Résumé : Dans les arènes de Sharakhaï, la perle ambrée du désert, Çeda combat tous les jours pour survivre. Comme de nombreux autres, elle espère la chute des douze Rois immortels qui dirigent la cité depuis des siècles. Des souverains cruels et tout-puissants qui ont peu à peu écrasé tout espoir de liberté, protégés par leur unité d’élite de guerrières et les terrifiants asirim, spectres enchaînés à eux par un sinistre pacte. Tout change lorsque Çeda ose braver leur autorité en sortant la sainte nuit de Beht Zha’ir, alors que les asirim hantent la ville. L’un d’eux, coiffé d’une couronne en or, murmure à la jeune fille des mots issus d’un passé oublié. Pourtant, elle les connaît. Elle les a lus dans un livre que lui a légué sa mère. Et le lien que Çeda découvre entre les secrets des tyrans et sa propre histoire pourrait bien changer le destin même de Sharakhaï…
Edition : Bragelonne
Mon Avis : Comme tous les ans, Bragelonne nous propose de découvrir son coup de cœur de l’année. J’avoue, avec le temps, j’ai pris cette expression avec des pincettes tant j’ai connu des hauts et des bas avec ces fameux coup de cœur de l’éditeur. Cette année c’est donc ce premier tome de la série Sharakhaï qui est mis en avant et j’avoue que j’ai rapidement craqué, que ce soit pour son résumé efficace et accrocheur et aussi pour sa couverture, illustrée par Marc Simonetti, que je trouve superbe.
On se retrouve ainsi à suivre le destin de Çeda qui, suite à la mort de sa mère, s’est donnée comme mission d’éliminer les douze rois de Sharakhaï, responsable de tous les maux de la ville. Un jour lors d’une mission qui tourne mal, elle va rencontrer un asirim, spectres qui apparaissent la nuit de Beht Zha’ir pour récupérer leurs sacrifices, qui au lieu de la tuer va lui parler. Son désir de vengeance va alors trouver une nouvelle voie. Bon autant le dire tout de suite, ce roman remplit la check-list de ce qui se retrouve régulièrement dans un roman de Fantasy : une vengeance, une prophétie, un univers plein de magie et de mystères, et je dois bien avouer que l’auteur s’en sort plutôt bien. Il ne révolutionne pas vraiment le genre, mais offre une intrigue un minimum solide et entrainante, alternant de façon efficace rebondissements, trahisons, jeux de pouvoir, action et phase plus calme d’explications.
Le démarrage se révèle ainsi plus que percutant, avec un premier chapitre nerveux offrant un combat d’arène incisif et une héroïne forte. On se retrouve alors à tourner les pages assez facilement, histoire d’en apprendre plus sur l’envie de vengeance de notre héroïne ainsi que sur le monde développé qui ne manque clairement pas d’attrait. Après j’avoue que la façon de faire évoluer l’intrigue m’a paru par moment un peu trop téléphonée, voir facile, comme si l’auteur visait une Fantasy aussi bien adolescente que adulte. Le rythme m’a paru par moment légèrement saccadé, la fin proposant un peu trop d’ellipses permettant à l’auteur d’aller plus vite, mais m’a donné l’impression d’un léger manque. Mais dans l’ensemble, rien de non plus trop bloquant tant l’intrigue avec ses énigmes arrivent à donner envie de lire la suite.
L’univers est par contre, je trouve, le gros point fort du roman. Il nous plonge dans un monde typé Moyen-Orient qui ne manque pas d’attrait et donne clairement envie d’en apprendre plus, voir d’y plonger dedans. Cette ville tentaculaire possède quelque-chose d’attrayant que ce soit dans ses descriptions plutôt efficaces comme dans l’ambiance qu’elle cherche à retranscrire. On se sent ainsi emporté par cet univers, offrant même quelques idées intéressantes comme ces moyens de déplacement sur patins. Les rois sont là pour y apporter ce côté sombre et violent, même si j’ai au final trouvé l’ensemble plutôt « léger ». Ce que je veux dire par là c’est que pour une ville, soit-disant despotique, où on se retrouve plongé dans les bas-fond, je n’ai pas non plus trop ressenti cet aspect dérangeant, violent et sombre. Rien de bien méchant au final, l’auteur cherchant ainsi sûrement à viser un public plus large.
Le jeu politique, avec cette idée des douze rois immortels et de leur pacte avec les dieux qui doit sûrement servir de fil rouge au cycle, se révèle très intéressant. Il joue parfaitement sur le mystère, dévoilant de façon efficace ses révélations et ses surprises attisant ainsi la curiosité du lecteur. Après je n’aurai qu’un regret concernant ce monde, l’auteur en fait trop je trouve. Ce que je cherche dans un univers de Fantasy c’est, certes, quelque chose de dense et de soigné, mais qui laisse aussi l’imagination du lecteur être emporté. Hors ici, trop de description à mon goût ont fait que je n’ai pas été autant emporté que dans d’autres romans du même genre. Comme si l’ambiance y perdait au change. Ce n’est pas non plus bloquant, tant je reconnais la qualité de l’univers et qu’il me donne envie d’en apprendre plus, mais c’est parfois frustrant car j’aurai aimé sentir le sable chaud où les odeurs de Sharikhaï. En tout cas à voir comment l’auteur va développer la suite, tellement le monde présenté paraît vaste et attrayant.
