Catégorie : Science-Fiction Page 35 of 56

Bleu Argent – Olivier Paquet

bleu argentRésumé : Dans un futur où l’espèce humaine a gagné l’espace, chaque planète abrite une colonie dans la culture est censée se perpétuer au fil des siècles. Mais certains jeunes esprits ne peuvent s’en satisfaire…
C’est un monde isolé, un monde de contes, deux anneaux emmêlés en suspension dans l’espace : Poéia.
C’est un monde de mystères, de cette navette nommée Bleu Argent qui tourne depuis un siècle autour de l’étoile centrale, jusqu’à ces habitants qui choisissent de partir sans donner de raisons.
C’est un monde de lumières, celles qui brille dans les yeux de Lyzia, impatiente de devenir Conteuse, ou dans les rêves de son ami Joris quand il imagine voyager au milieu des étoiles.
C’est l’histoire de la rencontre entre deux légendes, celle qui habite Origine, la station à l’intérieur des anneaux, et celle du Melkine, un navire-université mythique.

Edition : L’Atalante Young Adult

 

Mon Avis : Il y a environ deux ans je me lançais dans le premier tome de la trilogie sur le Melkine d’Olivier Paquet, un cycle qui m’a offert un très bon moment de lecture avec une histoire à la fois sombre, dure, intelligente, mais aussi pleine d’espoir et touchante (Chronique du Tome 1, Tome 2, Tome 3). Par conséquent quand j’ai vu que l’auteur avait décidé de revenir dans cet univers avec ce roman, annoncé aussi un peu plus jeunesse, je n’ai pas mis longtemps avant de l’avoir entre les mains. J’ai l’impression de me répéter, mais je trouve la couverture, illustrée par Manchu, magnifique.

Ce roman nous propose de découvrir Joris et Lyzia deux adolescents qui vivent sur Poéia et cherchent à profiter des derniers instants qu’ils peuvent avoir ensemble avant de devoir se séparer pour vivre leurs rêves. Mais rien ne va se passer comme prévu et ils vont devoir faire face à de nombreux bouleversements. L’auteur construit alors une histoire qui, dès les premiers chapitres, se révèle solide et efficace. Le lecteur se laisse clairement emporter face aux nombreuses péripéties et révélations que vont rencontrer nos héros. L’intrigue se construit d’abord lentement, telle un conte, travaillant le fond pour immerger son public avant d’accélérer le rythme au fil des pages pour aboutir à un final qui se révèle sans temps mort et explosif. Mais voilà ce qui importe surtout ici c’est surtout le chemin qui va se dévoiler. On savoure chaque instant passé avec ces héros, chaque lieu qu’ils nous font voir, chaque découverte et chaque réflexion.

Car oui, l’auteur n’oublie pas pour autant de nous offrir un texte qui se révèle intelligent, proposant ainsi plus qu’un récit divertissant, tout en offrant de l’espoir et du rêve au lecteur. Il nous propose ainsi des axes de réflexions soignés sur la vérité, la connaissance, la curiosité qui pousse parfois les gens à remettre en cause certains aspects, à vouloir évoluer, changer ce qui est figé et démodé , à réfléchir sur leur condition et tenter de mieux comprendre qui ils sont. Il nous offre aussi une explication, ou plutôt une interprétation, de l’histoire très intéressante et efficace sur l’Expansion, comment les Hommes, face à leurs folies destructrices, se sont lancés dans la conquête des étoiles. Mais comme je l’ai dit il nous propose aussi un texte plein d’ambition et de rêve, principalement cristallisés par nos deux héros ; Joris dont l’objectif est de voyager et vivre des histoires dans les étoiles à travers le Melkine et Lydia qui, elle, cherche à devenir conteuse, à se servir de sa voix et de son imagination pour faire vivre des histoires aux autres. Derrière ce livre se cache au final un récit rempli d’optimisme, qui nous rappelle que malgré toutes les incertitudes, tous les doutes ou encore les mensonges il ne faut jamais abandonner son rêve, car qui sait il se réalisera peut-être et le tout de façon touchante et sensible.

Ce qu’il y a de bien avec l’univers qui nous est proposé c’est qu’il permet, à travers les différents romans, de découvrir de nombreuses planètes toutes différentes les unes des autres, possédant leurs propres coutumes et originalités. Poéia n’échappe pas à la règle et on découvre un monde fascinant, déjà par son aspect à travers un double anneau monde rempli de mystères et de surprises qui donne envie d’être découvert, même si je trouve que l’aspect des anneaux emmêlés aurait pu être traité encore plus en profondeur. Mais là c’est plus mon côté lecteur de SF qui parle. En tout cas il s’agit d’une planète intrigante, où les contes sont au coeur de la politique ce qui offre d’ailleurs une narration où ceux-ci viennent s’insérer dans l’intrigue, ce qui, je trouve, apporte un véritable plus à l’ensemble, tout en restant fluide et cohérent. Des petites perles disséminées au milieu des pages qui se savourent avec plaisir. Mais voilà c’est aussi un monde qui n’est pas non plus que lumière, il possède aussi ses parts d’ombre et cache, comme souvent dans l’Expansion, un terrible secret ainsi que son lot de manipulations.

Concernant les personnages j’ai trouvé Lyzia et Joris profondément attachants au fil des pages, principalement à travers leur relation, qu’ils savent impossible sur la durée, suivant deux trajets différents, mais qui pourtant sont liés comme les deux doigts de la main. Une relation émouvante entre dits et non-dits de ces deux adolescents qui, au fil des pages, deviennent de plus en plus adultes, devant faire des choix et accepter. Le personnage de Virgile se révèle aussi intéressant, il remplit parfaitement son rôle de changement, de boussole qui servira à guider nos deux ado au fil de leurs aventures, un héros intelligent même s’il reste par moment un peu trop mystérieux. Concernant les autres protagonistes ils sont plus esquissés, juste ce qu’il faut pour apporter les révélations nécessaires pour faire avancer intrigue et personnages, sans non plus se révéler ennuyeux, même si j’avoue j’aurai peut-être apprécié qu’un de ces personnages soit un peu plus développé. Mais je chipote un peu, ils remplissent parfaitement leurs rôles.

Alors après, cela reste un roman qui doit aussi bien toucher les jeunes et les moins jeunes, ce qui fait que j’ai trouvé parfois que certaines révélations s’obtenaient un peu trop rapidement, mais rien de non plus bien gênant. Par contre, j’ai trouvé que la conclusion était peut-être traitée un peu trop rapidement, cette découverte finale m’a parue être acquis finalement assez facilement. Mais cela n’enlève en rien les qualités de ce livre, venant seulement de mon esprit qui aime bien, je pense, complexifier les choses.

