Résumé : Amine est une goule – créature femelle aussi sensuelle que monstrueuse. Jusqu’ici captive d’un marabout proxénète aux confins du Mali, elle devient la propriété d’un homme d’État français amateur de « curiosités ».
Edition : Au Diable Vauvert
Mon Avis : Courant de cette année, je me suis laissé tenter à la découverte de ce cycle des Contes du Soleil Noir d’Alex Jestaire, dont j’avoue les quatre premiers tomes ne m’avaient, dans l’ensemble, pas laissé indifférent à travers leurs thématiques et leurs réflexions. Seul arbre m’avait un peu laissé de côté par un aspect mystique que j’ai eu du mal à appréhender. C’est donc sans surprises que je me suis laissé tenter par ce cinquième et dernier tome publié pour voir ce qu’allait proposer l’auteur. Concernant l’illustration de couverture, je la trouve assez réussie et les illustrations intérieures apportent toujours un plus à l’ambiance du récit.
Déjà un petit rappel, ces contes ne sont pas franchement des contes pour enfants, pour moi ils ne sont pas écrits pour être ludiques ou ne faire « passer » qu’un bon moment, mais plus pour offrir une vision sans filtre de notre monde et plus principalement de ces laissés pour compte, de ceux qu’on ne voit pas obligatoirement dans les journaux. On est ainsi clairement plus dans un « Conte de la Crypte » social que dans un conte Disney, cela pourrait en surprendre plus d’un et si vous n’aimez pas les récits qui vous laissent un sentiment légèrement dérangeant dans ses idées et ses questions, alors il vaut peut-être mieux passer votre chemin. Cette fois Alex Jestaire nous fait découvrir Amine, une goule au corps de rêve et au visage hideux, prostituée au Mali par un marabout, qui va devenir par un concours de circonstances la propriété d’un homme d’état français qui croit en tomber amoureux. Je dois admettre que, même si j’en retrouve les qualités des précédent tomes, ce livre m’a un peu moins marqué que les autres. Déjà l’auteur nous plonge ici dans un autre milieu, car après une plongée en Afrique on se retrouve dans celui du pouvoir et de la richesse.
Certes on l’avait déjà croisé dans d’autres textes, mais cette fois on plonge en plein dedans avec notre homme d’État français. Cela n’empêche pas pour autant l’auteur de nous offrir des réflexions percutantes et qui ne laissent pas indifférents avec cette fois en point d’orgue la position de la femme dans notre société. La goule ici étant clairement une représentation de la femme qui est finalement considérée en grande partie par la société comme un simple objet, qui doit être fonctionnel et répondre aux attentes. Cette image peut paraitre un peu binaire et simpliste, mais aux vues des derniers évènements dans notre société elle n’est pas non plus foncièrement fausse et surtout pousse à réfléchir. L’auteur ne s’arrête pas là, puisqu’il y a obligatoirement notion d’immigration qui parait ressortir à travers Amina et de ses dérives, de son arrivée du Mali, sa prise en charge pour en faire un simple objet de plaisir, mais aussi dans sa relation avec le Ministre, et la façon dont elle va évoluer. On découvre ainsi un côté sombre de cette immigration, ce trafic de « corps » qui aboutit à des dérives et cette incapacité de dire quoique ce soit par incompréhension de langage. Enfin, c’est logique, mais il y a aussi une réflexion plus globale, selon moi, sur le pouvoir et la façon dont en avoir amène obligatoirement une relation de Soumission / Domination, que ce soit d’un point de vue humain comme vis-à-vis du peuple.
Concernant le soleil noir, cet aspect magique que l’on découvre depuis le premier tome, j’ai été plutôt étonné de la façon dont l’auteur l’introduit dans ce milieu politique. Je m’attendais peut-être à quelque-chose de plus conquérant, de plus imposant, mais Alex Jestaire évite justement cette idée, ce qui est une bonne chose je trouve. Il nous présente ainsi quelque-chose d’un peu plus complexe, où oui il sert pour dominer, je ne le nie pas, mais il y a des règles qui existent ce qui va éviter par conséquent l’aspect binaire. Surtout on découvre un aspect plus dans l’ombre de ce pouvoir, on se rend compte que oui, comme dans le tome Audit, il y a plus que quelques personnages qui usent de la magie et pourraient se croire « maître du monde ». Alors c’est vrai j’attendais peut-être un peu plus de révélations avec ce récit, mais bon rien de non plus trop bloquant de ce point de vue-là. Concernant l’ambiance, c’est toujours aussi sombre, toujours aussi cru et violent, collant parfaitement au récit et ne laissant pas le lecteur indifférent, même si j’avoue Esclave, va peut-être un peu trop loin sans que cela apporte grand-chose par moment au récit.
