Résumé : Trois hommes. Une bataille. Pas de héros.
Selon la légende, Dow le Sombre aurait tué plus d’hommes que le pire des hivers et conquis le trône du Nord en semant le chaos derrière lui. Jaloux, son voisin le roi de l’Union lui envoie ses armées : des milliers d’hommes bardés de fer se dirigent ainsi vers un cercle de pierres oublié, sur une colline sans intérêt, dans une vallée sans importance.
Bremer dan Gorst, fine lame disgraciée, Calder, prince sans couronne, et Curnden Craw, dernier honnête homme du Nord, se retrouvent inexorablement entraînés dans une guerre sans honneur.
Trois jours de bataille sanglante scelleront le destin du Nord. Cependant, entre les conspirations, les querelles et les jalousies mesquines, il y a peu de chances que ce soient les coeurs les plus nobles, ni même les bras les plus forts, qui l’emportent.
Malheur aux peuples qui ont besoin de héros.
Edition : Bragelonne
Mon Avis : Je ne présente plus Joe Abercrombie qui fait partie des auteurs dont j’adore découvrir les romans, offrant une Fantasy vraiment sombre, cynique, violente et efficace et qui, pour le moment, m’a toujours convaincu que ce soit aves sa trilogie La Première Loi (Ma chronique tome 1, tome 2, tome 3) ou son one shot Servir Froid (mon avis ici). Il n’a donc pas fallu longtemps après la sortie de ce livre pour qu’il finisse entre mes mains. D’ailleurs comme Servir Froid il s’agit d’un très beau livre avec carte sur les rabats, couverture cuir et une jaquette très réussie illustrée par Didier Graffet et Dave Senior.
Contrairement à Servir Froid qui se ressentait clairement comme un roman indépendant, malgré la présence de quelques personnages de La Première Loi, ici on peut considérer ce livre un peu comme la suite de la trilogie, même s’il se lit de façon indépendante sans problème. On retourne donc dans le Nord à peine une dizaine d’année après la fin du cycle La Première Loi pour la dernière bataille entre l’Union et les peuples barbares du Nord dirigés par Dow le Sombre. Comme à son habitude l’auteur nous offre ici une histoire qui va se révéler vivante, efficace et entrainante. Il maitrise parfaitement son histoire, sachant rebondir au bon moment et jouant avec la tension et l’intensité de son histoire de façon efficace pour qu’on ne s’ennuie jamais, alternant de façon passionnante les phases d’attentes et de mise en place de stratégies ainsi que les phases de batailles. Le lecteur se retrouve à tourner les pages avec plaisir pour suivre cette bataille sur trois jours qui se révèle vraiment épique, sanglante et captivante.
Mais ce qui fascine surtout c’est tous les axes de réflexions que met en avant l’auteur de façon censé, cohérente, intelligente et passionnante. Alors bien sûr rien non plus de nouveau sous le soleil, mettant surtout en avant l’absurdité de la guerre qui finalement ne sert que quelques personnes bien placées, mais voilà l’auteur arrive à nous présenter clairement les choses de façon entrainante et fascinante, principalement grâce à la mixité des personnages. On y retrouve le héros qui croit avoir une destinée, la jeune recrue qui rêve de gloire, des vétérans qui se font rattraper par l’âge ou qui se retrouvent désabusés et d’autres encore.
Tous ces personnages vont apporter leurs points de vues, ce qui offre un panel de réflexions vraiment prenantes et soignée. Car finalement tout le monde rêve, ou a rêvé d’être un héros, ce qui n’est au final jamais une décision personnelle. La guerre décide. Des héros meurent, des lâches survivent, des hommes brillants n’évoluent jamais là où des personnages ambitieux, mais sans intelligence, se retrouvent Général; voilà ce qu’est la guerre, voilà ce que sont les héros, des hommes avec des forces et faiblesse dont les chants et les contes ne font que glorifier quelques passages. Voilà ce que nous présente l’auteur, le tout de façon toujours aussi sanglante, réaliste, cynique, sans concession et efficace.
Concernant l’univers on retrouve avec plaisir le Nord qu’on avait déjà visité dans la première trilogie. On sent aussi clairement que cette bataille de trois jours n’est pas non plus totalement fantasmé, faisant référence à la bataille de Gettysburg, bataille importante aux USA. La magie se révèle toujours présente même si on est loin des mages qu’on retrouve classiquement dans la fantasy, mais là je vous laisse découvrir. Bayaz le premier mage est d’ailleurs un personnage toujours aussi fascinant. En tout cas comme à son habitude avec l’auteur on retrouve un roman de Dark Fantasy efficace et surtout bien porté par les différentes visions misent en avant par les personnages et par des scènes de batailles se révélant vraiment épiques, sanglantes et comme souvent en temps de guerre vide de sens. On retrouve toujours aussi cette ligne de fond, développée depuis le début, cette lutte entre les mages et le prophète qui se révèle intéressante.