La plume de l’auteur se révèle toujours aussi soignée, entrainante et poétique au fil des pages, plongeant efficacement le lecteur dans l’histoire. Au final un bon roman qui peut être lu par les adolescents comme par les adultes, qui nous parle d’enfance, de magie, de conte, de rêves et d’étoiles, qui nous offre aussi des réflexions intéressantes sur la vérité et une  jolie dose d’optimisme et d’espoir, nous montrant que même si parfois tout va trop vite, que rien n’est facile il faut peut-être prendre le temps de lever les yeux au ciel pour y voir les étoiles ou bien regarder en soi pour y trouver cette petite étincelle de magie. Vous l’aurez remarqué c’est un livre qui m’a touché malgré quelques petits défauts. En tout cas je lirai sans souci d’autres romans de l’auteur.

En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman qui, en plus de nous proposer une histoire efficace et entrainante, ne manque pas d’offrir des réflexions intéressantes sur l’évolution, la curiosité, la vérité ou la connaissance tout en y ajoutant une bonne dose de rêves, d’étoiles et d’espoir. La planète de Poéia se révèle fascinante et intrigante, reposant sur ses deux anneaux emmêlés en suspension et où le conte possède une place importante. Les personnages se révèlent attachants et touchants, principalement Joris et Lyzia, et nous entrainent facilement dans leurs aventures. J’aurai peut-être aimé qu’un des personnages secondaires soit un peu plus développé, mais rien de bien gênant. Par contre j’ai trouvé la conclusion traitée peut-être un peu trop rapidement, mais cela ne diminue pas les qualités du récit. La plume de l’auteur est toujours aussi soignée et poétique offrant ici une narration alternée, entre histoire et contes, réussie et passionnante. Au final un très bon récit pour jeunes et moins jeunes et je lirai avec grand plaisir d’autres écrits de l’auteur.

 

Ma Note : 8/10

Demain, une Oasis – Ayerdhal

demain une oasisRésumé : Il était moitié médecin moitié technocrate, à Genève. Il avait un nom. Il n’en a plus : on le lui a retiré un soir, avec le reste de son existence. Une limousine devant, une derrière, un coup de freins, des portières qui claquent, un pistolet-mitrailleur, deux baffes bien assénées, une cagoule, des jours dans une cave sous perfusion et somnifères… Normal pour un kidnapping !
C’est au réveil que ça commence à clocher, quelque part dans un désert africain, à côté d’un vieillard gravement gangrené, quand un commando humanitaire lui confie la responsabilité médicale du village dans lequel il l’abandonne…

Edition : Au Diable Vauvert

 

Mon Avis : Je continue ma plongée dans l’univers littéraire d’Ayerdhal, auteur qui m’a toujours marqué par ses récits régulièrement percutants, réfléchis et surtout entrainants. Je n’ai jamais été déçu par les différents textes que j’ai lu de lui. C’est donc sans surprise que je suis reparti des dernières Imaginales avec ce roman sous le bras que je n’avais pas encore lu (il m’en reste encore un certain nombre à découvrir) et qui fait partie de ses premiers romans publiés puisque sorti en 1992. Concernant l’illustration de couverture je la trouve sympathique, même si finalement loin de ce que laisse entrevoir le résumé.

L’histoire en elle-même se révèle assez simple, notre héros, le narrateur, se met à conter l’histoire de sa vie. Il était un simple médecin, devenu analyste de probabilités dans une organisation à Genève le jour où sa vie a changé, le jour où il a été kidnappé puis débarqué en Afrique. L’auteur nous offre dès les premières pages une intrigue qui se révèle sans temps mort, remplie de rebondissements, de retournements de situation et de surprises. Chaque chapitre apporte son lot d’action et d’adrénaline ce qui fait que le lecteur se met à tourner les pages avec un minimum d’envie et de plaisir pour apprendre ce qui a bien pu arriver au héros. Une chose est sûre c’est que Ayerdhal sait parfaitement maîtriser le tempo du récit, offrant un rythme soutenu et tendu du début à la fin. Il propose un personnage principal qui va clairement se retrouver malmené, poussé à bout et qui à force va découvrir la vérité et se découvrir lui-même.

La grande force du récit vient, comme souvent avec l’auteur, des différentes idéologies et réflexions qu’il développe au fil des pages. Ici on n’est pas happé, mais on est littéralement « kidnappé » par les différentes idées qui sont développées. Il cherche clairement à nous ouvrir les yeux sur un problème qui devient de plus en plus capital, l’Afrique, ou plus précisément l’abandon de ce continent par les pays considérés comme développés, voire en voie de développement, la laissant dans son coin tout en lui demandant de ne pas faire de bruit. Une Afrique longtemps gouvernée par des dictateurs qui savent se vendre au plus offrant, ne se souciant ni de leurs pays, ni de leurs populations mais plus d’eux-même. Il nous parle de ces pays riches, de ces industriels qui préfèrent financer des programmes exorbitants sur des études et des travaux pas toujours nécessaires plutôt que de fournir une infime partie de leurs budgets à l’humanitaire. On découvre un système de  santé à double vitesse qui repose sur des laboratoires qui voient plus le profit que la guérison. Cette Afrique a perdu tout intérêt dans ce futur, elle est oubliée, laissée pour compte et surtout subit nos erreurs, la désertification et la sécheresse gagnant de plus en plus de surface. L’auteur n’y va pas avec le dos de la cuillère, il est là pour réveiller le lecteur et pour cela y va franchement, c’est une véritable claque qu’on se prend du début à la fin, on retient sa respiration au fil des pages. L’auteur veut nous ouvrir les yeux et il le fait de façon percutante et efficace je trouve. Ce qui marque aussi c’est que, comme je l’ai dit, ce roman a été écrit en 1992 et pourtant il se révèle encore terriblement d’actualité, voir même s’est révélé visionnaire à l’époque.