Comme je l’ai dit pour autant ce roman m’a un peu moins convaincu que les derniers tomes. Oh, cela reste une lecture assez sympathique et qui fait réfléchir, mais voilà quelques points font qu’il m’a moins marqué. J’ai trouvé, en premier lieu, que l’intrigue manquait de force et d’intérêt, on est plus dans une tranche de vie, la rencontre en Amine et notre Ministre et ce qui va en découler, mais voilà j’ai trouvé qu’il n’y avait pas obligatoirement cette tension qui donne envie d’en savoir plus. Surtout que, de mon côté, j’ai vu venir assez rapidement la conclusion, ce qui n’enlève en rien son côté un peu dérangeant, mais la rend obligatoirement moins surprenante. Ensuite, j’avoue, je me suis moins attaché aux personnages, entre le ministre qui, pour moi, manquait d’un peu de complexité et ne s’avérant au final qu’un salaud qui ne me touche pas, ce qui est assez logique dans la façon dont l’auteur construit le récit, mais voilà Amine ne compense pas cet aspect émotionnel. Malgré son évolution, les changements qu’elle vie, elle n’a ainsi pas réussie à potentiellement me marquer. Enfin, j’ai trouvé qu’ici par moment la narration du geek donnait une impression de remplissage.
Après soyons clairs, oui ce Esclave a des défauts, mais cela ne l’empêche pas pour autant de pousser le lecteur à réfléchir, à se poser des questions sur la vision du monde que nous présente Alex Jestaire au cours de son cycle. Surtout qu’on ne peut pas lui enlever une certaine acuité, intensité dans son propos et surtout il offre une vision percutante et qui touche juste d’un récit qui est plus que plausible, magie en moins j’entends. La plume de l’auteur est simple, efficace et colle parfaitement à ces petits récits qui savent se révéler accrocheur. Au final même si Esclave m’a peut-être un peu moins emporté que les autres, je continuerai à lire d’autres de ces contes s’ils sont un jour publié, car ils offrent une vision sociale qui ne laisse pas indifférent et aussi car j’ai envie d’en savoir plus sur cette notion de soleil noir.
En Résumé : J’ai passé un sympathique moment de lecture avec ce nouveau conte du soleil noir, même si je l’ai trouvé un peu moins prenant que les derniers que j’ai lu. On y retrouve les qualités habituelles de ces contes, son côté percutant et qui ne laisse pas indifférent, avec cette fois une plongée dans le pouvoir et la politique. L’auteur nous fait ainsi réfléchir avec ce conte sur la position de la femme, la façon dont elle est vue par une grande partie de la société et qui continue à raisonner surtout face aux derniers évènements et dernières révélations. Il nous questionne aussi sur l’immigration, la façon dont ils sont traités ou encore la notion d’immigration illégale, mais aussi sur la notion de pouvoir. Le côté fantastique ne manque pas non plus d’attrait, collant toujours parfaitement au récit, même si j’avoue, j’attendais peut-être un peu plus après Audit. Là où par contre j’ai été plus circonspect vient du fait que je ne me suis jamais finalement attaché aux personnages, l’intrigue m’a paru manquer de force et parfois de surprises, et enfin j’ai trouvé que certaines interventions du geek faisait un peu remplissage. Cela n’empêche pas pour autant ce récit d’offrir une vision percutante, qui touche juste et qui ne laisse pas indifférent, malgré ces quelques défauts soulevés. La plume de l’auteur est simple, efficace, entraînante et si jamais d’autres contes sont publiés je les lirai tant ils ne laissent pas indifférent.
Ma Note : 6,5/10
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