Pourtant, je dois bien l’avouer, malgré toutes les qualités que j’ai mis en avant depuis le début de cette chronique, ce roman se révèle clairement un ton en dessous de Servir Froid. Déjà il faut bien l’avouer ici il n’y a pas vraiment d’histoire, on ne fait que suivre l’évolution de cette bataille qui va définir un gagnant. Alors, certes l’histoire de Servir Froid se révélait aussi assez simple, mais il y avait tout un fond dense d’influence politique et de pouvoir qu’on ne retrouve pas forcément ici ou à trop petite échelle. On se retrouve donc légèrement frustré, une fois la dernière page tournée, surtout qu’il y avait sûrement quelque chose à faire entre cet aspect de guerre, pour soit disant libérer un pays oppressé, alors que dans l’ombre c’est bien plus que cela. De plus l’auteur nous avait habitué à une galerie de personnages tous fascinants, alors que dans ce roman quelques-uns se révèlent clairement ternes et ont du mal à s’imposer, un peu comme ce gamin du nord qui espère devenir héros comme son père, mais qui va découvrir la réalité de la guerre, personnage qui a eu du mal à me convaincre. Ce roman reste un bon récit, mais, sans ces quelques aspects qui m’ont frustrés, il aurait été excellent.
Le style de l’auteur se révèle toujours aussi efficace, cynique, percutant et entrainant nous plongeant avec facilité dans cette fresque sanglante d’une bataille sans logique. Mais surtout la réussite de l’auteur repose sur cette cohérence entre les différents personnages qui nous offrent ainsi une réflexion vraiment intelligente et intéressante. Surtout que la conclusion est loin de ce qu’on pouvait attendre et réserve son lot de surprises même si, une fois qu’on connait l’auteur, on arrive à voir certains retournements arriver. Mon seul reproche est toujours cette utilisation parfois légèrement abusive des onomatopées, mais rien de bien méchant. En tout cas même si ce roman est un ton en dessous de son précédent que j’ai lu, j’ai tout de même passé un bon moment de lecture. Je continuerai à lires des romans de l’auteur sans soucis.
En Résumé : J’ai passé un bon moment de lecture avec ce roman qui, certes, se révèle clairement un ton en dessous de Servir Froid, mais qui nous offre trois jours de bataille qui se révèlent vraiment intenses, épiques et passionnantes. Surtout l’auteur manie les rebondissements et le rythme de façon vraiment efficace pour emporter le lecteur. L’auteur nous offre aussi une réflexion vraiment intéressante sur la guerre, son importance, son existence et surtout son utilité. Des idées amenées de façon vraiment pertinentes et efficaces par les différents points de vues des personnages qui se révèlent cohérents et intelligents. On retrouve avec plaisir l’univers déjà visité dans la trilogie avec un retour dans le Nord, mais aussi la magie avec la présence de Bayaz personnage toujours aussi fascinant. Mais voilà je reproche tout de même à ce roman au final l’absence d’intrigue, le roman se limitant à cette bataille, et la présence de personnages qui se sont révélés assez ternes là où l’auteur m’avait clairement habitué à mieux. La plume de l’auteur se révèle toujours aussi sombre, cynique et efficace même si elle continue à légèrement abuser des onomatopées, mais rien de bien gênant. Dans tous les cas je continuerai à lire des romans de l’auteur.
Ma Note : 7,5/10
Tesrathilde
Je n’ai pas encore lu de fantasy très sombre… En fait je ne sais pas trop si ça pourrait me plaire, ou au contraire me rebuter. J’avais testé le Trône de Fer, mais j’avais arrêté autant pour le manque de fil conducteur (pas trouvé…) que la pléthore de personnages. Recommanderais-tu de commencer ce genre de littérature par Abercrombie ?
BlackWolf
Le Trône de Fer c’est simple le but est de savoir qui va finir Roi ou Reine 😛
Sinon plus sérieusement découvrir la Dark Fantasy par Abercrombie est tout à fait possible, si tu veux commencer par le début tu peux lire le cycle la Première Loi ou sinon si tu préfères un one shot Servir Froid me parait le mieux, surtout si tu n’es pas fan de la pléthore de personnages. Par contre comme je l’ai dis la violence est omniprésente, donc à toi de voir maintenant 🙂
Baroona
Ça me donne encore plus envie de commencer La Première Loi et d’enfin découvrir Abercrombie !
BlackWolf
Ah mais il faut découvrir Abercrombie 🙂
Escrocgriffe
Gettysburg version dark fantasy ? Waow, ça a l’air intéressant 😉
BlackWolf
Alors après je ne suis pas assez connaisseur de la bataille originale pour faire la comparaison, mais une bataille de 3 jours entre le Nord et le Sud, oui c’est la première bataille qui me vient à l’esprit.
Et oui, je confirme, c’est intéressant si on aime la Dark Fantasy 🙂
Lorhkan
Je viens de découvrir Abercrombie avec « Premier sang », le premier tome de la Première Loi, et j’ai bien aimé.
Je vais continuer la trilogie avec plaisir, avant d’embrayer sur ses deux one-shots.
Un auteur intéressant !
BlackWolf
Mon préféré de la trilogie reste le Tome 2. J’attends de voir ton avis en tout cas 🙂
Pieddejonc
Bonjour,
je suis en léger desaccord avec votre avis, peut être parceque ce qui vous gêne dans ce roman est pour moi une force.