Mais voilà l’auteur ne se sert pas de la Science-Fiction que pour nous secouer, au fil des pages il relâche doucement la pression et devient alors un peu idéaliste, essayant d’offrir un espoir et ainsi éviter de noyer le lecteur dans le cynisme. Il imagine un continent dont les nations commenceraient à se rassembler, avec un idéal, essayer de relever ce continent oublié, certes par des voies pas toujours légales, comme le terroriste ou le kidnapping de personnels adaptés pour les aider. C’est d’ailleurs cette réflexion qui marque et dérange le lecteur, je trouve, tout du long : La survie d’une nation doit-elle passer par des actions illégales ? Nous, pays « civilisés », avons-nous fait les choses mieux et de façon différente ? À chacun de se faire son avis. En tout cas ils n’ont plus décidé de se faire marcher dessus et ont des idées à défaut de moyens. Alors j’avoue, l’auteur va parfois trop loin, cherchant à trop en faire, à trop secouer le lecteur, c’est parfois légèrement agaçant, mais vu que le roman est assez court on passe très vite au-dessus de ces quelques légers désagréments, qui sont finalement assez vite oublier devant l’ampleur du message à faire passer. Par contre, j’ai trouvé l’idée finale peut-être un peu trop utopiste, mais rien de bien gênant.

Concernant les personnages, je dois dire qu’on s’attache assez rapidement et facilement au narrateur, personnage lambda d’une nation aisée qui se retrouve dans ce qu’il considère initialement comme un enfer et qui va peu à peu découvrir et ouvrir les yeux. D’ailleurs le fait que l’auteur ne lui donne jamais de nom, mais simplement des surnoms joue aussi sur cette identification, car finalement il pourrait être n’importe qui. Concernant les autres personnages ils ne manquent pas d’intérêt, chacun ayant une vision et un vécu différent du conflit, de l’abandon. Mais voilà je trouve qu’ils manquent quand même de profondeur, ce sont des héros qui ne vivent que dans le présent, il leur manque un peu de background, d’histoire selon moi, et c’est parfois frustrant de ne pas en savoir plus sur certains. De plus j’ai trouvé l’histoire d’amour un peu trop facile et aussi un peu trop pratique, rien de dérangeant, juste on sent qu’elle est là car elle sert l’intrigue.

La plume de l’auteur se révèle toujours aussi incisive, mordante, efficace et entrainante, nous plongeant avec facilité dans son histoire pour ne jamais relâcher le lecteur avant la fin, malgré j’avoue quelques métaphores surprenantes. Un roman clairement engagé, politique, intelligent, qui mérite d’être découvert, même si on peut ne pas toujours être d’accord avec ce qui est mis en avant. Au final j’ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman et je continuerai donc à découvrir d’autres récits de l’auteur sans souci et avec plaisir.

En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec ce livre qui propose de nous faire un sujet encore d’actualité qui est l’Afrique, sa pauvreté et son abandon. L’auteur construit alors un récit sans temps mort, plein d’adrénaline au cours duquel on suit les aventures du narrateur, médecin kidnappé et livré sur ce continent. Mais c’est surtout sur le message que l’auteur cherche à faire passer qu’on prend une véritable claque, car il cherche à ouvrir les yeux de ses lecteurs sur un véritable problème de société, et il le fait de façon percutante et directe. Ce roman possède même un aspect limite visionnaire quand on sait qu’il a été écrit au début des années 90 et qu’on voit ce qui se passe aujourd’hui. Par contre j’ai trouvé l’idée de conclusion un peu trop utopiste. Le personnage principal se révèle attachant et on s’identifie rapidement à lui, les personnages secondaires sont intéressants même si j’aurai aimé en savoir plus sur certains. En revanche, j’ai trouvé l’histoire d’amour un peu facile, même si rien de non plus bloquant. La plume de l’auteur se révèle vraiment incisive, entrainante et efficace, malgré parfois quelques métaphores un peu surprenantes. Un livre qui mérite d’être découvert selon moi si on ne veut pas fermer les yeux. En tout cas je continuerai à lire des romans de l’auteur sans souci.

 

Ma Note : 8/10

 

Autres avis : Lorhkan, A.C. de Haenne, Julien le Naufragé, …

Interférences – Yoss

interferencesRésumé : Deux voisins bien différents : un grand pays, un petit pays. L’un est démocratique et développé. L’autre est gouverné par un Dictateur affable…
Trois événements incongrus viennent bousculer les relations déjà tendues de ces deux voisins-ennemis : une curieuseinterférence perturbant les émissions télévisées, un rayon étrange aux effets inattendus, et des cheminées s’élevant rageusement vers les cieux.
Le propos, jamais ouvertement politique, dessine un portrait au vitriol de la société cubaine. C’est truculent, hilarant, divertissant. Entre ce petit pays et son grand voisin, tout est prétexte à des interférences !

Edition : Rivière Blanche
Poche : Hélios

 

Mon Avis : J’ai découvert Yoss il y a quelques années lors de son passage aux Imaginales où il était venu présenter son recueil de nouvelles, Planète à Louer, qui a l’époque avait fini entre mes mains avec et qui m’avait offert un bon moment de lecture avec des textes marquants, efficaces et clairement engagés (retrouvez ma chronique ici). C’est donc sans surprises que lors de son passage aux Imaginales 2014 je suis reparti avec cet autre recueil de nouvelles qui profitait de cette occasion pour s’offrir sortie en format poche. À noter aussi la couverture que je trouve vraiment intrigante par son jeu d’images et de couleur. Ce livre comporte trois textes qui forment un « roman-novelliste », une interview de l’auteur menée par Sylvie Miller sa traductrice ainsi que deux textes bonus.

Ce qui m’avait marqué dans le précédent recueil que j’avais lu de Yoss c’était justement sa capacité à construire des textes qui se révélaient intelligents tout en y ajoutant une dose de Science-Fiction, d’intelligence et offrant un ensemble qui se révèle rythmé et engagé. On retrouve nettement cette tendance avec Interférences qui nous propose alors trois textes, liés entre eux, et traitant de  deux pays voisins, un grand pays qui se veut démocratique et un petit pays totalitaire, mais dirigé par un dictateur qui se veut guide de son peuple (toutes ressemblances avec les USA et Cuba n’est pas fortuite je vous rassure). Une fois le cadre posé l’auteur se met alors à nous décrire de façon passionnante la réaction de ces deux pays devant des phénomènes, souvent inexpliqués, qui vont profondément les bouleverser et surtout les révéler. On se retrouve alors avec une critique acerbe, souvent pleine d’ironie, de deux nations aux visions totalement opposés et qui, officiellement, ne peuvent pas s’entendre et font tout pour se pourri l’un l’autre.

