustrée par Olivier Fontvieille, je la trouve moins intéressante que celles des autres tomes. Le personnage version kaléidoscope me fascine moins je trouve. Le livre est toujours porté par des illustrations internes de Pablo Melchor qui apportent un petit plus à l’ambiance du récit.
Ce récit reprend un peu le même genre de construction que Crash, le Geek nous présentant ainsi Joffrey, un SDF qui vit dans les rues de Bruxelles avec son chien et qui tente de survivre. Le genre d’individu que personne ne remarque jamais ; cela en devient d’ailleurs à un tel point que quand il se réveille il est devenu invisible. Il a beau tout tenter pour se faire voir et entendre, personne ne le remarque. Il se rend rapidement compte de l’intérêt de ce pouvoir, des avantages qu’il offre et des nombreuses « blagues » qu’il va pouvoir faire. Sauf que très vite Joffrey va découvrir que ce don est finalement une malédiction. Ce court roman se révèle finalement plus classique, la notion d’invisibilité d’un point de vue sociale ayant déjà été traité plusieurs fois, mais voilà j’ai trouvé que l’auteur s’en sortait plutôt bien. Le traitement légèrement angoissant, avec ce côté un peu misérabiliste qui, sans tomber dans la caricature, fait réfléchir et offre un certain intérêt au récit, font que j’ai trouvé que ce tome offrait un moment de lecture plus que sympathique et divertissant.
L’auteur reprend ici, comme je l’ai dit, le même type de construction que Crash, se concentrant plus sur une seule ligne d’intrigue, celle de Joffrey, ce qui permet ainsi à l’auteur d’offrir un héros très intéressant à découvrir. Alors pas tant dans ce qu’il montre obligatoirement, que dans ce qui est sous-entendu et les non-dits. La plume est toujours aussi incisive dans la construction de ce personnage, paumé, abandonné du système, qui a bien tenté pendant de trouver sa voie, pour mieux retomber dans la rue. Il est un peu le soucis d’un système d’élite qui ne s’intéresse pas, et ne veut surtout pas s’y intéresser, aux personnes qui ne n’arrivent pas à s’y intégrer. Mais surtout ce qui marque c’est cette lente compréhension du « don » que reçoit notre héros. Cette lente transition entre un pouvoir qui peut lui permettre de réaliser ce qu’il a envie, jusqu’à plonger au fur et à mesure dans une solitude encore plus angoissante, douloureuse et dérangeante. On découvre ainsi au départ un Joffrey tragi-comique, parfois jusqu’à l’absurde idiot, qui va peu à peu se rendre compte du manque des autres. Il découvre alors que la vie sans contact, sans rencontre, sans discussion n’est finalement qu’horreur et angoisse. Autant on peut ne pas être accroché par le personnage en lui-même, tant parfois j’ai trouvé que l’auteur en faisait un peu trop, mais sa descente aux « enfers » ne manque pas de faire réfléchir et de soulever de nombreuses questions et parfois même de toucher le lecteur.
Les réflexions que soulève l’auteur sont d’ailleurs un des axes principaux des différents contes qu’il propose. Il cherche ainsi clairement à offrir un conte social, à nous présenter une vision du monde sombre, angoissante, ou finalement notre société se dirigerait vers sa fin, le tout de façon cohérente et efficace. On se retrouve ainsi à se poser de nombreuses questions que ce soit concernant les laissé pour compte, ces SDF qui n’intéressent personne, sur la technologie et la manière dont elle est présente en permanence dans nos vies et enregistre tout ou bien aussi d’un point de vue social. On se met ainsi d’un certaine façon à se poser des questions sur notre société, cette façon qu’elle a d’isoler finalement chacun d’entre nous, de nous rendre indifférent à ce qui peut se passer autour de nous. Les axes de réflexions sont durs, percutants, mais ne sont jamais non plus imposés ; chacun se faisant son propre avis. Alors parfois, c’est vrai, ils se révèle traités de façon un peu facile voir simpliste. Il faut dire que le format est assez court, ce qui joue forcément, mais c’est quand même un peu dommage. J’ai par contre bien accroché à la conclusion de ce récit, teinté de fantastique, qui reste ouverte et colle bien au récit.
Concernant notre narrateur, le Geek, j’ai trouvé les passages le concernant mieux maîtrisé que dans Crash, même si par moment il continue à en faire un peu trop. Les passages où on le suit m’ont paru plus fluides et plus intéressants dans ce tome. Il continue par contre a en faire légèrement trop sur la véracité de son récit, cherchant à faire germer le doute dans la tête du lecteur, mais je ne trouve pas que cela apporte grand-chose, même si ça ne dérange pas non plus de trop la lecture. La plume de l’auteur est toujours aussi vive, incisive, percutante et efficace ce qui rend ainsi cette histoire encore plus saisissant. Je vais ainsi me laisser tenter par le quatrième tomes de ces contes qui devrait sortir dans quelques mois, histoire de voir ce que va proposer l’auteur.
En Résumé : J’ai passé un sympathique moment de lecture avec ce troisième conte du soleil noir. On découvre ainsi ici Joffrey, un SDF qui va se rendre compte qu’il est devenu invisible. Il va alors décider de profiter de ce don, mais va se rendre rapidement compte qu’il en devient une malédiction. On plonge ainsi dans un récit dont l’angoisse va monter lentement au fil des pages, dévoilant une certaine solitude qui entoure notre héros, accentué par son nouveau « pouvoir ». L’auteur ne cherche pas l’horreur de son récit, mais plus le questionnement qui se dégage devant ce récit troublant. On se retrouve ainsi à se poser des questions sur notre société, la technologie, mais aussi principalement d’un point de vue social, sur ces laissés pour compte, ces abandonnés sur lesquels on ferme les yeux. Surtout les réflexions ne sont jamais imposées ou forcé, chacun se fait ainsi on propre avis. Alors c’est vrai, parfois elles sont quand même amenées de façon un peu simpliste et facile, mais rien de non plus trop bloquant. Les passages sur le Geek m’ont paru plus intéressant que dans Crash, même s’il continue à en faire un peu trop sur la véracité de son récit, cherchant trop à instiller le doute, mais bon rien de gênant. La plume est toujours incisive, efficace et percutante et je pense que je vais me laisser tenter par le quatrième conte prévu dans quelques mois.
Ma Note : 7/10
Le Chat du Cheshire
Il faudrait que je voie ce que ça donne 🙂 !
BlackWolf
C’est un peu spécial comme conte, mais j’espère en tout cas que si tu les lis ils te plairont.
lutin82
Bon, bon, bon.
J’avoue que je suis à moitié tentée. Le premier conte OK, le second ne me parle pas du tout, et ton avis est vraiment mitigé, celui-ci le pitch ne m’inspire pas, et même si tu as apssé un bon moment tu n’es pas dithyrambique non plus…
Bref, je pense que je le note, et je vais étoffer les avis.
Merci
BlackWolf
J’avoue que quand je me suis lancé, je ne m’attendais pas complètement à ça. Après il y a du bon et du moins bon c’est vrai, mais le format court rend les choses assez percutantes et il y a des bonnes idées, mais je comprends parfaitement qu’on puisse ne pas se laisser tenter.