Concernant les personnages on va rentrer dans, selon moi, le point sensible du roman. Celui qui, je trouve, a le plus empêché ce roman d’offrir tout son potentiel. Je ne peux pas nier que l’auteur a pris du temps à construire ses protagonistes, leur offrant une histoire qui ne manque pas de profondeur. La construction est faite de telle façon que l’on se retrouve à suivre trois personnages, offrant ainsi des points de vues différents sur la ville et le monde que l’on découvre. Les héros secondaires, sans révolutionner le genre, avec le père adoptif bourru et détestable mais qui au fond possède un cœur énorme où la devineresse aveugle, s’avèrent solides. Ils font ainsi avancer de façon efficace l’intrigue, tout en maintenant cette dose de mystère et d’intérêt. Au final je ne peux pas nier qu’ils sont entraînants dans leurs aventures et leurs péripéties.
Sauf que voilà, le gros point frustrant c’est que je n’ai jamais réussi à m’attacher aux deux héros principaux : Çeda et Emre. Il faut dire qu’ils sont quand même rapidement têtes à claques. L’héroïne n’écoute jamais rien, se lance tête baissée sans une once de réflexion ou d’élaboration d’un plan mettant ainsi en danger ses amis et sa famille, mais qui pourtant te sort sa belle morale qu’elle contredit même à un moment dans le récit. C’est dommage car elle ne manque pas d’énergie et de combativité. Emre, lui, je l’ai j’ai trouvé plutôt fade dans son rôle de tombeur de filles qui se trouve une pseudo-conscience révolutionnaire qui sert plus à faire avancer l’intrigue que reposer sur une construction efficace. Ce qui est dommage car l’élément déclencheur n’est pas mauvais. Alors attention on pourrait croire que je les ai détestés, mais non il possède un côté efficace dans l’avancée du récit, juste ils ne m’ont quasiment jamais touché à l’exception d’une ou deux scènes. Ensuite l’auteur construit le personnage de Çeda avec une bonne dose de flashback. Trop. La moitié des chapitres flashback m’ont paru inutiles et ne rien apporter ce qui s’ajoute à quelques longueurs ici ou là.
Autre point qui m’a légèrement dérangé, ce sont les nombreuses facilitées que s’offre l’auteur sur la tout fin de son récit. Certaines sont marquées par des ellipses bienvenues permettant à l’auteur d’éviter de développer et une autre, que je ne dévoilerai car concernant la conclusion, m’a juste paru tellement frustrante tant tout le monde l’avale avec facilité. Alors, malgré ce que ma chronique pourrait laisser penser, j’ai passé un sympathique moment de lecture avec ce livre, il est juste loin du coup de cœur annoncé à mon goût. La plume de l’auteur est simple, efficace, mais m’a paru manquer d’un peu de travail pour y gagner pleinement en immersion. Cela ne l’empêche pas de nous plonger avec un minimum de plaisir dans son récit. Au final un premier tome divertissant qui, certes n’a rien de transcendant ou de révolutionnaire, mais je pense lire la suite pour savoir comment l’auteur va faire avancer son univers et son idée de rois.
En Résumé : J’ai passé un moment de lecture sympathique avec le premier tome de ce nouveau cycle. Certes il est loin du coup de cœur annoncé, mais il offre un récit solide, empli de mystères concernant sa mythologie, ses rois et son héroïne, qu’on tourne finalement les pages avec un minimum d’envie d’en apprendre plus. L’univers très Moyen-Orient, est le gros point fort du récit que ce soit dans cette ville tentaculaire et attrayante, comme dans son jeu politique qu’il développe. Je reprocherai juste une proportion à trop travailler les descriptions ce qui a joué sur ma capacité à imaginer et m’immerger complètement dans ce monde. Concernant les personnages je suis plutôt mitigé, ils sont soignés, font bien avancer l’intrigue, mais je n’ai jamais réussi à accrocher aux deux héros. Çeda fonce tout le temps sans jamais réfléchir, mettant ainsi régulièrement en danger ses amis et surtout ne réfléchit pas deux minutes. Emre m’a paru fade, manquant clairement de charisme et son évolution servant plus l’intrigue qu’amener de façon soignée. Dommage la relation des deux possède un certain potentiel concernant les non-dits. Je regretterai aussi quelques longueurs ainsi qu’une moitié des chapitres flashbacks qui n’apportent rien. Certaines facilités se font aussi ressentir, principalement concernant la conclusion, ce qui est légèrement frustrant. La plume de l’auteur s’avère simple, efficace, même si j’ai trouvé qu’elle lui manquait d’un peu de densité pour y gagner encore plus en intérêt. Je lirai sûrement la suite, même si ce ne sera pas, je pense, une priorité.
Ma Note : 7/10
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