Que ce soit dans le premier récit Les Interférences, où une télévision, dans le petit pays, se met à annoncer le futur où l’auteur se met alors, en plus de construire son univers barré et pourtant si réaliste, à traiter de la façon dont une dictature pourrait se servir d’une telle technologie pour asseoir sa légitimité et supériorité grâce, par exemple, à la revente d’informations connues à l’avance. Plus on avance plus le sujet devient grave et pourtant totalement délirant, arrivant à osciller avec les deux notions sans jamais tomber dans l’excès. On rigole tout en se posant des questions sur ce petit pays si fermé et contrôlé qui cherche une reconnaissance. Le second texte, Les Pièces, lui, nous propose de voir comment vont réagir le grand pays et le petit pays face à, ce qui parait être, un virus ou une invasion alien incontrôlée transformant une partie de la population en « objets ». De nouveau l’auteur pousse son sujet à son paroxysme et toujours dans l’humour noir, nous démontrant que le grand pays face à sa taille et son aspect démocratique plonge plus facilement dans l’angoisse de masse, le repli et la peur là où le petit pays lui risque de mieux s’en sortir tant il contrôle et censure son peuple. Il offre aussi par la même occasion une belle critique des armes à feux et des soins pour finir dans une conclusion totalement mystique et extravagante. La dernière nouvelle, Les Cheminées, va pousser la folie et l’incongru à son paroxysme en dévoilant une guerre d’égo, une compétition entre le grand pays et le petit pays pour savoir qui aura la plus grande cheminée du monde, soutenu par un peuple qui ne cherche qu’à voir qui est le meilleur sans chercher à comprendre les conséquences et qui aboutit à une conclusion absurde et pourtant tellement marquante. Ce texte offre aussi une critique assez efficace sur ce qui se passe depuis quelques années au niveau des gratte-ciel.

Au final ces trois textes se révèlent savoureux que ce soit dans la dérision efficace qu’il propose au fil des pages, mais aussi dans la critique acerbe, et pourtant si réaliste, qui est à peine voilée que ce soit aussi bien au niveau de Cuba (le petit pays) qu’au niveau des USA (le grand pays) qui est loin, lui aussi, d’être parfait. Surtout on sent bien que l’auteur aime son pays, que malgré ses nombreux points critiquables et ses défauts il est loin d’être l’enfer, que ce soit par la vision de la population qui nous est présenté, ou encore par cet accent de nostalgie que j’ai trouvé qui se dégageait des différents textes. Trois nouvelles intelligentes, traitées avec finesse, fantaisie et que j’ai lu avec grand plaisir. Si l’auteur veut revenir dans cet univers c’est avec plaisir que je me laisserai tenter.

Concernant le reste des livres la suite nous propose une interview de l’auteur qui nous permet d’en apprendre plus sur lui, que ce soit dans ses influences comme dans sa façon, ainsi que celle de Cuba, de voir la SF, mais aussi sur la perception de ses textes dans son pays (Interférences n’étant pas publié à Cuba). Un échange entre Yoss et Sylvie Miller qui se révèle vraiment intéressant à découvrir. Vient ensuite deux nouvelles bonus, la première Ils Étaient Venus permettant à l’auteur de revisiter le principe du premier contact, toujours avec un certain humour, mais qui m’a paru un peu long et plutôt anecdotique dans ce livre. La seconde Seppuku nous propose un texte à l’ambiance asiatique, et plus précisément sur les samouraïs, dont je reconnais les attraits stylistiques, on sent que l’auteur à travailler sa plume, mais qui m’a paru légèrement brouillonne et surtout dénote totalement avec le reste des écrits du livre. Au final un petit livre qui m’a offert une bonne lecture et me donne envie d’en apprendre encore plus sur les autres textes de l’auteur.

En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec ce petit livre qui nous propose trois nouvelles imbriqués les une dans les autres et proposant une critique acerbe, efficace et pleine d’humour sur la situation entre un petit pays et un grand pays qui n’est pas sans rappelé Cuba et les USA. Rien que pour ces trois nouvelles ce texte mérite d’être découvert où se dévoile un petit pays loin de la dictature et la tyrannie qu’on connait et où le grands pays et loin d’être le paradis. On sent d’ailleurs une certaine nostalgie et un certain amour de l’auteur pour sa nation malgré ses innombrables défauts. Le recueil nous fait aussi découvrir une interview de Yoss menée par Sylvie Miller et qui se révèle vraiment intéressante ainsi que deux nouvelles considérées comme « bonus » qui se révèlent sympa mais un cran en-dessous des trois premiers récits. Au final un recueil qui mérite d’être découvert et je lirai sans soucis d’autres écrits de l’auteur.

 

Ma Note : 8/10

Pixel Noir – Jeanne-A Debats

pixel noirRésumé : Pixel est un adolescent solitaire et un crack en informatique. Après un grave accident, son esprit est plongé dans un Virtuel de Repos tandis que son corps est aux mains des médecins. Ce Virtuel est censé prendre la forme d’un campus universitaire dans lequel évoluent les avatars des malades, mais à son arrivée, Pixel découvre un monde sans adultes, sous la coupe d’un ado avide de pouvoir. Et ce n’est pas tout : l’environnement se détraque, il neige en plein été, les journées s’allongent démesurément… Le Virtuel de Repos est en proie à un bug qui risque d’entraîner leur vraie mort à tous.

Edition : Syros

 

Mon Avis : De l’auteur j’ai lu énormément de textes, qu’il s’agisse de romans ou de nouvelles, et j’avoue ne jamais, pour le moment, avoir été déçu, Jeanne-A Debats proposant toujours des récits captivants, entrainants et réfléchis. Pourtant je dois bien avouer que je n’avais encore jamais lu de ses écrits jeunesses, principalement dû au fait que, finalement, je me rends bien compte que j’en lis très peu. J’ai donc décidé de changer cela et je me suis rapidement laissé tenter par ce Pixel Noir, au résumé intrigant et à l’illustration de couverture accrocheuse.

Ce livre nous fait découvrir Pixel, jeune adolescent, génie en informatique et solitaire, fils de parents divorcés, rebelle s’étant fait renvoyer de plusieurs écoles, qui suite à un grave accident va être envoyé dans un virtuel de repos pour lui permettre de continuer à vivre et étudier le temps qu’il se fasse soigner, évitant aussi ainsi la douleur et les complications. Mais voilà, à son arrivée il va très vite se rendre compte que rien ne se passe comme prévu, le virtuel connait un bug et tous les occupants survivent comme ils peuvent. L’auteur cite rapidement dans le texte Sa Majesté des Mouches et ce n’est pas anodin, car elle nous fait découvrir, à travers les yeux de Pixel, une société gérée par un adolescent dictateur, qui règne sur son petit monde par la peur, la manipulation et la souffrance. Elle nous rappelle ainsi clairement que; sans ordre ni morale l’humanité se tourne souvent vers ce qu’il considère comme la survie la plus primaire, sans se soucier des règles qui ont pu exister, oubliant le vernis de civilisation qui la constitue, et peut-être même plus facilement chez un adolescent qui est encore en construction. Seule la jeune Solfé représente une certaine ancre de logique et de cohérence, mais surtout un espoir.