1/ Vous dites qu’il n’y a pas d’intrigue. Pourtant, quand on a lu (ou pas) les autres livres d’Abercrombie, on devine facilement derrière les impératifs de Kroy, la detresse de Bremer ou encore les reflexions de Bayaz que cette simple bataille n’est pas une date bien importante, n’est qu’une toute petite part d’un dessein bien plus grand. Et si l’on en sait pas plus, c’est une volonté de l’auteur: nous placer au rang du trouffion! Dans une bataille, pas d’intrigue. Dévellopper une histoire plus complexe aurait dénaturé la nature du propos et rendu cette fantasy moins crédible.
2/ Le manque de profondeur des personnages! Je ne suis là encore pas d’accord avec vous. Il y a un coté Nietzchien dans les personnages d’Abercrombie. Les hommes nommés, qui n’existent que par leurs nom. Ils sont nommés, ils existent donc en tant que tel. Et la scène [spoil] où la faction Craw explique d’où viennent chacun des noms est révélatrice de cette construction des personnages.
3/ Servir Froid superieur aux Heros? Je crois que pour moi, c’est impossible à lire. J’ai pris grand plaisir à lire les deux, mais, à part le style d’écriture, ils n’ont rien en commun. l’histoire d’une vengeance à besoin d’être posée, descriptive, on s’attarde sur la psychologie et la transformations des personnages. Les Heros racontent une bataille: on survie ou l’on retourne à la boue. On ne s’attarde pas sur les sentiments. Lorsque les premières épées sont sorties du fourreaux, on ne peut plus décrocher du livre. La manière dont j’ai lu les deux livres est d’ailleurs symptomatique: une semaine pour lire Servir Froid, une nuit pour les Heros.
BlackWolf
Bonjour,
Il n’y a pas de mal à être en désaccord, chacun ayant sa propre vision de lecture et c’est aussi ce qui permet de débattre. Je vais donc essayer de justifier un peu plus mon point de vue par rapport à vos remarques.
1/ Oui il y a un dessin plus grand, je ne le nie pas, j’ai à peu près tout lu en VF de Abercrombie et je me doute bien que cette bataille reviendra sûrement à un moment ou à un autre et apportera sa révélation. Le problème ici c’est qu’une fois que j’ai tourné la dernière page de ce livre, oui j’ai suivi une bataille intense, oui elle était sanglante et violente comme toute guerre et la vie de soldat n’est pas rose. Oui là-dessus l’auteur a réussi son pari, mais voilà j’aime avoir quelques indices sur son but, son aboutissement. Je demande pas qu’on m’assène la vérité, juste avoir des indices sur une vision d’ensemble sans pour autant, je pense, dénaturer le roman. Surtout que vu que j’ai lu la trilogie et Servir Froid il y avait un aspect important de politique qui là n’apparait pas.
2/ Je n’ai pas dis que les personnages manquaient de profondeur, j’ai juste trouvé que certains personnages étaient un peu ternes, un peu plus en retrait par rapport à ce que proposait l’auteur d’habitude. Cela vient peut-être aussi du fait qu’il y a énormément de personnages, ce qui fait que l’auteur ne peut pas tous les développer à leurs justes valeurs, mais c’est parfois légèrement frustrant je trouve.
3/Pour ce point c’est juste une histoire de ressenti, j’ai plus apprécié ma lecture de Servir Froid que ma lectures des Héros, ça ne veut pas dire que l’un est mauvais et l’autre pas, juste que Les Héros est pour moi un bon roman là ou je trouvais Servir Froid excellent. Après ça dépend aussi peut-être des attentes de chacun, j’ai peut-être plus d’affinité avec des romans ou la psychologie et les motivations sont de mises qu’un simple récit de bataille et de mort. Même si ça ne m’empêche pas de lire les deux sans soucis.
Pieddejonc
Je ne suis pas sûr que l’on reparle de la bataille (ou alors, sans la nommer, dans le style d’Abercrombie. Calder est au pouvoir, Bayaz dirige les armées de l’Union vers Murcato, tout va comme le souhaite le premier mage).
J’ai fait une erreur de frappe dans mon commentaire: je ne saurais dire (et non lire) lequel des deux est le meilleur car pour les Heros, je crois qu’il faut le voir comme un exercice de style et qu’il est difficile de les comparer. J’ai lu les Heros en une nuit, ce n’est pas dans mes habitudes: le livre et le rythme m’ont entrainé vers la fin de la bataille. Mais si Abercrombie raconte encore une autre bataille je ne suis pas sûr d’accrocher. Si il me raconte de nouvelles intrigues (comme Servir Froid ou les 2 derniers tomes de la 1er loi) alors oui, j’achete. Même si dans cette exercice, je le trouve moins bon que G.Cook (Ah quand la suite des Instrumentalités de la nuit ??!!!??) .
BlackWolf
Cook faudrait vraiment que je me relise le cycle de la Compagnie Noire. En tout cas merci de ton commentaire et de ton avis détaillé, je le comprends parfaitement.