Là-dessus l’auteur construit une intrigue qui se révèle, certes, assez classique et légèrement linéaire, mais entrainante et menée tambour battant, mettant en scène la fuite en avant des héros qui se rendent rapidement compte que ce bug se révèle beaucoup plus problématique et dangereux que prévu. Dès les premières pages l’auteur nous happe, parfois brusquement comme par exemple avec ce premier chapitre proposant un dialogue limite perturbant entre Pixel et sa mère, mais qui vient clairement poser le personnage. On se met alors à tourner les pages avec l’envie d’en apprendre plus,  entrainé par les différentes aventures et rebondissements que vont rencontrer nos héros. L’univers futuriste (2119) construit par l’auteur se révèle assez simple, solide et surtout réussi tout en restant assez contemporain pour ne pas perdre le lecteur. L’aspect technologique et informatique est franchement captivant et surtout on sent qu’elle s’est renseignée un minimum évitant de tomber, comme dans certains livres, dans les facilités liées à la programmation informatique, tout en restant compréhensible même pour le plus néophyte des lecteurs.

Là où le roman gagne énormément en efficacité, selon moi, c’est dans les axes de réflexion qu’il propose au fil des pages. Il va beaucoup plus loin qu’un simple divertissement, cherchant à faire réfléchir le lectorat, aussi bien jeune que moins jeune, sur des sujets importants et souvent d’actualité. Outre les aspects classiques qu’on retrouve régulièrement comme la découverte de l’amitié, de l’amour ou encore la quête initiatique, on trouve aussi d’autres sujets comme la sexualité dans son ensemble, la capacité de se positionner dans la société, l’image de soi et celle que les autres ont de nous, l’acharnement thérapeutique, la mort, le pouvoir ou encore le suicide principalement chez les jeunes. L’auteur traite aussi, mais plus en périphérie et de façon parfois juste esquissée, du principe de la famille, qui est de plus en plus compliqué entre divorce et recomposition, ou encore de l’économie de marché entre brevet et licence libre. La grande force du roman est surtout d’arriver à faire germer ces idées de façon simple, astucieuse mais pourtant réussie et percutante tout en restant subtile pour ne jamais surcharger l’ensemble. C’est intelligent, habile et cela pousse le lecteur à réfléchir sur la société tout en restant entrainant et fluide.

Concernant les personnages, ils se révèlent clairement réussis, curieux et attachants, on se reconnait d’ailleurs assez facilement, en partie, dans chacun de ces adolescents qui n’ont pas obligatoirement une vie facile et se retrouvent pourtant à devoir avancer, faire des choix, au milieu d’une population hétéroclite qui ne les comprend pas toujours. Entre Pixel, enfant de parents divorcés, aimé mais qui apprend qu’il était non désiré, qui se révèle intelligent, solitaire et ouvert, Sam qui a du mal à être accepté pour ce qu’il est, qui manque de confiance en lui ou encore Solfé qui se révèle très mystérieuse, chaque protagoniste se révèle travaillé et soigné. Même Damon, le Tyran de cet univers, est loin de tomber dans la caricature. Ce sont des héros humains qui possèdent des sentiments, des émotions des forces et des faiblesses.

Après, cela reste aussi un roman jeunesse, ce que je veux dire par là n’a rien non plus de péjoratif, mais on y retrouve une certaine facilitée dans l’évolution de l’intrigue, voir des réponses obtenues parfois un peu trop rapidement. Dans l’ensemble, mis à part peut-être une facilité vers la fin, ces reproches sont rapidement balayés tant ce livre se révèle captivant et passionnant. La conclusion que nous propose l’auteur m’a touché, je ne dirai rien pour vous laisser la découvrir, mais je l’ai trouvé émouvante, bouleversante, une fin loin de tout happy-end et qui ne m’a pas laissé indifférent.

La plume de l’auteur se révèle toujours aussi soignée et entrainante au fil de la lecture, offrant ainsi un roman efficace avec son lot d’aventures et de péripéties tout en faisant réfléchir le lecteur qu’il soit jeune ou moins jeune. Je suis finalement bien content de m’être laissé tenter par ce roman et je vais, pourquoi pas, faire rentrer dans ma PAL d’autres romans jeunesse de l’auteur.

En Résumé : J’ai passé un très bon moment de lecture avec ce roman jeunesse qui, au départ, n’est pas sans rappeler Sa Majesté des Mouches, qui est justement cité, avec un monde où des adolescent sont livrés à eux-mêmes, survivant sous la poigne d’un tyran. L’intrigue que construit alors l’auteur se révèle, certes classique et linéaire, mais terriblement efficace et entrainante, le tout dans un univers solide, soigné et cohérent qui donne envie d’en apprendre plus. La grande force du récit vient des axes de réflexion que l’auteur met en place tout le long du récit, offrant ainsi plus qu’un simple divertissement, un récit intelligent qui pousse à réfléchir et parfois à reconsidérer certaines choses. Les personnages sont travaillés, complexes et surtout attachants, on se reconnait facilement dans chacun d’eux. Je reprocherai juste, peut-être, quelques facilités à l’histoire, mais au final rien de dérangeant tant le tout est oublié devant la qualité du texte. La plume de l’auteur se révèle soignée, entrainante et je risque de me laisser facilement tenter par d’autres de ses récits jeunesse.

 

Ma Note : 8/10

 

Autres avis : Cornwall, nymeria, etc…

Les Perséides – Robert Charles Wilson

les perseidesRésumé : C’est l’histoire de deux géographies intriquées : celle des ruelles nocturnes de Toronto et celle de l’étrange librairie Finders, deux géographies qui ne sont pas ce qu’elles semblent être car non, décidément, la carte n’est pas le territoire… C’est l’histoire des abîmes vertigineux de l’espace et du temps et de ce qu’ils abritent, de l’étrange et de l’occulte, là, au coin de la rue, au détour d’un rayonnage de bibliothèque ou sur une case d’échiquier… C’est l’histoire de ce qui ne peut être vu et que l’on voit quand même, de ce qui ne peut être dit et qu’il nous faut dire, malgré tout… C’est l’histoire des Perseides, neuf récits se répondant les uns les autres pour tisser l’ébauche d’un paysage indicible, un livre à l’ombre des grands maîtres tutélaires de l’œuvre wilsonienne : Jorge Luis Borges, Howard Phillips Lovecraft et Clifford D. Simak en tête. Peut-être le livre le plus personnel de Robert Charles Wilson.

Edition : Le Bélial’

 

Mon Avis : De Robert Charles Wilson je me suis finalement rendu compte que je n’avais quasiment lu que des romans et très peu de nouvelles. En fait la seule nouvelle que j’ai lu de lui c’est, L’Observatrice, publié initialement dans l’anthologie Utopiales 2012 et qu’on retrouve d’ailleurs aussi dans ce livre. Donc quand a été annoncé ce recueil de nouvelles de l’auteur, j’avoue que je n’ai pas mis longtemps à me laisser tenter. Puis, il faut bien avouer que la couverture, illustrée par Manchu, se révèle très jolie et possède quelque chose de poétique qui donne envie de le lire je trouve. À noter que ce recueil contient neuf nouvelles.

Les Champs d’Abraham : Cette nouvelle nous plonge dans le quotidien de Jacob, en 1911, jeune juif intelligent qui gagne sa vie de petits boulots et doit élever sa sœur qui souffre de troubles mentaux. Son seul moment de détente et quand il rejoint la librairie Finders pour jouer aux échecs avec son patron, Oscar Ziedler. Une nouvelle qui pose une ambiance que j’ai trouvé intéressante, se révélant étrange et de plus en plus dérangeante au fil des pages avec l’ambiguïté qui transparait doucement de cette librairie et principalement de son propriétaire Oscar Ziedler. Je trouve par contre légèrement dommage que le reste ne suit pas toujours, que ce soit dans l’univers qui essaie de dévoiler la pauvreté de l’époque, mais restant toujours en surface, ou bien encore dans les choix qui m’ont paru mal amené, trop rapides et dont certaines explications m’ont paru manquer. Dommage car le personnage principal de Jacob se révèle attachant, devant faire face à des choix et des décisions pas toujours faciles  à prendre, principalement vis-à-vis de sa sœur. Une nouvelle au final juste sympathique à l’ambiance sombre et la conclusion surprenante, mais dont certains aspects manquent de consistance.

Les Perséides : Une nouvelle plus contemporaine qui nous fait découvrir Thomas, amateur d’astronomie, qui suite à un divorce se retrouve à changer de vie, va trouver un petit boulot dans une librairie et va alors rencontrer Robin. Un texte que j’ai trouvé efficace, principalement grâce, de nouveau, à son ambiance qui plonge lentement le lecteur au fil des pages d’une situation banale vers quelque chose de plus dérangeant, horrible et troublant. On se retrouve entrainé par ses personnages humains et légèrement paumés qui vont peu à peu se retrouver embarquer dans un groupe et qui nous rappelle que le ciel est finalement bien plus que ce qu’on peut croire, qu’il peut s’y cacher de nombreuses choses. Le parallèle avec l’aspect des sectes est aussi présent et l’auteur y ajoute une petite dose de chamanisme qui apporte une touche supplémentaire, je trouve, de mystère. J’en dévoile pas trop pour ne pas trop spoiler mais j’ai bien aimé ce récit à la conclusion surprenante et déroutante.

La Ville dans la Ville : Cette nouvelle nous présente un groupe de personnes érudites qui se retrouvent régulièrement pour discuter se lancer différents challenges. Un jour un des participants les plus discret va proposer de développer une nouvelle religion et la meilleure serait déclarée gagnante. Le grand intérêt de cette nouvelle vient principalement de la ville de Toronto qui devient ici clairement le centre de l’histoire. Elle en est le pivot et se révèle tout à fait fascinante à découvrir, possédant ses zones d’ombres et de mystères où se mélangent mythes, imaginations et réalité. Au fil des pérégrinations du héros on va se rendre compte aussi que quelque-chose s’y cache, quelque chose de plus profond. Une histoire efficace où l’auteur s’amuse à manipuler le lecteur jusqu’à cette conclusion trouble, percutante, pleine de rebondissements et passionnante.

L’Observatrice : Comme je l’ai dit j’ai déjà lu cette nouvelle dans l’anthologie des Utopiales 2012. Vous pouvez retrouver ma chronique ici. Cette deuxième lecture ne lui a rien enlevé de son charme avec cette rencontre captivante entre une jeune fille et Edwin Hubble qui traite de façon humaine, à travers l’idée de l’enlèvement par des extra-terrestres, de la différence et de la solitude.

Protocoles d’Usage : Cette nouvelle fait, selon moi, partie des meilleurs du recueil elle nous fait découvrir un personnage bipolaire sous traitement au Lithium et qui se retrouve à suivre une thérapie de groupe. L’auteur nous plonge alors dans une histoire déroutante, ambigu et offrant alors un lien bien trouvé avec les phéromones qui permettent aux insectes de communiquer. La tension est parfaitement bien gérée par l’auteur, montant lentement au fil des pages pour véritablement happer le lecteur et lui donner envie d’en savoir plus. Les personnages se révèlent humains avec leurs problèmes à gérer. Un texte intelligent et réussi qui traite aussi de la médication, de la façon dont on plonge de plus en plus facilement dedans, pas toujours à bon escient y cherchant parfois plus un bien-être chimique qu’une véritable solution.

Ulysse voit la lune par la fenêtre de sa chambre : Cette courte nouvelle, j’avoue, je ressors plutôt mitigé de ma lecture. L’auteur cherche ici à développer un texte à chute, traitant d’une conscience supérieure dont on ne serait rien car on ne pourrait pas la voir ni la reconnaitre comme tel. Elle nous fait alors découvrir un couple qui bat de l’aile dont le mari invite un soir un de leur meilleur ami, qui a secrètement des vues sur sa femme. J’ai trouvé que l’ensemble manquait un peu de profondeur, j’ai bien senti que les idées étaient là, je vois bien le jeu de manipulation, le doute qui s’installe, mais il m’a paru manquait quelque-chose. L’ensemble aurait peut-être mérité d’être un peu plus long.

Le Miroir de Platon : Cette nouvelle nous fait découvrir un écrivain a succès, coureur de jupons qui va alors voir sa vie bouleverser le jour où une jeune admiratrice vient lui offrir en cadeau un miroir. Une histoire à la construction assez classique avec cette idée de « monstres » dans le miroir qui, même si elle ne révolutionne pas le genre, se révèle pertinente, efficace et plutôt réussie. L’aspect ambigu du personnage principal narcissique, égoïste et qui pourtant parait cacher quelque-chose de plus profond apporte aussi un plus, je trouve à l’ensemble le tout dans une ambiance très fêtarde voir hippie avec mélange d’alcool et de drogue qui plonge peu à peu dans l’étrange et l’angoissant. Au final un texte agréable et qui se lit bien avec une conclusion efficace.

Divisé par l’Infini : Cette nouvelle nous présente un homme qui a du mal à se remettre de la mort de sa femme, devenu limite suicidaire et dont la vie va basculer après sa visite à la librairie Finders ou a travaillé sa femme durant des années. Il va en repartir avec des livres de SF d’anciens auteurs connus, mais qui n’ont jamais été écrit. Cette nouvelle se repose clairement sur les plausibilités des univers parallèles et monte clairement en tension au fil des pages. L’auteur tire au fil des pages le fil de son imagination pour nous offrir un récit qui se révèle de plus en plus éblouissant, débridé, SF et aux multiples chemins, ce qui peut soit fasciné, soit rebuté. J’avoue, de mon côté, avoir été accroché par les différentes possibilités présentées, l’univers ainsi que par la conclusion ouverte qui nous est proposé. L’aspect humain du héros, sa souffrance joue aussi énormément. Un texte efficace et réussi.

Bébé Perle : Cette nouvelle nous fait découvrir Deirdre, personnage qu’on retrouve dans différentes autres textes du recueil et qui est vendeuse à la libraire Finders. L’auteur cherche alors à construire ici une nouvelle qui penche beaucoup plus vers le côté angoissant et horreur que les précédentes, se rapprochant même légèrement de Lovecraft. L’ambiance ne manque pas de se révéler prenante et les idées sont présentes, mais voilà je n’ai jamais réussi complètement à m’accrocher à ce texte. Le personnage principal se révèle plutôt intéressant mais les personnages secondaire ne donnent l’impression de servir à rien, le rythme m’a paru trop haché avec un début trop lent et une fin trop rapide, ou bien encore certains aspects et certaines scènes m’ont paru manquer d’intérêt. L’auteur annonce clairement dans la Postface qu’il a écrit ce texte en 10 minutes, c’est peut-être là que ça bloque, car pour moi ce texte aurai mérité d’être plus travaillé. Dommage

 

Ce recueil, finalement, nous fait découvrir Robert Charles Wilson dans un registre un peu différent de ce que je connaissais de lui à travers mes différentes lectures, proposant toujours de la SF mais cherchant plus le côté troublant, angoissant, dérangeant et je dois bien avouer qu’il s’en sort plutôt bien. Alors certes tous les textes ne sont pas au même niveau, certains m’ayant même laissé perplexe, mais dans l’ensemble il propose des récits que j’ai trouvé efficaces, qui savent jouer avec la tension et le merveilleux et dont j’ai même parfois été surpris. On sent bien que l’auteur possède une imagination débordante, nous faisant aussi découvrir la ville de Toronto sous un regard assez magique. Au final ce recueil m’a offert une lecture très agréable.

En Résumé : J’ai passé un bon moment de lecture avec ce recueil de nouvelles qui nous permet de découvrir Robert Charles Wilson dans un genre différent, cherchant plus à développer des textes étranges et déroutants. Alors bien entendu tous les textes ne sont pas au même niveau, un ou deux ayant même eu du mal à me convaincre, mais dans l’ensemble ils se révèlent tout de même efficace et nous font découvrir la ville de Toronto sous un autre jour, pleine de magies et de mystères. Les personnages se révèlent toujours aussi humains et attachants. En tout cas j’ai maintenant envie d’en apprendre encore plus sur cette librairie Finders.

 

Ma Note : 7/10

Anti-Glace – Stephen Baxter

anti-glaceRésumé : L’anti-glace est une matière au potentiel hautement énergétique. Inerte à basse température, elle atteint son rendement optimal sous l’effet de la chaleur. Depuis sa découverte par une expédition anglaise dans les neiges du pôle Sud, elle a donné à la Couronne britannique le leadership mondial en cette seconde moitié du XIXe siècle. Un leadership qui ne fait qu’exacerber les tensions entre le Royaume-Uni, la France et la Prusse…
Jeune diplomate en mal d’aventures, Ned Vicars est à Ostende dans le but de contempler l’avènement d’une de ces merveilles scientifiques qu’autorise l’anti-glace. Mais il se retrouve bientôt bloqué, lui et une poignée d’autres infortunés, à bord du Phaeton, engin prodigieux qui quitte l’atmosphère terrestre en direction de la Lune. L’équipée fantastique commence…

Edition : Le Bélial’

 

Mon Avis : De Stephen Baxter je ne me suis, pour le moment, contenté de lire qu’une partie du cycle de Xeelees qui m’a offert un bon moment de lecture, Space-Opera efficace et soigné d’un point de vue scientifique. Les derniers tomes m’attendent d’ailleurs dans ma PAL. D’autres romans de l’auteur m’attendent aussi et, j’avoue, j’ai rapidement flashé et fait sortir de ma bibliothèque cet Anti-Glace, publié il y a peu chez Le Bélial’ et qui me donnait fortement envie par son résumé très Steampunk et surtout par sa couverture illustrée par Manchu & Philippe Gady, que je trouve sublime. Il est à noter que ce roman a été initialement publié en VO en 1993.

J’avais hâte de voir ce que pouvait bien proposer l’auteur, cette histoire se révélant différent du peu que j’ai lu pour le moment de lui, cherchant plus à nous offrir un récit hommage à des auteurs comme Jules Verne ou H.G. Wells et où le Steampunk prédomine. Pourtant, une fois la dernière page tournée je dois bien avouer que je me suis bien amusé avec ce livre, mais qu’un sentiment d’insatisfaction persiste sur certains points que j’ai trouvé traité de façon un peu trop légères pour moi. Je m’explique. Concernant l’intrigue en elle-même se révèle plutôt plaisante, fun et se laisse lire assez facilement bien porté par les différentes aventures et péripéties que vont rencontrer nos héros même s’il faut bien l’avouer l’ensemble parait un peu irréel tant les différents passages manquent parfois de cohérence et surtout de réalisme. On a plus l’impression par moment que l’auteur a clairement voulu s’amuser avec ce récit, que construire une histoire cohérente et logique ce qui est, j’ai trouvé par moment, légèrement perturbant. J’ai trouvé aussi que le rythme, même s’il n’est pas ennuyeux, se révélait très haché. On se retrouve par certains passages clairement emporté par les rebondissements qui apparaissent, mais l’ensemble est contrebalancé par des passages, principalement des dialogues, beaucoup trop verbeux qui m’ont paru parfois traîner en longueur.

L’univers Stempunk qui est développé au fil des pages se révèle par contre intéressant et fascinant avec la découverte de cette anti-glace la fin du 19ème siècle qui alors, d’un point de vue technologique, se retrouve complètement bouleverser. Le monde découvre de nouvelles inventions avec la possibilité de se déplacer sur un monorail même à travers la mer, ou encore ce Prince Albert fascinant et gigantesque paquebot terrestre, image décadente d’une nation sans aucune limite, mais aussi encore par des inventions plus sombres et plus destructrices. L’ensemble donne franchement envie d’en découvrir plus. Ce mélange de cuivre, de tuyauteries et de vapeur arrive toujours autant à me passionner, l’auteur arrivant ici à le rendre réaliste et intéressant et surtout bien poser par des aspects et des théories scientifiques qu’il rend toujours aussi accessible, même si parfois un peu longuet. Une couche d’humour et d’ironie, parfois caricatural, vient également teinter cette histoire, on le sent bien autant dans les personnages que dans les différentes nations, leurs visions et leurs différences ce qui ajoute une touche divertissante et ne manque pas de faire sourire.

Ce livre n’est pas non plus qu’un simple récit d’aventure dans un monde revisité Steampunk, c’est aussi une uchronie ; l’Angleterre avec l’Anti-Glace ayant découvert aussi une arme de destruction massive qui vient la positionner en nouvelle nation forte du monde. Le parallèle avec les Etats-Unis suite à la seconde guerre mondiale et clairement établi. L’auteur cherche alors à faire réfléchir le lecteur sur l’impérialisme, la révolution, l’anarchisme, la guerre, le pouvoir et surtout sur les différences qui font que vouloir se positionner en gardien d’une paix mondiale parait utopique tant les visions des uns et des autres se révèlent différentes. Mais voilà j’ai trouvé par moment que l’ensemble était mal amené voir même parfois un peu trop caricaturale, comme si l’auteur cherchait à balancer ses axes de réflexions, mais sans les travailler ni les affiner. L’ensemble se révèle donc parfois trop bancal à mon goût. Puis arrive la conclusion et là, j’avoue, j’ai été happé par le livre, une conclusion amère au message sombre, efficace, pertinent et percutant qui ne laissera pas le lecteur indifférent. J’ai donc eu, avec ce roman, l’impression d’une histoire coupée en deux, une première partie où l’auteur s’amuse, et amuse le lecteur, à travers son hommage, sans chercher la logique, ce qui déroute, et une fin de récit beaucoup plus réussi et entrainante offrant des images fortes, réfléchies et poignantes.

Concernant les personnages je ressors aussi avec un avis un peu mitigé, j’ai trouvé les protagonistes secondaires convaincants et vivants, arrivant à faire avancer l’histoire et à apporter leurs touches au fil des pages, les rendant intéressant à découvrir. Là où j’ai bloqué c’est concernant le personnage principal, il s’agit d’un diplomate un peu simple que j’ai trouvé efficace au début, son côté un peu candide permettant d’appréhender ce monde de façon rafraichissante en le découvrant limite avec des yeux nouveaux, mais très vite l’auteur en abuse. De crédule son personnage devient beaucoup trop naïf pour finir limite tête à claques tant il donne l’impression d’être une coquille vide à qui on doit tout expliquer et apprendre. Et pourtant il arrive à ressortir quelque-chose d’attachant en lui, à travers son héroïsme forcé par les évènements et surtout les beaux yeux d’une française, il arrive même sur la fin à devenir un personnage consistant avec ses propres idées et références, mais que c’est long et parfois laborieux. Certes cela permet à l’auteur d’apporter sa touche scientifique, comme il l’a fait avec les deux premiers tomes de son cycle de Xeelees, proposant un dialogue entre une personne qui a la connaissance et une autre qui ne l’a pas, mais voilà quand la personne qui ne sait rien est toujours la même c’est frustrant voir répétitif.

La plume de l’auteur se révèle simple, entrainante et, même si je l’ai trouvé un tout petit peu moins entrainante que d’habitude, elle donne envie tout de même de tourner les pages pour découvrir la suite. Au final il faut donc bien avouer que ce roman de Stephen Baxter n’est sûrement pas son meilleur, mais il n’est pas non plus complètement mauvais pour autant. L’ensemble est clairement bancal, voir parfois irréel, j’en attendais peut-être aussi trop, mais cela ne l’empêche pas de se révéler plutôt divertissant avec des axes de réflexions plus ou moins passionnants et une conclusion qui se révèle, selon moi, réussie. Il ne me reste plus qu’à me replonger dans les autres écrits de lui qui sont dans ma PAL.

En Résumé : Je dois bien avouer que je ressors de cette lecture avec un sentiment plutôt ambigu, je me suis bien amusé avec ce livre, mais l’ensemble est loin d’être parfait. L’intrigue, qui rend hommage à des auteurs comme Verne ou Wells, se révèle pleine d’aventures et de péripéties intéressantes, mais elle m’a paru manquer par moment de logique et voit son rythme parfois plombé par certains dialogues trop verbeux et un peu long. L’univers Steampunk se révèle être très réussi, mélange de vapeur, de tuyauterie, de cuivre et d’inventions qui donnent envie d’en apprendre plus. L’uchronie, qui redéfinit le jeu des pouvoir en Europe avec l’Angleterre devenue une grande puissance grâce à cette arme qu’est l’anti-glace, offre des réflexions sur le pouvoir et la paix qui se révèlent intéressantes et parfois pertinentes, mais qui m’ont aussi paru mal amenés et lancé sans être totalement affinées. Concernant les héros de ce livre j’ai trouvé les personnages secondaires pertinents, efficaces et intéressant mais j’avoue avoir eu du mal avec le personnage principal qui malgré quelques aspects attachants se révèle beaucoup trop naïf et parfois tête à claques. Le style de l’auteur se révèle simple et entrainant. Au final ce n’est sûrement pas le meilleur livre de l’auteur, j’en attendais peut-être trop aussi, mais il se révèle divertissant.

 

Ma Note : 6,5/10

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